Le Quotidien du 17 octobre 2022 : Successions - Libéralités

[Brèves] Nullité d’un testament mystique émanant d’un testateur ne sachant ou ne pouvant lire : « incapacité » ou « impossibilité absolue » de lire ?

Réf. : Cass. civ. 1, 12 octobre 2022, n° 21-11.408, FS-B N° Lexbase : A55218NS

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 14 Octobre 2022

► Aux termes de l'article 978 du Code civil « ceux qui ne savent ou ne peuvent lire, ne pourront faire de dispositions dans la forme mystique » ;

C'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de caractériser l'impossibilité absolue du testateur (souffrant, en l’espèce, d’une maladie neurodégénérative, le plaçant dans l'incapacité de lire) de lire le document, en a déduit, en l'absence de certitude sur l'expression de ses dernières volontés, que l'acte devait être annulé.

Faits et procédure. En l’espèce, la de cujus, placée sous tutelle le 8 août 2015, était décédée le 6 octobre 2015, en laissant pour lui succéder ses frère et sœur. Le 31 juillet 2014, en présence de deux témoins, la de cujus avait remis à un notaire, qui en avait dressé l'acte de suscription, un testament mystique dactylographié et signé par elle, instituant un légataire universel.

Les frère et sœur avaient assigné le légataire en nullité du testament.

Décision CA. La cour d'appel de Nîmes avait déclaré nul le testament, après avoir relevé que, dans l'acte de suscription du 31 juillet 2014, le notaire avait mentionné que le testament mystique litigieux lui avait été remis par « le testateur », qui avait déclaré lui présenter son testament et affirmé en avoir personnellement vérifié le libellé par la lecture qu'« il » en avait effectuée.

Elle avait retenu qu'il ressortait du dossier de tutelle de la de cujus et des pièces médicales produites que celle-ci, qui souffrait de la maladie neurodégénérative de Steel Richardson, était dans l'incapacité de lire elle-même le texte dactylographié sur le document présenté et qu'aucun élément intrinsèque ou extrinsèque, dont l'acte de suscription, ne venait l'éclairer sur la manière dont l'intéressée aurait pu lire le document qu'elle présentait comme son testament.

Le légataire a formé un pourvoi faisant grief à l'arrêt, d’une part, de déclarer nul le testament, et d’autre part, de rejeter sa demande tendant à ce qu'il soit requalifié en testament international et à ce que sa régularité soit constatée. Il n’obtiendra pas gain de cause.

Sur la nullité du testament mystique. Par le premier moyen, le légataire, demandeur au pourvoi, reprochait à la cour d’appel, en premier lieu, de ne pas avoir caractérisé l'impossibilité absolue de la testatrice de lire son testament, privant sa décision de base légale au regard de l'article 978 du Code civil N° Lexbase : L0134HPN ; en second lieu, il soutenait que la cour avait ainsi fait peser sur lui, défendeur à l'action en nullité, la charge de prouver la possibilité pour la testatrice de lire son testament, et avait ainsi inversé la charge de la preuve et violé l'article 9 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1123H4D.

Les arguments sont écartés par la Cour suprême, qui retient une interprétation très stricte des dispositions de l’article 978 : selon la Haute juridiction, c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de caractériser l'impossibilité absolue de la testatrice de lire le document, en a déduit, en l'absence de certitude sur l'expression de ses dernières volontés, que l'acte devait être annulé.

Sur l’absence de requalification en testament international. Le légataire avait soulevé un autre moyen faisant valoir qu'avaient été respectées toutes les formalités prévues par les articles 3 à 5 de la loi uniforme annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973 portant loi uniforme sur la forme d'un testament international, de sorte que le testament litigieux devait être requalifié en testament international valable (en effet, l’arrêt avait constaté que le testament litigieux avait été dactylographié, qu'il comportait la signature de la testatrice, qu'il avait été remis au notaire qui l'avait cacheté en présence des deux témoins, et que le notaire avait consigné dans l'acte de suscription la déclaration de la testatrice selon laquelle il s'agissait de son testament et qu'elle en avait vérifié le contenu par la lecture qu'elle en avait faite).

Là encore, l’argument est écarté par la Cour suprême, qui approuve la décision de la cour d'appel qui avait relevé que, dans l'acte de suscription du 31 juillet 2014, le notaire avait mentionné que le testament mystique litigieux lui avait été remis par « le testateur », qui avait déclaré lui présenter son testament et affirmé en avoir personnellement vérifié le libellé par la lecture qu'« il » en avait effectuée. Ayant retenu que la de cujus était dans l'incapacité de lire le document remis au notaire, de sorte qu'elle n'avait pas été en mesure de déclarer que ce document était son testament et qu'elle en connaissait le contenu, la cour d'appel en avait exactement déduit que le document présenté, déclaré nul en tant que testament mystique, ne pouvait valoir comme testament international.

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