Lecture: 6 min
N7779BYR
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Adélaïde Léon
le 03 Juin 2021
Ce mercredi 2 juin 2021, Éric Cesari, ancien directeur général de l’UMP et prévenu dans « l’affaire Bygmalion » était interrogé sur son rôle dans le mécanisme de financement de la campagne présidentielle de 2012. Renvoyé pour usage de faux (C. pén., art. 441-1 N° Lexbase : L2006AMA), abus de confiance (C. pén., art. 314-1 N° Lexbase : L5515LZB), complicité de financement illégal de campagne électorale (C. électoral, art. L. 113-1, 3° N° Lexbase : L7424LG3) et complicité d'escroquerie (C. pén., art. 313-1 N° Lexbase : L2012AMH), l’intéressé affirme avoir tout ignoré du processus.
« Je viens à l’UMP pour y exercer des fonctions politiques »
Après un retour sur les déclarations de la veille et la confrontation entre Fabienne Liadze, directrice des finances de l’UMP au moment des faits, et les allégations de Pierre Chassat, ancien directeur de communication du parti, c’est au tour d’Éric Cesari d’être appelé à la barre. Comme ceux qui l’ont précédé au cours des derniers jours, il est invité à présenter son parcours, tant académique que professionnel. Après une carrière de délégué commercial, ce militant engagé au RPR depuis qu’il a 19 ans intègre le cabinet du ministre de l’Intérieur, puis l’équipe de Balladur, le conseil général des Hautes Seines puis l’UMP. Cesari achève sa présentation en concluant : « Ces fonctions politiques ne me préparent pas, pas plus que mon autre parcours, à être gestionnaire d’une administration et à piloter une structure. Je viens à l’UMP pour y exercer des fonctions politiques ».
« Il y a une espèce de fantasme autour de moi ».
Face à la présidente Caroline Viguier, qui lui présente les déclarations et témoignages tendant, au contraire, à attribuer au directeur général de l’UMP un réel pouvoir de décision et une présence plus importante que ce que l’intéressé voudra bien reconnaître, aux réunions liées à l’organisation de la campagne, Éric Cesari ne cesse d’affirmer, s’agissant de ses fonctions de directeur général de l’UMP, qu’il n’avait en réalité qu’un titre honorifique.
Le problème, et la présidente ne manquera pas de le lui rappeler, c’est que de nombreuses déclarations disent le contraire. Dominique Dord d’abord, ancien trésorier de l’UMP, avait déclaré qu’Éric Cesari et Jérôme Lavrilleux étaient à la fois à l’UMP et dans l’équipe de campagne, ils supervisaient cette équipe et rendaient compte à Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé notamment. Devant le tribunal Éric Cesari conteste une telle implication et dégaine un argument de défense qui reviendra au cours de l’audience « il y a un fantasme autour de moi ». À l’affirmation d’Adiba Redragui, chargée d’évènementiel à l’UMP, selon laquelle « Cesari était au courant de tous les moindres mouvements, faits et gestes, de tout ce qui se passait entre les murs de l’UMP » l’intéressé répond « bien sûr que non » la présidente comprend « bien sûr que oui », il comprend qu’elle n’a pas compris, elle dit ce qu’elle a compris, il rectifie. Rires dans la salle, l’interrogatoire reprend.
Il conteste également sa participation à des réunions charnières s’agissant du montant et de l’imputation des dépenses de campagne.
« Vous avez raison, il y a des divergences. Mais il y a une sorte de constante, c’est les protagonistes qui ont été autour de cette réunion de ventilation. »
Aux déclarations de Guillaume Lambert, alors directeur de campagne, selon lesquelles Éric Cesari aurait lui-même proposé la société Events pour la campagne présidentielle de 2012 l’ancien directeur général de l’UMP répond « je suis présent mais je ne propose pas Events, je ne les connais pas […] et je n’ai aucune compétence pour juger de la qualité des prestations dans l’événementiel ». Éric Cesari a-t-il participé à une réunion évoquant le coût exorbitant des premiers meetings de campagne et la recherche d’une solution ? Contestant les déclarations en ce sens de Guillaume Lambert, Éric Cesari affirme être passé par hasard et affirme que s’il avait assisté à une réunion évoquant des problèmes de plafond il s’en serait rappelé. Interrogé à nouveau sur le fait d’avoir participé à une réunion sur les questions du coût des premiers meetings de campagne il répond « je serai incapable de me rappeler de la teneur puisque je ne me souviens pas avoir été participant. ». À la question de savoir s’il a participé à une réunion durant laquelle le système de ventilation aurait été évoqué, Éric Cesari rétorque qu’il constate qu’il existe beaucoup d’incertitude quant à sa présence.
« Est-ce que je faisais le budget ? Non. Est ce que j’avais ce pouvoir ? Non. Il y a des éléments factuels. »
On en vient au réel pouvoir d’Éric Cesari. Celui-ci affirme « Je valide le fait que ça a été vu par un directeur dans sa compétence, par la directrice des ressources qui assume que c’est normalement dans le budget et je le fais passer au directeur de cabinet, décideur final ».
Interrogé sur son contrôle des engagements de dépenses et sur les devis qu’il signe et confronté à l’incohérence de l’existence de plusieurs devis à une même date, Éric Cesari se défausse « au moment où ça se passe, j’ai la tête ailleurs, je suis dans la campagne. Je ne suis pas dans la conscience que je participe à un système qui s’est élaboré ». Et la présidente Viguier de répondre « la difficulté c’est qu’on a votre signature sur ces devis et on a aussi votre signature sur les engagements de dépenses accompagnés de factures. Votre signature est sur une partie non négligeable des documents. On pourrait avoir l’impression que vous êtes au cœur de ce processus d’engament des dépenses ». L’ancien directeur général de l’UMP répond « j’ai fait ça dans un processus que je croyais classique, mais désorganisé à cause de la campagne ».
Et ni Caroline Viguier, ni le ministère public – qui n’aura pas épargné le prévenu en contredisant chacune de ses réponses par la lecture d’un mail témoignant d’un réel pouvoir de décision – ni les avocats des parties ne parviendront à obtenir d’Éric Cesari un quelconque aveu une quelconque concession. Les interrogatoires semblent se suivre et se ressembler.
Ce jeudi, c’est au tour de Jérôme Lavrilleux, directeur adjoint de la campagne, de se présenter à la barre. Reste à savoir si la présidente de la 11ème chambre du tribunal parviendra à éclaircir le brouillard qui règne autour de cette affaire.
Pour aller plus loin : V. Vantighem, Affaire Bygmalion : Le jour où Jérôme Lavrilleux a dit : « On a un problème... », Quotidien Lexbase, 31 mai 2021 (N° Lexbase : N7698BYR). |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:477779