Le Quotidien du 12 avril 2021 : Procédure pénale

[Brèves] Conditions indignes de détention : la loi du 8 avril 2021 crée un recours devant le juge judiciaire

Réf. : Loi n° 2021-403, du 8 avril 2021, tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention (N° Lexbase : L9830L3H)

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par Adélaïde Léon

le 16 Septembre 2021

► La loi n° 2021-403 du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention a été publiée au Journal officiel du 9 avril 2021. Elle crée un article 803-8 du Code de procédure pénale instituant une procédure visant à faire reconnaitre et cesser l’existence de conditions indignes de détention affectant tant les détenus provisoires que les personnes condamnées.

« Plusieurs décisions de justice récentes ont constaté que la France n'était pas en mesure de garantir, en toutes circonstances, des conditions de vie en établissement pénitentiaire suffisamment dignes, ni surtout d'y mettre fin lorsque de telles situations apparaissent, via des voies de recours satisfaisantes ». C’est dans ces mots que l’espace presse du Sénat présentait la proposition de loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention.

De la visite du Contrôle général des lieux de privation de liberté au Baumettes, en octobre 2012, à la décision du Conseil constitutionnel d’octobre 2020, ne laissant au législateur d’autre choix que de créer un recours effectif, il aura fallu huit années de lutte de la part des détenus, des associations et de leurs avocats pour faire reconnaitre les carences de la législation française en matière de droit au respect de la dignité en détention.

Dans sa décision n° 2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020 (Cons. const., décision n° 2020-858/859 QPC, 2 octobre 2020 N° Lexbase : A49423WX), le Conseil des Sages avait jugé que les recours devant les juges administratif et judiciaire ne permettaient pas aux personnes détenues provisoirement d’obtenir qu’il soit mis fin aux atteintes à leur dignité résultant des conditions de leur détention. Il abrogeait l’alinéa second de l’article 144-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2984IZK) et octroyait au Parlement un délai de cinq mois pour adopter de nouvelles dispositions propres à permettre aux personnes ainsi détenues d’obtenir qu’il soit mis fin aux atteintes à leur dignité résultant des conditions de leur détention.

C’est avec un léger retard que la loi du 8 avril 2021 vient créer, en faveur des détenus provisoires et des détenus condamnés, un recours devant le juge judiciaire permettant d’obtenir la cessation de conditions indignes de détention.

I. Nouvel article 803-8 du Code de procédure pénale

La loi nouvelle crée ainsi un article 803-8 du Code de procédure pénale instituant une procédure tendant à faire reconnaitre et cesser l’existence de conditions indignes de détention affectant tant les détenus provisoires que les personnes condamnées.

Saisine. Toute personne détenue dans un établissement pénitentiaire et qui considère que ses conditions de détention sont contraires à la dignité de la personne humaine pourra saisir, afin qu’il soit mis fin à ces conditions de détention indignes :

  • le juge des libertés et de la détention si elle est en détention provisoire ;
  • le juge de l’application des peines si elle est condamnée et incarcérée en exécution d’une peine privative de liberté.

Examen de la recevabilité de la requête. Le juge saisi disposera alors de dix jours pour décider s’il estime la requête recevable. Pour ce faire, celle-ci devra contenir des allégations circonstanciées, personnelles et actuelles, de sorte qu’elles constituent un commencement de preuve. Dans ce délai ou avant toute décision concernant cette demande, aucune nouvelle requête ne pourra être déposée par l’intéressé.

Vérifications des allégations. Lorsque la requête sera jugée recevable, le juge procèdera ou  plus probablement  fera procéder aux vérifications nécessaires et recueillera les observations de l’administration pénitentiaire dans un délai compris entre trois jours ouvrables et dix jours à compter de la décision de recevabilité.

Communication et injonction à l’administration pénitentiaire. Lorsque la requête sera jugée fondée, le juge fera connaitre à l’administration pénitentiaire, dans un délai de dix jours à compter de la décision de recevabilité, les conditions qu’il estime contraires à la dignité de la personne humaine. Il fixera un délai compris entre dix jours et un mois au terme duquel il devra être mis fin, par tout moyen, à ces conditions.

Action de l’administration pénitentiaire. C’est l’administration pénitentiaire qui sera seule compétente pour apprécier les moyens propres à faire cesser ces conditions de détention. Elle pourra notamment transférer l’intéressé dans un autre établissement, sous réserve, s’il s’agit d’un prévenu de l’accord du magistrat saisi du dossier de la procédure.

Au terme du délai imparti, si le juge considère qu’il n’a pas été mis fin aux conditions indignes de détention, il rend, dans un délai de dix jours une décision ordonnant :

  • soit le transfèrement de la personne dans un autre établissement ;
  • soit, si la personne est en détention provisoire, sa mise en liberté immédiate, le cas échéant sous contrôle judiciaire ou assignation à résidence avec surveillance électronique ;
  • soit, si la personne est définitivement condamnée et éligible à une telle mesure, l’une des mesures prévues au III de l’article 707 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7620LPW) (semi-liberté, placement à l’extérieur, détention à domicile sous surveillance électronique, libération conditionnelle, libération sous contrainte).

Refus de transfèrement d’un détenu provisoire. Lorsque l’administration pénitentiaire aura proposé un transfèrement à une personne détenue provisoirement et que celle-ci aura refusé, pour d’autres raisons, eu égard au lieu de résidence de sa famille, qu’une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale, le juge pourra refuser de rendre l’une des décisions ci-dessus énoncées.

Dans le cadre de ce nouveau recours, le détenu pourra être assisté de son avocat.

Motivation des décisions. Toutes les décisions prévues par l’article 803-8 du Code de procédure pénale devront être motivées.

Appel. La décision de recevabilité de la requête, celle reconnaissant la requête fondée et celle prise en conséquence de l’insuffisante action de l’administration pénitentiaire pourront faire l’objet d’un appel devant le président de la chambre de l’instruction ou devant le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel. L’appel devra être interjeté dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision attaquée

Examen de l’affaire. L’affaire devra être examinée dans un délai de quinze jours, à défaut, l’appel est non avenu.

Saisine directe des présidents de chambre. Lorsque les délais prévus à l’article 803-8 du Code de procédure pénale n’auront pas été respectés, la personne détenue pourra également saisir directement le président de la chambre de l’instruction ou le président de la chambre de l’application des peines.

Précisions règlementaires à venir. Les modalités d’application de l’article 803-8 du Code de procédure pénale seront précisées par Conseil d’État et notamment les modalités de saisine des juges, la nature des vérifications ordonnées par le juge et l’impact de la décision de recevabilité de la requête adressée au juge judiciaire sur la compétence du juge administratif.

II. Détention provisoire et disparition des conditions

En réaction à l’abrogation du second alinéa de l’article 144-1 du Code de procédure pénale, la loi n° 2021-403 du 8 avril 2021 restitue à cet article un alinéa second dans lequel elle prévoit que lorsque les conditions subordonnant le recours à la détention provisoire ne sont plus remplies, le juge d'instruction ou, s'il est saisi, le juge des libertés et de la détention doit ordonner la mise en liberté immédiate de la personne placée en détention provisoire.

Pour aller plus loin :

  • A. Morineau, Huit ans de bataille pour la dignité des personnes détenues, de la CEDH au Conseil constitutionnel, Lexbase Pénal, novembre 2020 (N° Lexbase : N5309BYB) ;
  • M. Giacopelli, Le raz de marée du principe de dignité, Lexbase Pénal, novembre 2020 (N° Lexbase : N5183BYM).

 

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