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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef
le 25 Avril 2013
Lexbase : Créé à Paris en 1972, le cabinet DS Avocats s'est très vite intéressé au continent asiatique. Pourquoi un tel choix ?
Claude Le Gaonach-Bret et Olivier Monange : Le choix de l'Asie s'est opéré au fil de rencontres avec des hommes. Au milieu des années 1980, le continent asiatique n'était pas le réservoir de croissance que l'on connaît aujourd'hui, donc le choix de l'implantation n'était pas évident.
A la suite de ces rencontres, le cabinet s'est implanté en Chine et à Taïwan. Dans ces pays, la France n'était pas représentée, à l'inverse des cabinets anglo-saxons, seuls présents sur ces territoires. DS Avocats a été le premier cabinet français à s'implanter en Chine, à Taïwan, à Singapour, et le deuxième au Vietnam et en Inde.
Lexbase : Quels sont les avantages et les obstacles, notamment administratifs, pour un avocat français, à l'implantation sur le territoire de l'Asie ? Comment est structuré un cabinet local fondé par des avocats français ?
Claude Le Gaonach-Bret et Olivier Monange : Chaque pays connaît ses particularités, qui peuvent être très différentes d'une frontière à l'autre.
En Chine, le cabinet n'a d'abord pu s'implanter que comme cabinet de consultant, car les cabinets d'avocats étrangers n'étaient pas autorisés à ouvrir des bureaux de représentation. En 1997, la réglementation a changé, permettant l'ouverture de ces types de structures.
Les bureaux de représentation de cabinets d'avocats étrangers ne sont autorisés qu'à donner des informations sur le droit chinois, sans pouvoir le pratiquer réellement, et, notamment, sans avoir l'autorisation de plaider. De plus, les étrangers ne peuvent pas passer le concours d'avocat en Chine. Ces bureaux travaillent donc avec des avocats locaux.
A Singapour, comme en Chine, le pays est ouvert, mais l'exercice du droit est limité. Un cabinet étranger peut ouvrir un cabinet secondaire, mais ne peut pratiquer que le droit international, et non le droit local, et ses avocats ne peuvent pas plaider.
D'autres Etats asiatiques, comme le Vietnam, sont totalement ouverts. Au travers des avocats vietnamiens, ou qui ont passé un diplôme au Vietnam, les cabinets français peuvent exercer leur activité. L'accès au diplôme vietnamien permet de plaider et d'exercer le droit local.
Pour comparaison, en France, les mêmes règles s'appliquent, mais, en outre, certaines équivalences sont reconnues avec des diplômes étrangers. Dans ce cas, le candidat passe un examen allégé, lui permettant d'obtenir une équivalence du CAPA.
Dans tous les bureaux de représentation, un associé français est en charge du bureau et encadre les équipes locales. En Chine, les avocats chinois qui rejoignent l'équipe du cabinet doivent avoir eu une expérience à l'étranger, de façon à mieux répondre aux attentes des clients.
Lexbase : Pourquoi les liens avec certains pays (Japon, Inde) se sont créés par le biais d'un réseau de correspondants plutôt que par une implantation sur le territoire ?
Claude Le Gaonach-Bret et Olivier Monange : L'Inde est dans la même situation que la Chine avant 1997. Il n'est pas possible d'ouvrir un cabinet en Inde et d'exercer, en tant qu'avocat étranger, son activité sur place. Nous avons donc conclu un accord avec un cabinet indien, afin d'y détacher un avocat français, qui ne peut pas exercer le droit local.
Le Japon n'est pas un pays encore très ouvert aux investissements étrangers. De plus, les coûts d'implantation sont très élevés et le marché très concurrentiel. Les cabinets japonais sont nombreux et reconnus, beaucoup de cabinets anglo-saxons sont déjà implantés, il est donc difficile de trouver sa place et de la conserver. Au niveau de l'exercice de l'activité, les avocats peuvent exercer le droit japonais, mais n'ont pas le droit de plaider. Ils sont enregistrés en tant qu'avocats étrangers, sauf s'ils passent un diplôme japonais, auquel cas ils ont accès à la profession comme tout avocat local.
Lexbase : Les avocats francophones sont-ils de plus en plus nombreux à s'intéresser à la Chine ? Les avocats étrangers sont-ils aussi bien, mieux, ou moins bien représentés en Asie ?
Claude Le Gaonach-Bret et Olivier Monange : Parmi les avocats francophones, la Belgique semble s'intéresser au marché asiatique.
Concernant les avocats français, le nombre de cabinets qui s'implantent en Asie augmente, mais l'on observe, dans le même temps, un accroissement des explosions et des remaniements de cabinets. En réalité, le nombre des avocats inscrits au barreau de Paris n'a pas bougé (en Chine, ils sont entre 20 et 30 avocats). Cela est dû, notamment, aux difficultés générées par les différentes crises récentes. Depuis un ou deux ans, les cabinets étrangers ont du mal à conserver leur place en Asie, même si la situation commence à se stabiliser.
Ce sont les avocats anglo-saxons qui sont les plus représentés. Les américains ont été les premiers à s'installer en Chine. Les anglais ont eu des facilités à tisser des liens avec le continent, surtout grâce à Hong-Kong. Ces cabinets anglo-saxons ont une taille qui leur permet d'avoir une couverture plus globale, qui passe par l'Asie. En outre, certains pays (Malaisie, Inde, etc.) sont des pays de Common law, et donc leurs droits se ressemblent. En Inde, fréquemment, les juges citent la jurisprudence anglaise dans leurs décisions. Le droit des sociétés, notamment, est très similaire.
Ensuite, s'implantent en Asie, beaucoup de gros cabinets allemands, de plus en plus d'avocats japonais, et, moins représentés, des avocats italiens et espagnols.
Lexbase : Comment est perçue l'implantation de cabinets français en Asie par les avocats locaux ?
Claude Le Gaonach-Bret et Olivier Monange : Cette implantation est plutôt bien perçue localement. La France est considérée comme le pays de la loi, notamment en Chine. La culture juridique française est connue et appréciée en Asie, donc le contact avec les cabinets français est recherché par les cabinets locaux.
Toutefois, les avocats étrangers, et notamment anglo-saxons, restent des concurrents. Le ministère de la Justice en Chine cherche à limiter leur implantation. Par exemple, il y a quelques années, des avocats chinois à Shanghai ont porté plainte contre des cabinets américains, les accusant de ne pas respecter la règle selon laquelle les avocats étrangers ne peuvent pas faire plus que donner des informations sur le droit local. Ces cabinets travaillent avec les grands groupes internationaux, ce qui attire la méfiance des avocats locaux, qui se voient privés de l'accès à ces gros clients ; d'où les limites d'accès à la profession.
Les avocats anglais et américains effraient les avocats locaux plus que les avocats français, à cause de leur taille gigantesque.
Lexbase : L'Ordre des avocats au barreau de Paris a organisé, du 7 au 10 avril 2013, un Campus Asie au Vietnam, dans le but de former les avocats et de les initier aux opportunités que l'Asie offre. DS Avocats a participé à cet évènement (1). Pouvez-vous nous présenter ces trois journées ?
Claude Le Gaonach-Bret et Olivier Monange : Le Campus Asie 2013, organisé par l'Ordre des avocats du barreau de Paris, est un évènement important, car, pour la première fois, le Campus se déroule à l'étranger. Le choix du Vietnam comme pays d'accueil de cette manifestation est symbolique. Les Bâtonniers locaux sont venus à la rencontre de Christiane Féral-Schuhl, Bâtonnier au barreau de Paris.
Le Campus Asie est important pour le rayonnement de la profession des avocats français en Asie. Il a permis de rassembler les avocats français implantés sur place, qui ne se connaissaient, jusqu'alors, que dans un cadre de concurrence. De plus, ces avocats ont pu faire part à l'Ordre des difficultés qu'ils rencontraient.
Une centaine d'avocats se sont déplacés, dont cinquante avocats parisiens, qui ont ainsi découvert l'Asie et les formes d'exercice de la profession sur place.
Au cours du Campus, qui s'est déroulé sur deux jours et demi, les avocats parisiens ont pu rendre compte des actualités du droit français et les avocats implantés sur place leur ont fait connaître les spécificités des droits asiatiques.
(1) Maître Anne Séverin a participé à une conférence sur le thème "Entreprendre et investir en Asie : Chine, Cambodge et Vietnam", et Olivier Monange à une autre conférence, portant sur la pratique de l'arbitrage international en Asie.
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