Réf. : Cass. civ. 3, 16 février 2022, n° 20-22.618, FS-B N° Lexbase : A33427N4
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N0505BZQ
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 24 Février 2022
► L’assureur dommages-ouvrage ne peut plus contester, après l’expiration du délai de quatre-vingt-dix jours, la définition des travaux propres à remédier aux dommages déclarés et dont il a offert l’indemnisation ; il ne peut alors réclamer la restitution des indemnités affectées par l’assuré à l’exécution des travaux que ces indemnités étaient destinées à financer.
L’article L. 242-1 du Code des assurances N° Lexbase : L1892IBP pose le principe du mécanisme à double détente de l’assurance dommages-ouvrage. L’assureur dommages-ouvrage préfinance, dans des délais très courts, le coût des travaux réparatoires des dommages de nature décennale. Il se retourne, à la suite, contre les locateurs présumés responsables en application des dispositions de l’article 1792 du Code civil N° Lexbase : L1920ABQ ainsi que leur assureur de responsabilité civile décennale. Ce mécanisme est très efficace mais cette efficacité est, également, conditionnée par la nécessité de faire réaliser les travaux réparatoires. C’est pour cette raison que le bénéficiaire de l’indemnité versée par l’assureur dommages-ouvrage doit, réellement, faire exécuter les travaux de reprise. À défaut, le paiement de l’indemnité est considéré comme indu et il s’expose à une action en restitution de l’assureur. L’arrêt rapporté est une illustration de cette articulation.
En l’espèce, une société fait construire des bâtiments à usage de bureaux et souscrit, dans ce cadre, une assurance dommages-ouvrage. La réception intervient avec des réserves concernant, notamment, l’état des cassettes de bardage recouvrant les façades. Après la réception, la société déclare un sinistre à son assureur dommages-ouvrage relatif à la chute des cassettes de bardage. La compagnie propose de payer une indemnité et l’assuré fait procéder aux travaux de réparation. Considérant que l’indemnité versée à l’assuré incluait indûment la réparation de dommages non déclarés et réservés à la réception, l’assureur réclame, en vain, le remboursement de l’indemnité versée à son assuré.
La cour d’appel de Caen, dans un arrêt du 10 septembre 2020 (CA Caen, 10 septembre 2020, n° 18/03228 N° Lexbase : A28603T4), rappelle que l’indemnité due par l’assureur dommages-ouvrage ne concerne que le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs sur le fondement de l’article 1792 du Code civil N° Lexbase : L1920ABQ, l’indemnité versée ne pouvant excéder le paiement des travaux ainsi définis, le surplus relevant d’un paiement indu. Elle considère que l’assureur dommages-ouvrage est fondé à soutenir, au vu du rapport d’expertise amiable et de la déclaration de sinistre elle-même, qui ne visait que la chute des cassettes, que ce poste de préjudice n’entrait pas dans le champ de la garantie dommages-ouvrage souscrite par l’assuré.
L’assuré forme un pourvoi en cassation et l’arrêt est cassé. La cour d’appel aurait dû rechercher si le délai de 90 jours pour formuler une offre d’indemnisation n’était pas expiré ou constater que l’assuré n’avait pas employé l’indemnité versée à la réparation des désordres.
L’article L. 242-1 du Code des assurances institue ainsi une procédure spécifique de préfinancement des travaux de réparation des désordres de nature décennale avant toute recherche de responsabilité, ce qui rend obligatoire l’affectation de l’indemnité reçue à la reprise des désordres (Cass. civ. 3, 17 décembre 2003, n° 02-19.034, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4530DAZ).
Il reste que l’assureur dommages-ouvrage doit, également, proposer une indemnité dans le délai de 90 jours suivant la déclaration de sinistre, ce qui suppose que la nature des travaux de reprise soit connue dans ce même délai. À bien comprendre, l’assureur aurait dû se rendre compte dans ce délai que les travaux réparatoires couvraient des désordres non garantis par la police, par exemple pour avoir été apparents à la réception.
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