La lettre juridique n°881 du 14 octobre 2021 : Contrats administratifs

[Brèves] Pas de force majeure en cas d'inexécution par une personne publique d'un contrat du fait des manquements d'un autre de ses cocontractants

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 4 octobre 2021, n° 440428, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A210248D)

Lecture: 4 min

N9041BYI

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Pas de force majeure en cas d'inexécution par une personne publique d'un contrat du fait des manquements d'un autre de ses cocontractants. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/73266634-breves-pas-de-force-majeure-en-cas-dinexecution-par-une-personne-publique-dun-contrat-du-fait-des-ma
Copier

par Yann Le Foll

le 13 Octobre 2021

L'inexécution par une personne publique d'un contrat du fait des manquements d'un autre de ses cocontractants ne saurait constituer un cas de force majeure l’exonérant de sa responsabilité contractuelle.

Faits. Un stade municipal a été mis à la disposition, dans la durée, d'un club sportif en vue de l'organisation de rencontres de football programmées et, exceptionnellement, d'un autre cocontractant en vue de l'organisation d'un concert. Un accident mortel a été causé, au cours des opérations de montage de la scène de ce spectacle, par l'effondrement d'une structure métallique. Le stade a été rendu par suite indisponible pour accueillir, un mois plus tard, une rencontre sportive programmée.

Exclusion de la force majeure. L'indisponibilité du stade, bien que résultant de fautes commises par le cocontractant de la commune et les sous-traitants de celui-ci dans le montage de la structure scénique, n'aurait pu survenir sans la décision initiale de la commune de mettre le stade à disposition de ce cocontractant pour l'organisation d'un concert. Dès lors, l'effondrement de la structure scénique et l'accident mortel qui s'en est suivi ne résultent pas de faits extérieurs à cette commune et, dès lors, ne constituent pas un cas de force majeure de nature à l'exonérer de toute responsabilité contractuelle vis-à-vis du club sportif (censure CAA Marseille, 6 mars 2020, n° 19MA02108 N° Lexbase : A76053H7).

Rappelons que, dans son arrêt du 29 janvier 1909, « Compagnie des messageries maritimes », le juge administratif a considéré que pour être qualifiable de force majeure, l’évènement devait satisfaire aux conditions d’extériorité par rapport aux parties (CE, 9 novembre 1955, Société des transports routiers Aviat et Cie), d’imprévisibilité (à tout le moins, de ses conséquences) au moment de la conclusion du contrat (CE, 24 avril 1959, Secrétaire d’État aux Forces Armées c/ Établissements Forestiers), et d’irrésistibilité (CE, 23 juillet 1952, Société Les Avis Lesseure) au regard des moyens dont dispose le cocontractant pour l’exécution de ses obligations. 

Responsabilité contractuelle de la commune. La commune de Marseille n'ayant pas été en mesure de mettre le stade Vélodrome à disposition de la société Olympique de Marseille en vue de cette rencontre sportive, cette dernière, qui s'est trouvée contrainte d'organiser la rencontre dans un autre lieu sans que cela résulte de sa seule initiative. La société Olympique de Marseille est donc fondée à demander la réparation du préjudice qui en est résulté pour elle.

Évaluation du préjudice. La société Olympique de Marseille est fondée à soutenir que la commune de Marseille doit être condamnée à lui verser, à titre d'indemnité, une somme de 461 887 euros au titre :

- des pertes de recettes en raison du nombre de spectateurs ayant assisté au match dans le stade de substitution (Montpellier) notablement inférieur à celui qui aurait pu être accueilli dans le cadre d'un match organisé au stade Vélodrome à une telle période de l'année ;

- des frais de déplacement et d'hébergement pour les salariés, les stadiers et les supporters ;

- de l'achat d'encarts publicitaires destinés à informer le public de la délocalisation du match, pour le transport et l'entreposage au stade de la Mosson de matériels et de panneaux d'affichage publicitaires et pour l'achat de banderoles ;

- des frais inhérents à la location du stade de la Mosson à Montpellier ;

- du recrutement de personnels intérimaires à Montpellier, pour la tenue du guichet ou des opérations de manutention.

Appel en garantie.  L’article 6 de la convention de mise à disposition du stade à l'organisateur de spectacle prévoyait la responsabilité de celui-ci pour les dommages de toute nature pouvant survenir du fait ou à l'occasion de l'exécution de cette convention. Dès lors, nonobstant les manquements qui auraient pu être commis par les sous-traitants auxquels ce cocontractant a recouru pour le montage du dispositif scénique prévu pour la tenue du concert, il y a lieu d'accueillir les conclusions de la commune tendant à ce que ce cocontractant soit appelé en garantie.

En l'absence, au vu de l'instruction, de négligences de la commune de nature à atténuer les responsabilités incombant à son cocontractant en application de ces stipulations, ce cocontractant doit garantir la commune du montant total des sommes mises à sa charge.

newsid:479041