Le Quotidien du 3 juin 2021 : Avocats/Honoraires

[Brèves] Fixation d’honoraires : la décision du Bâtonnier devenue irrévocable ne peut faire l’objet d’une mesure d’exécution forcée qu’après avoir été rendue exécutoire par le président du TJ

Réf. : Cass. civ. 2, 27 mai 2021, n° 17-11.220, F-P (N° Lexbase : A09134TY)

Lecture: 6 min

N7703BYX

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Fixation d’honoraires : la décision du Bâtonnier devenue irrévocable ne peut faire l’objet d’une mesure d’exécution forcée qu’après avoir été rendue exécutoire par le président du TJ. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/68739084-breves-fixation-dhonoraires-la-decision-du-batonnier-devenue-irrevocable-ne-peut-faire-lobjet-dune-m
Copier

par Marie Le Guerroué

le 03 Juin 2021

► La décision prise par le Bâtonnier d’un Ordre d’avocats sur une contestation en matière d’honoraires, fût-elle devenue irrévocable par suite de l’irrecevabilité du recours formé devant le premier président de la cour d’appel, ne constitue pas une décision à laquelle la loi attache les effets d’un jugement, de sorte qu’elle ne peut faire l’objet d’une mesure d’exécution forcée qu’après avoir été rendue exécutoire par ordonnance du président du tribunal judiciaire, seul habilité à cet effet.

Faits et procédure. Un avocat avait défendu jusqu’au mois d’octobre 1996 les intérêts d’un client et des sociétés que celui-ci dirigeait. Par décision du 1er août 2002, le Bâtonnier de son Ordre avait fixé à une certaine somme le montant des honoraires que ces derniers restaient lui devoir et, par ordonnance du 3 décembre 2003, devenue irrévocable par suite de la déchéance du pourvoi en cassation introduit par ces derniers, le premier président de la cour d’appel avait déclaré irrecevable le recours formé contre la décision ordinale, au motif que son auteur n’était ni identifiable, ni expressément mandaté par un pouvoir spécial. À la suite du décès du dirigeant, le 16 avril 2012, l’avocat poursuivant le recouvrement de sa créance à l’encontre des ayants droit du défunt avait fait signifier une opposition à partage auprès du notaire chargé du règlement de la succession et inscrire une hypothèque judiciaire sur divers immeubles appartenant aux intéressées ou dépendant de la succession. Les ayants droit soutenant que l’avocat ne disposait pas d’un titre exécutoire, l’ont fait assigner devant un tribunal en vue d’obtenir la mainlevée des inscriptions d’hypothèque et l’annulation de l’opposition à partage.

En cause d’appel. Pour dire que l’avocat dispose d’un titre exécutoire pour le recouvrement de sa créance d’honoraires fixée par la décision du Bâtonnier de son Ordre, l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 24 novembre 2016, n° 16/02975 N° Lexbase : A9098SIS) relève que cette décision a fait l’objet d’un recours devant le premier président de la cour d’appel qui, par une ordonnance devenue irrévocable, l’a déclaré irrecevable. Il retient ensuite qu’il importe peu que le premier président ne se soit pas prononcé sur le montant des honoraires de l’avocat, dès lors que la décision du Bâtonnier lui ayant été déférée, l’ordonnance, par laquelle ce magistrat a déclaré le recours irrecevable, a eu pour effet, après déchéance du pourvoi en cassation dont elle a été frappée, de rendre exécutoire la décision déférée, sans que l’avocat eût à saisir, à cet effet, le président du tribunal de grande instance. Il énonce, à cet égard, que l’article 178 du décret du 27 novembre 1991 ne confère au président du tribunal judiciaire le pouvoir de donner force exécutoire à la décision du Bâtonnier qu’en l’absence de recours formé devant le premier président de la cour d’appel et que, lorsqu’un tel recours a été introduit, il n’y a pas lieu d’opérer une distinction, que le texte ne prévoit pas, selon que ce recours est jugé recevable ou non, et, dans la négative, d’imposer à l’avocat de saisir le président du tribunal en vue d’obtenir un titre exécutoire, au motif que l’ordonnance du premier président ne vaudrait elle-même titre qu’en cas d’examen au fond de la contestation.

Réponse de la Cour de cassation. La Cour rend sa décision au visa des articles L. 111-2 (N° Lexbase : L5790IRU) et L. 111-3, 1° et 6° (N° Lexbase : L5301LUU) du Code des procédures civiles d’exécution, 502 du Code de procédure civile et 178 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat (N° Lexbase : Z44140RS). Selon le deuxième de ces textes, ne constituent des titres exécutoires dont un créancier peut, en application du premier, poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur, que, notamment, les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire lorsqu’elles ont force exécutoire et les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement. Aux termes du troisième, nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n’en dispose autrement. Il résulte du dernier que la décision prise par le Bâtonnier d’un Ordre d’avocats sur une contestation en matière d’honoraires ne peut être rendue exécutoire que par ordonnance du président du tribunal judiciaire. Pour la Cour, en statuant ainsi, alors que la décision prise par le Bâtonnier d’un Ordre d’avocats sur une contestation en matière d’honoraires, fût-elle devenue irrévocable par suite de l’irrecevabilité du recours formé devant le premier président de la cour d’appel, ne constitue pas une décision à laquelle la loi attache les effets d’un jugement, de sorte qu’elle ne peut faire l’objet d’une mesure d’exécution forcée qu’après avoir été rendue exécutoire par ordonnance du président du tribunal judiciaire, seul habilité à cet effet, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Cassation. La Cour censure, par conséquent, l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 24 novembre 2016.

 

Pour rappel : si le Bâtonnier est investi d'une véritable fonction juridictionnelle, ses décisions ne sont jamais exécutoires par elles-mêmes (Cass. civ. 2, 30 janvier 2014, n° 12-29.246, F-P+B N° Lexbase : A4417MDX).

 

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les honoraires, émoluments, débours et modes de paiement des honorairesL'absence de force exécutoire de la décision du Bâtonnier en matière de contentieux des honoraires de l'avocat, in La profession d'avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase (N° Lexbase : E37983R4).

 

newsid:477703