La lettre juridique n°881 du 14 octobre 2021 : Avocats/Déontologie

[Focus] Le secret des confidences entre un avocat et son client en matière de conseil et la répression des infractions

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[Focus] Le secret des confidences entre un avocat et son client en matière de conseil et la répression des infractions. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/73266642-focus-le-secret-des-confidences-entre-un-avocat-et-son-client-en-matiere-de-conseil-et-la-repression
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par Matthieu Boissavy, Avocat aux barreaux de Paris et de New York, Vice-président de la commission Libertés et droits de l’Homme du Conseil National des Barreaux

le 04 Novembre 2021

Par son vote en première lecture en mai dernier de l’article 3 du projet de loi « Confiance dans l’institution judiciaire », l’Assemblée nationale, avec un avis de sagesse du ministre de la Justice, a indéniablement renforcé la protection du secret des confidences entre un avocat et son client en indiquant clairement, par l’ajout d’un nouvel alinéa à l’article préliminaire du Code de procédure pénale, que « le respect du secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : Z80802KZ) portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, est garanti au cours de la procédure pénale dans les conditions prévues par le présent code ».

Ce texte confirme, une nouvelle fois au regard des précisions successives apportées par le législateur à l’article 66-5 de loi du 31 décembre 1971, que le secret professionnel de l’avocat s’applique en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense. Il conforte la protection du secret des confidences entre l’avocat et son client ainsi que celui des consultations juridiques de l’avocat en confirmant que ce secret est bien opposable aux autorités de poursuite et d’enquête, sauf, bien entendu, lorsque l’avocat aurait sciemment aidé son client à commettre une infraction.

L’Assemblée nationale a su trouver un équilibre entre d’une part la protection nécessaire, dans un État de droit, du secret des confidences entre l’avocat et son client, et d’autre part l’objectif légitime de répression des infractions, notamment financières, puisqu’il n’a jamais été question d’accorder la protection du secret lorsque l’avocat a été l’auteur ou le complice d’une infraction.

Malheureusement, le Sénat, répondant à une inquiétude des services d’enquête, qui nous semble mal fondée, a voté en première lecture un amendement à l’article 3 du projet de loi par lequel le secret professionnel en matière de conseil dans les enquêtes pénales pour fraude fiscale, corruption et trafic d’influence ne serait pas opposable aux enquêteurs et magistrats : « le secret professionnel du conseil n’est pas opposable aux mesures d’enquête et d’instruction relatives aux infractions mentionnées aux articles 1741 (N° Lexbase : L6015LMQ) et 1743 (N° Lexbase : L3888IZZ) du Code général des impôts, aux articles 433-1 (N° Lexbase : L9482IYT), 433-2 (N° Lexbase : L9474IYK) et 435-1 (N° Lexbase : L5521LZI) à 435-10 (N° Lexbase : L9477IYN) du Code pénal, ainsi qu'au blanchiment de ces délits. »

Cette généralité de la négation du secret en matière de conseil, y compris lorsque l’avocat n’a pas participé à la commission d’une des infractions visées, n’est pas raisonnable ni efficace. Elle omet les vertus du secret des confidences entre un client et son avocat pour permettre à l’avocat de conseiller au mieux son client dans le respect des règles du droit. Elle nie le caractère indissociable du conseil dans l’exercice des droits de la défense. Elle met en péril la compétitivité des avocats français dans le secteur international du droit et de la compliance. Enfin, elle n’ajoute rien aux pouvoirs dont disposent déjà les enquêteurs et magistrats pour recueillir les preuves de la commission des délits visés et que la version de l’article 3 du projet de loi votée par l’Assemblée nationale ne menace pas.

Il revient dorénavant à la Commission mixte paritaire et, si celle-ci n’est pas conclusive, en dernier mot à l’Assemblée nationale, de fixer pour les années à venir le sort en France de l’étendue de la protection des confidences entre un avocat et son client dans le domaine du conseil.

L’enjeu est colossal, et ne nous y trompons pas, il ne concerne pas seulement la confiance que les justiciables, citoyens et entreprises, accordent aux avocats français et à l’État de droit en France. Il a aussi des implications pour l’économie française, la compétitivité de ses entreprises et l’effectivité des programmes de compliance que l’État demande aux entreprises de mettre en œuvre en France avec leurs avocats.

Si l’amendement du Sénat est maintenu dans la version finale de la loi, le régime du secret professionnel en France restera, dans le cadre de la procédure pénale, celui qui existe déjà sous l’empire de la jurisprudence actuelle de la Chambre criminelle de la Cour de cassation : le secret professionnel de l’avocat n’est opposable aux autorités de poursuite et d’enquête que pour l’exercice des droits de la défense [1]. Selon cette jurisprudence, dans le domaine du conseil, toutes les confidences entre un avocat et son client, leurs correspondances et les consultations juridiques peuvent être saisies par les enquêteurs et magistrats si elles sont utiles à la manifestation de la vérité.

Encore faut-il bien s’entendre sur ce qui relève du domaine du conseil ou celui de la défense, tant les deux sont le plus souvent imbriqués. Or, la Chambre criminelle est allée très loin dans sa conception restrictive du domaine de la défense : les confidences faites à son avocat par un justiciable qui n’est pas encore mis en examen ou qui n’a pas fait l’objet d’une garde à vue ou été placé sous le statut de témoin assisté, restent dans le domaine du conseil et donc peuvent être saisies, écoutées et retranscrites (Cass. crim., 22 mars 2016, n° 15-83.205, FS-P+B, N° Lexbase : A7139Q9B).

À titre  d’exemple, cette jurisprudence, combinée avec l’amendement du Sénat, aurait pour conséquence dans une affaire de corruption, de trafic d’influence ou de fraude fiscale, que les confidences qu’une personne, non encore placée en garde à vue, non-mise en examen ou non placée sous le statut de témoin assisté -y compris lorsque l’enquête est déjà lancée- feraient à son avocat et les consultations juridiques de celui-ci sur la situation de son client pourraient être saisies, car pour la Chambre criminelle, ces confidences et consultations relèvent du domaine du conseil et non de l’exercice des droits de la défense.

Est-ce que les sénateurs savaient au moment de voter que cette jurisprudence de la Chambre criminelle n’est pas partagée par toute la Cour de cassation, ni même par le Conseil d’Etat, y compris en matière fiscale ?

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a déjà admis à plusieurs reprises, sur le fondement de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, que le secret professionnel de l’avocat en matière de conseil est opposable aux autorités publiques pour les consultations de l’avocat et les correspondances entre avocats et clients, y compris dans le cadre de contrôles fiscaux. La saisie de ces consultations juridiques et correspondances, ainsi que des factures de l’avocat, dans le cadre d’un contrôle fiscal du client par l’administration fiscale n’est pas régulière [2]

Le Conseil d’État l’a également jugé, aussi en matière de contrôle fiscal, en annulant une rectification opérée sur le fondement de la saisie de documents couverts par le secret de l’avocat en matière de conseil sans le consentement du client (CE 3° et 8° ch.-r., 12 décembre 2018, n° 414088, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1490YQA).

Les sénateurs auteurs de l’amendement n’ont pas fait état dans leur motivation au soutien de l’amendement de ces dernières jurisprudences ; les connaissaient-ils ?

En revanche, ils ont avancé l’argument selon lequel un très vieil arrêt du 18 mai 1982 de la Cour de justice des communautés européennes, l’arrêt « AM & S Europe Limited c/ Commission des Communautés européennes », interdirait aux États de l’Union européenne de reconnaître le secret professionnel de l’avocat en matière de conseil.

Qu’il nous soit permis d’exprimer un désaccord profond sur cette interprétation du droit européen.

S’il est vrai que cet arrêt ancien n’a admis l’opposabilité du secret professionnel de l’avocat que pour les avis rendus par des avocats indépendants dans le cadre de l’exercice des droits de la défense, aucune disposition du droit européen n’interdit aux États membres de l’Union de reconnaître l’opposabilité du secret professionnel de l’avocat en matière de conseil sous réserve de la non-participation de l’avocat à l’infraction. Et plusieurs dispositions, notamment dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (articles 6, 7, 8, 15, 16, 47 et 48) ou dans la Convention européenne de sauvegarde de droits de l’Homme (articles 6 N° Lexbase : L7558AIR et 8 N° Lexbase : L4798AQR) permettent cette reconnaissance.

Lorsqu’il était membre de l’Union européenne le Royaume-Uni disposait déjà d’un secret professionnel de l’avocat, dénommé legal privilege, qui s’applique en toutes matières, tant dans le domaine du conseil que celui de la défense. Les clients des solicitors (que l’on peut comparer à nos anciens conseils juridiques) peuvent invoquer le legal privilege pour s’opposer à la saisie des confidences qu’ils ont faites à leur solicitor ou bien des consultations juridiques de ces derniers en matière de conseil.

Quelle est la raison de cette règle de droit ? Il est d’usage en France de citer les mots d’Émile Garçon sur le « confident nécessaire » qu’est l’avocat pour son client, comme l’est le médecin pour son patient, ou le prêtre pour le catholique dans la confession. Une autre parole de justice mérite d’être citée, celle de la Chambre des Lords, qui justifie le legal privilege comme « …un corolaire nécessaire au droit de chaque personne d’obtenir des conseils juridiques provenant de personnes qualifiées (…). Un tel conseil ne peut être obtenu de façon efficace à moins que le client soumette tous les faits à son conseil sans avoir peur qu’ils puissent être ultérieurement divulgués et utilisés à son encontre » [3].

Aux États-Unis, le legal privilege est aussi opposable, tant en matière de défense que de conseil, aux autorités et à la partie adverse dans les procédures de discovery. La définition du legal privilege peut différer quelque peu selon les Etats et l’Etat fédéral mais l’on peut retenir celle donnée par le tribunal fédéral du district du Massachussets dans une décision du 10 mars 1950 : « the privilege applies only if (1) the asserted holder of the privilege is or sought to become a client ; (2) the person to whom the communication was made (a) is a member of the bar of a court, or his subordinate and (b) in connection with this communication is acting as a lawyer ; (3) the communication relates to a fact of which the attorney was informed (a) by his client (b) without the presence of strangers (c) for the purpose of securing primarily either (i) an opinion on law or (ii) legal services or (iii) assistance in some legal proceeding, and not (d) for the purpose of committing a crime or tort; and (4) the privilege has been claimed and (b) not waived by the client.”  [4].

Certes, comme le rappelle Monsieur le conseiller référendaire Nicolas Michon dans un article pertinent sur le sujet, dont nous ne partageons pas toutes les conclusions, il existe en droit nord-américain une exception au legal privilege dans les cas de crime ou de fraude « qui dépasse la participation de l’avocat à une fraude ou une infraction…notamment lorsque le client consulte un avocat pour des conseils qui lui serviront à commettre une fraude » [5].

Toutefois, nous pouvons critiquer l’étendue de cette exception : si un client consulte un avocat avec l’intention de frauder la loi, il ne peut ressortir de son cabinet, si l’avocat ne participe pas à la fraude, qu’avec des conseils pour la respecter. Il ne faut jamais oublier que l’avocat, respectueux de sa déontologie et du droit, est le deuxième ouvrier de l’œuvre de la loi, après le législateur et avant le juge. Qu’on cesse d’insinuer qu’il serait complice par nature dans le crime !

Mais l’amendement du Sénat ne prend même pas en compte l’exception de l’opposabilité du legal privilege admise par la Common Law. Il éradique de manière générale toute protection du secret en matière de conseil même si le client n’a pas cherché des conseils juridiques pour commettre une fraude et même si l’avocat n’a pas participé à la fraude !

Dans les pays de Common Law, le legal privilege est bien opposable aux autorités dans le domaine du conseil, sauf l’exception citée ci-dessus, et il n’est pas restreint, comme le juge en France la Chambre criminelle de la Cour de cassation ou le voudrait le Sénat pour le secret professionnel de l’avocat, à l’exercice des droits de la défense. Il est même reconnu pour les avis juridiques rendus par les in-house counsels, les avocats en entreprise.

Pourquoi en serait-il différemment en France ?

Aucune raison ne justifie que les justiciables clients des avocats français soient traités plus durement que ceux des avocats des pays de Common Law.

Au soutien de leur amendement, les sénateurs qui l’ont rédigé ont évoqué la crainte que le secret professionnel de l’avocat en matière de conseil ne soit une entrave à l’efficacité des enquêtes pénales pour fraude fiscale, corruption, trafic d’influence et blanchiment de ces délits.

Or, cette crainte n’est pas fondée dans la mesure où ni le droit actuel ni le texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture du projet de loi n’interdisent aux enquêteurs de saisir les correspondances entre un avocat et son client ou les consultations juridiques qui contiendraient la preuve de la participation de l’avocat à la commission de ces délits ou bien encore les documents commerciaux, juridiques, comptables ou financiers du client, telle que ses contrats, sa comptabilité ou ses factures.

En réalité, comme l’a dénoncé fort justement le Conseil national des barreaux dans sa motion du 17 septembre 2021, l’amendement du Sénat traduit une « confusion inacceptable … entre, d’une part, les pièces d’un justiciable, qui ne sont pas couvertes par le secret professionnel de l’avocat et qui sont saisissables dans le cadre des enquêtes pénales si cela est utile à la manifestation de la vérité et, d’autre part, les consultations d’avocat, les correspondances entre avocat et client et les factures de l’avocat au client, qui sont couvertes par le secret et ne doivent en aucun cas pouvoir être saisies, sauf si elles recèlent la preuve de la participation de l’avocat à une infraction pénale. »

À l’heure où nous écrivons ces lignes, un nouveau scandale de fraude fiscale, révélé par le Consortium international des journalistes d’investigation dans une affaire dite Pandora Papers, met en cause des cabinets d’avocats qui auraient participé à la création de montages juridico-financiers afin d’aider leurs clients à commettre des actes de fraude fiscale.

Si l’article 3 du projet de loi « Confiance dans l’institution judiciaire » était voté dans la version initiale de l’Assemblée nationale, les enquêteurs et magistrats Français, dans l’hypothèse où la justice française serait saisie de certains de ces cas, pourraient effectuer des investigations contre les cabinets d’avocats en France qui auraient participé à ces fraudes. L’amendement du Sénat n’ajoute rien aux pouvoirs d’investigations déjà reconnus en la matière.

En revanche, par sa négation générale du secret professionnel dans le domaine du conseil, y compris lorsque l’avocat n’a pas participé à la fraude, l’amendement du Sénat met en péril la confiance nécessaire que tout citoyen ou toute entreprise doit pouvoir trouver en son avocat.

Cette défiance manifestée par les sénateurs envers les avocats et leur mission de conseil ne manquera pas de produire des effets pervers qui sont préjudiciables, non seulement à l’État de droit et en la confiance des justiciables en la justice mais aussi à l’économie française, la compétitivité de ses entreprises et l’effectivité des programmes de compliance que l’État demande aux entreprises de mettre en œuvre en France avec leurs avocats.

Si les avocats français ne peuvent plus être considérés comme des partenaires de confiance par leurs clients dans leurs activités de conseil, si les confidences qui leur sont faites peuvent se retourner contre leurs clients, par un contournement des règles interdisant la contrainte de l’auto-incrimination, les citoyens ou entreprises se détourneront des avocats français pour être informés de leurs droits par des avocats, formés au droit français, d’un autre État qui reconnaît la protection de ce secret. Autre effet pervers de cette restriction de la protection du secret professionnel de l’avocat, l’État ne pourra plus compter sur les avocats français pour la mise en place des programmes de conformité dans les entreprises en France.

À titre d’exemple, n’oublions pas que les avocats, par les conseils qu’ils donnent à leurs clients, peuvent dissuader leurs clients de recourir à des montages illégaux ou risqués juridiquement. Encore faut-il, pour que les avocats puissent prodiguer des conseils appropriés, que leurs clients puissent leur exposer leur situation complète en confiance et donc qu’ils soient assurés que leurs confidences sont protégées de toute révélation ultérieure.

La tentation de l’administration de disposer du pouvoir d’aller chercher dans le cabinet d’avocat les confidences des citoyens et entreprises se double même d’une volonté de voir les avocats devenir délateurs de leurs clients. Les avocats sont pourtant déjà soumis à une obligation de déclaration de soupçons en matière de blanchiment. Des projets de les voir soumis à une obligation de déclaration de soupçons pour les infractions primaires sont à l’étude.

Cette négation du rôle légitime de l’avocat respectueux des lois n’est pas propre à la France. Récemment en Belgique, la Cour constitutionnelle Belge a mis un terme à cette dérive en annulant le 24 septembre 2020 une disposition législative qui imposait aux avocats Belges de procéder à une déclaration de soupçon d’une opération suspecte même si leurs clients, après avoir consulté leur avocat, avaient renoncé à cette opération (Cour constitutionnelle, arrêt n° 2020-114 du 24 septembre 2020) :

« Le secret professionnel de l’avocat est une composante essentielle du droit au respect de la vie privée et du droit à un procès équitable…

Le secret professionnel de l’avocat est un principe général qui participe du respect des droits fondamentaux ; pour ce motif et en application du principe général de prévisibilité des incriminations, les règles dérogeant à ce secret ne peuvent être que de stricte interprétation (…). Ainsi la règle du secret professionnel ne doit-elle céder que si cela peut se justifier par un motif impérieux d’intérêt général et si la levée du secret est strictement proportionnée….

Les informations dont l’avocat a connaissance au sujet d’une opération ou d’une tentative d’opération suspecte que son client, sur ses conseils, renonce à exécuter sont connues de l’avocat dans le cadre de l’exercice de son activité de conseil juridique …sont couvertes par le secret professionnel et échappent à l’obligation de déclaration de soupçons…(B.17)".

Cette dérive existe aussi en France et elle doit cesser.

L’adoption de l’article 3 du projet de loi « Confiance dans l’institution judiciaire », dans sa version votée par l’Assemblée nationale en première lecture, est de nature à respecter l’équilibre entre la protection des confidences entre l’avocat et son client et l’objectif légitime de répression des infractions.

L’amendement du Sénat à cet article 3, par sa négation générale du secret professionnel du conseil de l’avocat est contraire au principe constitutionnel des droits de la défense. Il est vain de croire que la distinction entre conseil et défense est nette. Le conseil est consubstantiel à la défense et c’est pourquoi les avocats qui le savent bien soutiennent que ce secret est indivisible.

Permettre la saisie des confidences entre un avocat et son client ainsi que des consultations juridiques lorsque l’avocat n’a pas participé à l’infraction, c’est contourner le droit à ne pas s’auto-incriminer posé par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. Si l’amendement du Sénat est finalement adopté, il sera similaire à une obligation pour l’avocat de venir témoigner à la barre d’un tribunal pour révéler les confidences entre lui et son client et dire ce qu’il lui a conseillé ou déconseillé.

Si au cours des débats au sein de la commission mixte paritaire un accord n’est pas trouvé pour la suppression de l’amendement du Sénat, à tout le moins que les parlementaires précisent que la restriction souhaitée par les sénateurs ne trouvera à s’appliquer qu’en cas de participation de l’avocat à la commission de l’une des infractions visées par le texte de l’amendement. Il suffirait pour cela qu’ils ajoutent la précision à la fin du texte indiquée après le si suivant : « Le secret professionnel du conseil n’est pas opposable aux mesures d’enquête et d’instruction relatives aux infractions mentionnées aux articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, aux articles 433-1, 433-2 et 435-1 à 435-10 du Code pénal, ainsi qu'au blanchiment de ces délits si les documents couverts par ce secret recèlent intrinsèquement la preuve de la participation intentionnelle de l’avocat à la commission de l’une de ces infractions. »

Lire aussi : Dossier spécial « Secret professionnel et droits de la défense », in Lexbase Pénal, avril 2021 (N° Lexbase : N7342BYL)
 

[1] Cass. crim., 30 septembre 1991, n° 91-84.403 (N° Lexbase : A0322ABK) ; Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 19-84.304, FS-P+B+I (N° Lexbase : A551937K).

[2] Cass. com., 3 mai 2012, n° 11-14.008, FS-P+B (N° Lexbase : A6622IKH) ; Cass. com., 26 novembre 2013, n° 12-27.162, F-D (N° Lexbase : A4738KQK) ; Cass. com., 6 décembre 2016, n° 15-14.554, F-P+B (N° Lexbase : A3841SPX).

[3] R. Morgan Grenfell & Co. Ltd v. Special Commissioner of Income Tax et al., (2003) A.C. 563; (2002) 2 W.L.R. 1299 at 1302, per Lord Hoffman – Cité par Thomas Baudesson et Peter Rosher in Le secret professionnel face au legal privilège, RDAI/IBJL, n°1, 2006.

[4] United States v. United Shoe MacHinery Corporation, 89 F. Supp. 357 (D. Mass. 1950).

[5] N. Michon, Legal privilege et secret professionnel : éléments de comparaison, AJ Pénal, 2019 p. 588

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