Lexbase Affaires n°334 du 11 avril 2013 : Sociétés

[Pratique professionnelle] "Structure de gouvernance de l'entreprise : critères de décisions" : constat et préconisations de l'IFA

Réf. : IFA, document "Structure de gouvernance de l'entreprise : critères de décisions", janvier 2013

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N6617BTA

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

le 12 Avril 2013

L'Institut français des administrateurs a publié, en janvier 2013, un document intitulé "Structure de gouvernance de l'entreprise : critères de décisions", qui devrait intéresser tous les praticiens du droit des sociétés. Le groupe de travail, sous la présidence de Pierre Rodocanachi, considère "qu'il n'existe pas un format de gouvernance idéal qui pourrait être appliqué à toutes les sociétés sans prise en compte du contexte spécifique de chacune". Ayant pour objectif de permettre aux administrateurs de mieux appréhender les enjeux d'un choix de structure de gouvernance, le document de l'IFA identifie :
- des bonnes pratiques issues du retour d'expérience de dirigeants et présidents de conseil ;
- les questions que doivent se poser régulièrement le conseil et les administrateurs qui le composent, pour adapter au mieux le format de gouvernance de l'entreprise à l'évolution de ses besoins.
Nous vous proposons donc une présentation des travaux de l'IFA en la matière. I - Avantages et limites perçues des différents formats de gouvernance

Le système français offre aujourd'hui aux sociétés anonymes un système très ouvert avec la possibilité de choisir entre trois formes d'organisation du pouvoir, sans qu'aucune ne soit privilégiée par la loi ou par le code de gouvernance AFEP/MEDEF :
- conseil de surveillance avec Directoire (système dualiste) ;
- conseil d'administration avec PDG (système moniste avec unicité des fonctions) ;
- conseil d'administration avec un président non exécutif et un directeur général (système moniste avec dissociation des fonctions).

Selon le quatrième rapport annuel sur le code AFEP-MEDEF pour l'exercice 2011, publié en décembre 2012, la répartition des sociétés du SBF 120 selon les formes sociales et les modes de direction adoptés s'est modifiée entre 2010 et 2011. Ainsi, pour le CAC 40, le nombre de sociétés à conseil d'administration avec dissociation des fonctions a diminué au profit des sociétés à conseil d'administration avec unicité des fonctions, poursuivant ainsi l'évolution de 2010. Sur trois ans, la proportion des sociétés à conseil d'administration avec unicité des fonctions est passée de 34 % à 64 % au sein du CAC 40. On assiste, en outre, à une augmentation du nombre d'entreprises expliquant l'option retenue entre la dissociation des fonctions de président et de directeur général et l'unicité de ces fonctions, puisque 83 % des sociétés du CAC 40 et 68 % des sociétés du SBF 120 ont intégré cette recommandation en 2011 contre 81 % et 64 % en 2010.

Pour le code AFEP/MEDEF, sans trancher le débat sur le point de savoir s'il y a lieu de privilégier une formule plutôt qu'une autre, il convient de souligner que la principale régulation doit provenir de la transparence : transparence entre l'exécutif et le conseil d'administration, transparence de la gestion vis-à-vis du marché, et transparence dans la relation avec les actionnaires, notamment à l'occasion de l'assemblée générale. A ce titre, il est indispensable, pour le code AFEP/MEDEF, que les actionnaires et les tiers soient parfaitement informés de l'option retenue entre la dissociation des fonctions de président et de directeur général et l'unicité de ces fonctions. Outre les mesures de publicité prévues par la réglementation, le rapport annuel est le support de l'information due aux actionnaires, auxquels le conseil doit exposer les motivations et justifications de ses choix.

Cette position est partagée par l'AMF qui, dans sa recommandation consolidée n° 2012-02, a également préconisé :

- que les sociétés ayant fait évoluer leur système de gouvernance exposent et motivent cette évolution de manière précise et circonstanciée et indiquent les dispositions prises pour éviter les éventuels conflits d'intérêts, et que soient présentées les mesures particulières prises, le cas échéant, pour assurer un équilibre des pouvoirs au sein du conseil à l'occasion de la fusion des fonctions de président et de directeur général ;
- que les sociétés dont les mandats de président du conseil d'administration et de directeur général sont dissociés décrivent précisément les missions confiées au président du conseil.

Certains organismes ont clairement pris position, se déclarant favorables à une dissociation des fonctions dans les structures monistes. C'est le cas de l'Association française de la gestion financière (AFG) dans ses Recommandations sur le gouvernement d'entreprise, en 2012, et de Middlenext qui a publié, en 2009, un Référentiel pour une gouvernance raisonnable des entreprises françaises. Alors que le premier préconise dans les sociétés dirigées par un président directeur général que soit désigné un administrateur référent libre d'intérêts dont le rôle devra être formalisé dans les statuts ou dans le règlement intérieur du conseil, le second estime que, pour combattre le coût et la complication que cette séparation peut produire, il est envisageable, notamment dans les entreprises de petite taille, de mettre en place des systèmes de contrôle spécifiques comme, par exemple, un comité stratégique entièrement composé de personnalités extérieures devant lequel le dirigeant puisse, régulièrement, expliquer ses choix. On le voit, selon ces organismes, la présence d'administrateurs indépendants dans les SA monistes avec unification des fonctions semble primordiale.

Ceci étant, selon le rapport de l'IFA, les critères influençant le choix d'un format de gouvernance dépendent des facteurs suivants : la taille de l'entreprise, son type d'activité et le profil de l'actionnariat.

La forme dissociée dépendra, ainsi, en premier lieu, de la possibilité et du coût du recrutement de deux profils de haut niveau pour le poste à la fois de directeur général et celui de président du conseil et compte tenu d'un portefeuille de missions suffisant pour justifier chaque rôle.

Egalement, la forme dissociée est plus souvent retenue si, concernant l'activité :
- le modèle d'activité de l'entreprise nécessite un travail d'expertise lourd de la part du conseil ;
- le contexte sectoriel nécessite un pilotage adapté ;
- les investissements constituent une part importante et récurrente de l'activité du groupe ;
- la gestion des grands risques engage la pérennité de l'entreprise et son image ;
- le pilotage et l'animation d'une filière métier ou d'un écosystème d'entreprises sont justifiés ;
- le modèle du groupe est pluri-métiers.

De même, la forme dissociée est plus souvent retenue, pour le profil de l'actionnariat, en cas de :
- protection de l'actionnariat ou de l'exécutif ;
- transition managériale et/ou transmission générationnelle ;
- recherche et gestion dédiée d'actionnaires de référence ;
- réponse aux besoins de communication vers les actionnaires (notamment dans le cadre du "Say on Pay").

Le rapport de l'IFA dresse donc un tableau des avantages et inconvénients de chaque forme de gouvernance qui permet d'identifier avec clarté la pratique en la matière.

Ainsi, concernant le système moniste unifié (SA à conseil d'administration avec PDG), les avantages seraient les suivants :
- un renforcement de l'efficacité opérationnelle avec une meilleure coordination des opérations au sein du groupe ;
- une simplification du processus décisionnel ;
- une réactivité face à l'environnement concurrentiel ;
- un renforcement de la cohésion entre stratégie et fonction opérationnelle ;
- une relation plus étroite entre dirigeants et actionnaires ;
- une unicité de commandement en interne et en externe (meilleure lisibilité par le marché et facilité de prise de décision en interne) ;
- une logique du dirigeant entrepreneur.

Au contraire, cette forme présenterait les inconvénients suivants :
- la capacité réelle du dirigeant à se dédoubler entre sa responsabilité opérationnelle de management et sa mission de contrôle au niveau du conseil ;
- un lien dirigeant/actionnaire renforcé qui peut limiter la prise en compte de l'intérêt des autres parties prenantes (clients, salariés, fournisseurs...) ;
- indisponibilité du dirigeant pour assumer ses missions de président de conseil (animation du Conseil, gestion des actionnaires, ...) ;
- la non-conformité aux pratiques de gouvernance relatives à la séparation des fonctions de contrôle et de direction ;
- le risque d'absence de débats contradictoires au sein du conseil.

Le système moniste dissocié (SA à conseil d'administration avec dissociation des fonctions de président et de directeur général) présenterait certains avantage, à savoir :
- une capacité renforcée dans l'animation du conseil, des actionnaires, de l'assemblée générale et des administrateurs, le suivi du bon fonctionnement des organes sociaux et la mise en oeuvre des pratiques de gouvernance ;
- la représentation de l'intérêt des actionnaires indépendamment de l'exécutif ;
- la focalisation du directeur général sur son rôle exécutif ;
- une meilleure conformité aux pratiques de gouvernance relatives à la séparation des fonctions de contrôle et de direction ;
- une distinction claire entre les fonctions d'orientation stratégique, de décision et de contrôle (conseil) et les fonctions opérationnelles et exécutives (direction générale) ;
- une amélioration du fonctionnement du conseil grâce à la présence d'une personne exclusivement dédiée à sa présidence ;
- un format de gouvernance adapté pour des sociétés avec un actionnariat familial significatif, succession progressive d'un PDG ;
- une répartition équilibrée des pouvoirs limitant l'isolement du dirigeant et favorisant un dialogue entre pairs.

En revanche, ce système contiendrait les limites suivantes :
- un format de gouvernance qui repose sur la qualité de la relation entre le président et le directeur général et le respect de leurs prérogatives respectives ;
- un mode souvent utilisé de façon transitoire pour faciliter le processus de succession du dirigeant à la tête de la société ;
- la nomination de l'ancien PDG à la tête du conseil d'administration est jugée contraire par certains aux principes de gouvernance où il est recommandé de faire appel à un président indépendant (cette pratique est désormais interdite en Allemagne et déconseillée en Grande Bretagne) ;
- une répartition des rôles peu décrite par la loi qui mérite d'être affinée dans le règlement intérieur de façon très opérationnelle et concrète, et que doivent s'approprier le président et le directeur général ;
- un mode de gouvernance qui fonctionne s'il y a un espace suffisant pour des missions spécifiques au niveau du conseil (gestion des actionnaires, gestion de grands risques, ...) ;
- la dissociation peut poser un problème dans le cadre de la représentation vis-à-vis des tiers.

Concernant le système dualiste (SA à directoire et conseil de surveillance), les avantages identifiés par les travaux de l'IFA sont les suivants :
- la conformité aux pratiques de séparation des fonctions de contrôle et de direction ;
- la clarté de la répartition des pouvoirs de contrôle et de direction ;
- l'institutionnalisation de l'existence d'un équilibre et de l'indépendance des pouvoirs ;
- un processus décisionnel équilibré ;
- la collégialité de la direction qui est pleinement responsable de la gestion du groupe et de sa stratégie ;
- la protection de l'actionnariat ou de l'exécutif dans le cadre d'un actionnariat "vulnérable" ;
- une plus grande protection des membres du conseil de surveillance par rapport aux autres formats de gouvernance.

Au contraire, ce système présenterait certaines limites, à savoir :
- la limite de la mission du conseil au contrôle permanent de la gestion ;
- des prérogatives et une rémunération du président du conseil limitées ;
- un mode de nomination des membres du directoire échappant au président du directoire ;
- des difficultés potentielles à obtenir un consensus au sein d'un directoire composé d'égaux
- un processus plus lourd à mettre en oeuvre dans le cas d'une révocation des membres du directoire en assemblées générales ;
- un risque pour les membres du conseil et du directoire d'aller au-delà de leurs responsabilités telles que définies par le cadre juridique.

Une fois ce constat dressé, le groupe de travail présidé par Pierre Rodocanachi préconise la mise en place de 16 bonne pratiques de gouvernance.

II - Les 16 bonnes pratiques de gouvernance

Pour l'IFA, les 16 bonnes pratiques pour identifier la structure de gouvernance adaptée à une entreprise sont les suivantes.

1. Les conseils d'administration ou de surveillance doivent proposer à l'assemblée générale le choix du format de gouvernance le plus adapté aux besoins de l'entreprise, aux attentes des actionnaires et au contexte. Ils doivent exposer aux actionnaires les motivations et justifications du choix recommandé.

2. Le choix d'un format de gouvernance doit être associé à la réflexion permanente sur la composition du conseil en privilégiant les compétences, la qualité de représentation des parties prenantes, en nommant une majorité d'administrateurs indépendants et en instituant des comités spécialisés chargés d'instruire les travaux du conseil et d'en éclairer les décisions.

3. Le choix du dirigeant et du format de gouvernance sont intimement liés. Pour autant, il faut bien peser les risques d'une gouvernance de circonstance répondant à des logiques de situations ou de personnes. Le choix du format de gouvernance doit être animé par le souci d'assurer l'intérêt social de l'entreprise, d'entourer le dirigeant et de lui faciliter l'exécution de ses missions.

4. Il convient de bien définir les rôles respectifs du président du conseil et du directeur général ou du président du directoire. La fonction de président du conseil, stricto sensu, doit être reconnue dans le système de gouvernance comme une véritable valeur ajoutée. Les missions additionnelles qui peuvent lui être confiées doivent notamment privilégier le développement à long terme de l'entreprise.

5. Quel que soit le format de gouvernance, des comités compétents aux missions clairement définies sont des facteurs de bon fonctionnement du conseil, avec la nomination d'un administrateur indépendant à la présidence de chaque comité, la participation de chaque administrateur à au moins un comité, et des participations croisées entre comités.

6. Dans le cadre d'un conseil de surveillance, les comités participent plus au contrôle qu'à l'élaboration ou la mise en oeuvre des décisions, notamment le comité stratégique s'il existe.

7. Le choix du président du conseil est une décision-clé. La clarté et la qualité de sa relation avec l'exécutif (qu'il s'agisse du directeur général ou du président du directoire) sont essentielles pour le bon fonctionnement de l'entreprise.

8. La nomination de l'ancien PDG ou de l'ancien président du directoire en tant que président non exécutif du conseil doit être pesée et justifiée. Cette nomination peut avoir des avantages pour favoriser continuité et transmission, notamment dans le cadre d'entreprises familiales, mais elle doit pleinement respecter les prérogatives du nouvel exécutif.

9. Lorsque le conseil décide de confier à son président non exécutif des missions qui vont au-delà des strictes dispositions de la loi, il doit communiquer aux actionnaires des éléments sur le rôle exact qui lui est confié, l'étendue précise des pouvoirs qui lui sont conférés ainsi que la rémunération supplémentaire éventuelle attachée à ces missions. L'exécution de ces missions doit faire l'objet d'un suivi régulier et d'une évaluation par le conseil.

10. La rémunération du président non exécutif doit être établie sur une base fixe et en lien direct avec l'étendue des missions qu'il assume à la demande de la société, dans le respect du principe de séparation des fonctions exécutives et non exécutives.

11. Quel que soit le format de gouvernance retenu et les formes juridiques associées, une harmonisation des titres employés pour désigner le dirigeant est souhaitable pour une plus grande lisibilité sur le plan national comme international. En cas de dissociation, il paraît nécessaire de clarifier les responsabilités du président non exécutif, d'une part, et du directeur général ou du président du directoire, d'autre part, en utilisant les titres respectifs de président du conseil (Chairman) et de Chef de l'exécutif (CEO). Dans le cadre d'une société moniste unifiée, le PDG peut, pour chacune des fonctions exercées, porter l'une ou l'autre des signatures : celle de président du conseil lorsqu'il préside le conseil et celle de chef de l'exécutif, en tant que mandataire social dirigeant de l'entreprise.

12. Dans le cadre d'une forme moniste unifiée, la nomination d'un administrateur référent ne doit pas décharger les autres administrateurs de leurs responsabilités collégiales, ni être un substitut à la dissociation.

13. Les administrateurs doivent être toujours particulièrement attentifs à l'évolution de l'entreprise sur le long-terme. Ils doivent notamment :
- protéger l'exécutif de pressions sur le court terme ;
- favoriser l'actionnariat long terme, en mesurant de façon objective l'impact des décisions prises à court, moyen et long terme ;
- mener une réflexion sur le profil de l'actionnariat de l'entreprise, sa composition et son évolution au mieux de l'intérêt social de l'entreprise et de ses besoins de financement et d'investissement à moyen et long terme.
Pour assurer la continuité du conseil, tout en favorisant la transmission des savoirs et des expériences à de nouveaux administrateurs, il est souhaitable d'organiser un renouvellement progressif du conseil, par exemple par tiers.

14. Quel que soit le format de gouvernance, il est souhaitable d'inviter régulièrement à assister au conseil les responsables opérationnels ou fonctionnels des fonctions clés de l'entreprise. Ceci permet au conseil d'apprécier les risques et enjeux stratégiques liées à ces fonctions et de responsabiliser l'exécutif.

15. Dans tous les cas, les administrateurs doivent pleinement respecter les rôles et prérogatives de l'exécutif, afin d'éviter toute interprétation de leurs actions comme une mainmise du conseil sur la gestion de l'entreprise.

16. Le format de gouvernance retenu détermine les modalités de prise de décision. Néanmoins, le conseil se doit, lorsqu'il doit prendre des décisions importantes pour l'entreprise, de mettre en oeuvre des mécanismes de décision structurés, formalisés, voire une politique de vote ad hoc si la situation le requiert.

L'ensemble de ces éléments et la qualité des travaux menés par l'IFA doivent donc permettre aux dirigeants, aux actionnaires et à leurs conseils d'évaluer la situation de la société, son profil et ainsi mettre en place le système de gouvernance le plus adéquat.

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