Le Quotidien du 12 avril 2022 : Responsabilité médicale

[Brèves] Indemnisation par l’ONIAM du dommage anormal constitué par la survenue prématurée de troubles après un acte chirurgical

Réf. : Cass. civ. 1, 6 avril 2022, n° 21-12.825, FS-B N° Lexbase : A32197SZ

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N1082BZ4

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par Laïla Bedja

le 11 Avril 2022

► Il résulte de l’article L. 1142-1, II, du Code de la santé publique, que la condition d'anormalité du dommage doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement et que, dans le cas contraire, les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Les conséquences de l'acte médical peuvent être notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement si les troubles présentés, bien qu'identiques à ceux auxquels il était exposé par l'évolution prévisible de sa pathologie, sont survenus prématurément. Dans ce cas, une indemnisation ne peut être due que jusqu'à la date à laquelle les troubles seraient apparus en l'absence de survenance de l'accident médical.

Les faits et procédure. M. A, qui présentait une claudication intermittente due à une courte occlusion de l'artère fémorale superficielle droite, a subi, le 20 juin 2012, une chirurgie carotidienne sous anesthésie locorégionale, réalisée par un chirurgien, et est demeuré hémiplégique à la suite de la survenue, au cours de l’intervention, d’une crise convulsive généralisée. Il est décédé le 7 novembre 2016. Son épouse et ses enfants ont assigné en responsabilité et indemnisation le chirurgien et son assureur, ainsi que l’ONIAM et ont mis en cause la caisse primaire d’assurance maladie qui a sollicité le remboursement de ses débours. La responsabilité du chirurgien a été écartée et les demandes formées à son égard ont été rejetées.

La cour d’appel. Pour mettre hors de cause l’ONIAM et rejeter les demandes d’indemnisations formées à son encontre, la cour d’appel (CA Paris, 2-2, 22 octobre 2020, n° 18/07921 N° Lexbase : A69353YI) relève que, selon les experts :

  • l’état de santé du patient était la conséquence de l'évolution prévisible de la pathologie qu'il présentait antérieurement ;
  • l'hospitalisation, l'intervention et la survenue de l'accident neurologique avaient été conjointement responsables d'une accélération du processus d'involution cérébrale liée à la démence vasculaire déjà présente avant les faits ;
  • ces événements conjoints avaient été responsables d'une aggravation significative de son état fonctionnel plus précocement qu'elle ne serait spontanément survenue en l'absence de tout événement ;
  • la détérioration et l'incapacité fonctionnelle qui en étaient résultées avaient été accélérées d'environ trois ans par rapport à ce qu'aurait été l'évolution spontanée de la pathologie.

Ainsi, elle a pu retenir, qu’en l'absence d'ambiguïté des conclusions des experts sur l'évolution spontanée de la pathologie vasculaire dont souffrait le patient vers l'état de détérioration intellectuelle et de dépendance qui était le sien après l'intervention, la preuve de l'anormalité du dommage n'est pas rapportée. À tort.

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par les juges du fond au visa de l’article L. 1142-1, II, du Code de la santé publique N° Lexbase : L1910IEH. Selon la Cour de cassation, ils auraient dû prendre en compte le fait que l’intervention avait entraîné de manière prématurée la survenue des troubles auxquels le patient était exposé.

Pour aller plus loin : v. C. Lantero, ÉTUDE : Le champ d’application de la réparation par la solidarité nationale, Le critère principal : des conséquences notablement plus graves, in Droit médical, Lexbase N° Lexbase : E92813R8.

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