Le Quotidien du 12 avril 2021 : Sociétés

[Brèves] SARL : fixation du lieu de réunion de l’AG, révocation et octroi d’une prime exceptionnelle à la gérance

Réf. : Cass. com., 31 mars 2021, n° 19-12.057, F-P (N° Lexbase : A47874NM)

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par Vincent Téchené

le 09 Avril 2021

► Dans le silence des statuts, le lieu de réunion des assemblées générales d'une société à responsabilité limitée est fixé par l'auteur de la convocation, cette décision ne pouvant être remise en cause que si elle constitue un abus de droit ;

► Par ailleurs, la décision de révocation d'un gérant minoritaire associé d'une société à responsabilité limitée, lorsqu'elle ne comporte que deux associés, peut résulter du seul vote de l'associé possédant plus de la moitié des parts sociales ;

► Enfin, l'allocation d'une prime exceptionnelle au gérant ne s'analyse pas en une convention passée entre ce dernier et la société mais en la fixation d'un élément de sa rémunération, de sorte que celui-ci peut prendre part au vote.

Faits et procédure. Le capital d’une SARL, dont le siège social est à Baie-Mahault (971), était réparti entre deux frères, le premier détenant 50,04 %, et le second 49,96 %. Ils étaient en outre cogérants de la société jusqu'à ce qu'une assemblée générale, réunie à Paris sur la convocation du gérant majoritaire, décide la révocation du cogérant minoritaire de ses fonctions et, par la même occasion, l'octroi d'une prime exceptionnelle au majoritaire. Contestant ces décisions, le minoritaire révoqué a assigné la société et le gérant majoritaire, principalement, en annulation de cette assemblée et en rétablissement dans ses fonctions de cogérant, avec tous les attributs y afférents.

Débouté par la cour d’appel (CA Basse-Terre, 12 novembre 2018, n° 17/00791 N° Lexbase : A2345YLG), le minoritaire a formé un pourvoi en cassation.

Décision. Au soutien de son pourvoi, il développait trois moyens que la Cour de cassation a rejetés.

  • Sur le lieu de réunion de l’assemblée

Le demandeur au pourvoi soutenait que l’assemblée était nulle pour avoir été convoquée à Paris et non au siège social dans le but d’entraver sa participation à la décision collective.

Sur ce point, la Cour de cassation énonce que dans le silence des statuts, le lieu de réunion des assemblées générales d'une société à responsabilité limitée est fixé par l'auteur de la convocation, cette décision ne pouvant être remise en cause que si elle constitue un abus de droit. Or, la cour d’appel a retenu que le minoritaire ne justifie pas de la réalité d'une indisponibilité le jour de la réunion de l'assemblée générale et ne démontre pas que son frère a voulu sciemment l'empêcher d'assister à cette assemblée. En déduisant de ces seules constatations et appréciations, procédant de l'exercice de son pouvoir souverain, que la demande d'annulation de l'assemblée générale fondée sur sa tenue en métropole n'était pas justifiée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

Observations. La cour d’appel de Paris dans un arrêt relativement ancien avait également retenu qu’aucune disposition légale n'impose de lieu pour réunir une assemblée générale de société à responsabilité limitée et que les statuts peuvent prévoir un lieu en vue de la réunion des assemblées de la société à responsabilité limitée. En outre, dans le silence des statuts, le gérant peut réunir l'assemblée au lieu de son choix, sauf s'il est démontré que le lieu qu'il a choisi l'a été en vue de gêner la participation de certains associés ou d'influencer les votes (CA Paris, 5ème ch., sect. C, 5 novembre 1999, n° 1997/13918 N° Lexbase : A7612A3C).

  • Sur la décision de révocation

Le minoritaire soutenait ensuite que la révocation de ses fonctions de gérant était nulle car il ressortait de la stipulation des statuts, claire et précise, qu'un associé, même majoritaire, ne peut, seul, révoquer un co-gérant, la présence d'au moins deux associés étant requise.

La Cour de cassation rappelle qu'aux termes de l'article L. 223-25 du Code de commerce (N° Lexbase : L3180DYG), le gérant d'une société à responsabilité limitée peut être révoqué, par décision des associés, dans les conditions de l'article L. 223-29 (N° Lexbase : L2367LR4), à moins que les statuts ne prévoient une majorité plus forte et que, selon ce dernier article, dans les assemblées ou lors des consultations écrites, les décisions sont, sur première convocation, adoptées par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales.

Or, en l’espèce, les juges d’appel ont relevé que l'article 23-3 des statuts de la société dispose, s'agissant de la révocation des gérants, que « les décisions relatives à la nomination ou à la révocation de la gérance doivent être prises par des associés représentant plus de la moitié des parts sociales, sans que la question puisse faire l'objet d'une seconde consultation à la simple majorité des votes émis ». Ils retiennent, dès lors, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de ces stipulations statutaires, que l'ambiguïté de leurs termes rendait nécessaires, qu'il est communément admis que la décision de révocation d'un gérant minoritaire associé d'une société à responsabilité limitée, lorsqu'elle ne comporte que deux associés, peut résulter du seul vote de l'associé possédant plus de la moitié des parts sociales et que le terme « des associés », figurant à l'article 23-3 précité, devait être compris comme faisant référence de manière générique à « un ou plusieurs associés » ayant pris part au vote et non comme imposant, pour ce vote, la présence des deux associés.

Pour la Haute juridiction, le moyen n’est donc pas fondé.

  • Sur la décision d'octroi d'une prime exceptionnelle

Enfin, le minoritaire soutenait que le gérant majoritaire ne pouvait pas participer au vote de l'assemblée lui octroyant une prime exceptionnelle, puisqu’il s’agissait d’une convention ne pouvant correspondre à une opération courante.

Ce moyen n’emporte pas la conviction de la Haute juridiction. Elle commence par rappeler que les dispositions de l'article L. 223-19 du Code de commerce (N° Lexbase : L5844AIB) relatives à la procédure d'approbation des conventions intervenues directement ou par personne interposée entre la société et l'un de ses gérants associés, prévoient que l'associé ou le gérant ne peut prendre part au vote et que ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité. En l’espèce, l'article 21-2 des statuts de la société reprend ces dispositions.

Ainsi, selon la Cour de cassation, c'est à bon droit que la cour d'appel, abstraction faite du motif selon lequel l'octroi d'une telle prime est une opération courante qui peut être votée par décision ordinaire des associés, a retenu que l'allocation d'une prime exceptionnelle au gérant ne s'analyse pas en une convention passée entre ce dernier et la société mais en la fixation d'un élément de sa rémunération et que celui-ci peut donc prendre part au vote.

Observations. Si pendant longtemps, la doctrine et la jurisprudence hésitaient sur la question de savoir si la rémunération du gérant de SARL est une convention réglementée, la question a été tranchée par la Cour de cassation, le 4 mai 2010 : la détermination de la rémunération du gérant d'une SARL par l'assemblée des associés ne procédant pas d'une convention, le gérant peut, s'il est associé, prendre part au vote (Cass. com., 4 mai 2010, n° 09-13.205, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0021EX3 ; v. D. Gibirila, La participation du gérant de SARL à la décision fixant sa rémunération, Lexbase Droit privé, juin 2010, n° 399 N° Lexbase : N4160BPR ; v. égal., Cass. com., 4 octobre 2011, n° 10-23.398, F-P+B N° Lexbase : A5962HYH).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les associés de société à responsabilité limitée, Le lieu de réunion de l'assemblée (N° Lexbase : E6022A3G) ; ÉTUDE : La vie des fonctions du gérant de société à responsabilité limitée, Le vote de la révocation par les associés (N° Lexbase : E5666AD9) et ÉTUDE : Les conventions passées avec la société à responsabilité limitée, Les conventions visées par la réglementation (N° Lexbase : E5685A3X), in Droit des sociétés, (dir. B. Saintourens), Lexbase.

 

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