Lexbase Avocats n°311 du 4 février 2021 : Avocats

[Actes de colloques] La profession d’avocat : les risques de l’exercice (colloque du 25 septembre 2020 à Amiens) - Le concours des barreaux dans le règlement des sinistres

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[Actes de colloques] La profession d’avocat : les risques de l’exercice (colloque du 25 septembre 2020 à Amiens) - Le concours des barreaux dans le règlement des sinistres. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/64882748-actes-de-colloques-la-profession-davocat-les-risques-de-lexercice-colloque-du-25-septembre-2020-a-am
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par Yves Avril, ancien Bâtonnier, avocat honoraire, Président d’honneur du Conseil régional de discipline, docteur en droit

le 03 Février 2021

Le 25 septembre 2020, s'est tenu à Faculté de droit d'Amiens un colloque sur le thème « La profession d'avocat : les risques de l'exercice », sous la direction scientifique de Rodolphe Bigot et François Viney. Partenaire de cet événement, la revue Lexbase Avocats vous propose de retrouver l’intégralité des actes de ce colloque.

Le sommaire de cette publication est à retrouver ici (N° Lexbase : N6281BYB).
Les interventions de cette journée sont également à retrouver en podcasts sur Lexradio.


Dans un régime d’assurance obligatoire le concours des barreaux est incontournable. En effet, si la loi a rendu l’assurance de responsabilité civile obligatoire [1], rapidement les barreaux se sont dotés d’une assurance collective quand elles n’existaient pas déjà. L’Ordre est alors le titulaire de la police et la jurisprudence reconnait régulièrement aux conseils de l’Ordre le pouvoir d’imposer une adhésion aux avocats inscrits [2]. Dans ce contexte l’Ordre paraît devoir centraliser les déclarations de sinistre, qu’elles proviennent du réclamant ou soient transmises par l’avocat mis en cause. On rappellera en outre que le Bâtonnier a un rôle incontournable : toute réclamation [3] et toute assignation [4] reçue par l’avocat doit lui être transmise.

Pour aider le Bâtonnier à exécuter ces obligations, la pratique a créé, de façon formelle ou informelle, des « commissions sinistres ». Elles sont composées d’avocats expérimentés, de préférence compétents en droit des obligations et en droit des assurances. Les commissions sinistres ont pu avoir la faveur des assureurs puisque les polices souscrites par la Compagnie Allianz précisent que l’assureur ne peut invoquer une déclaration tardive de sinistre tant que la commission compétente a été saisie, sauf l’hypothèse où une assignation a été délivrée. En ce cas elle doit être transmise sans attendre à l’assureur.

Une « commission sinistres » ne peut pas être le conseil des réclamants qui ont la faculté de se faire assister ou représenter par l’avocat de leur choix. Une telle conduite, de surcroît chronophage, serait une approche masochiste : encourager les réclamants. En revanche elle se doit d’éviter de décourager par principe. En un mot la probité intellectuelle et la diligence doivent être de règle. Elle ne peut pas utiliser des procédés dilatoires, ni analyser la responsabilité de l’avocat aux lieu et place de l’assureur.

En réalité, l’instruction des sinistres par les Ordres est une création d’intérêt commun. Bien comprise, elle favorise d’abord une image positive de la profession. Il est de l’essence d’une profession indépendante de rendre des comptes. « Il n’est d’homme véritable que responsable, que revendiquant d’être responsable : sa dignité réside par excellence en cela » [5].

En outre, l’assurance de responsabilité garantit une réparation effective puisqu’elle fait échec à l’insolvabilité éventuelle de l’avocat. La franchise est inopposable à la victime et se trouve plafonnée dans le pire des cas à 3050 euros [6]. Dans cette optique, il faut rechercher une démarche cohérente. On ne peut revendiquer la force exécutoire pour l’acte d’avocat en mettant en avant que la responsabilité du rédacteur est garantie par une assurance obligatoire et ensuite utiliser les procédures de plaideurs de mauvaise foi pour chercher à éluder la responsabilité encourue. On admet que l’image de marque de l’avocat est médiocre [7] et l’instruction loyale par des avocats diligents contribuera à la rehausser. A ce stade la réception physique des réclamants et la réponse aux communications téléphoniques est une démarche qui n’a rien d’incongru.

Il entrera dans les tâches de la « commission sinistres » de vérifier l’existence d’un sinistre en examinant s’il répond à la définition du Code des assurances [8]. Avant d’adresser la déclaration de sinistre à l’avocat, dans un court laps de temps, il faudra rassembler pièces et renseignements permettant à l’assureur d’instruire rapidement le sinistre. En outre le coût de l’instruction sera diminué en dégageant de tâches fastidieuses les gestionnaires de sinistres, professionnels de l’assurance.

Contrairement à une opinion répandue l’utilisation de manœuvres dilatoires n’a même pas pour justification l’aspect économique, le coût de la prime [9]. En effet les transactions, quand elles aboutissent, coûtent moins cher à l’assureur qu’un procès mené parfois jusque devant la Cour de cassation. On laissera de côté l’image désastreuse pour la profession. Le courtier qui écrit qu’il doit en référer à une « commission sinistres » qui n’existe pas, que la responsabilité suppose l’existence d’« une faute suffisamment grossière », qu’il faut en référer à des « consultants spécialisés », dont on se refuse à donner l’identité, ne satisfait pas pour le moins à ces exigences.

Ainsi les « commission sinistres », bien comprises et bien pensées, correspondent donc à l’intérêt commun des avocats, des assureurs et des réclamants.

Dans le même esprit, qui relève incidemment de l’accès au droit [10], l’information des clients de l’avocat et des justiciables permet une clarification utile à tous. Les réclamations traduisent souvent des doléances mélangées, voire confuses, qui correspondent à des compétences et des procédures diverses pour y apporter une solution. Un Bâtonnier est compétent suivant une procédure particulière pour les honoraires, les restitutions de pièces, les plaintes déontologiques. L’instruction des litiges de responsabilité civile, si elle doit conduire à une instance, relève en revanche des procédures de droit commun [11]. Il n’y aurait donc qu’avantage à ce que des modèles de lettres présentent, avec une brève explication, les possibilités offertes aux réclamants.

On voit, en effet, des modèles disponibles sur Internet, mais les erreurs ou approximations ne permettent pas d’atteindre l’objectif souhaité. Que dire en effet d’une recommandation qui propose, face au silence du Bâtonnier, de s’adresser au président de l’Ordre national des avocats ? Il n’y a jamais eu d’Ordre national dans la profession. Une clarification à la portée des réclamants va rejoindre la satisfaction des mêmes intérêts. Elle facilitera la tâche des Bâtonniers, envahis de réclamations à instruire, des avocats auxquels on ne pourra plus reprocher le déni, aux assureurs qui n’auront plus à se pencher sur des réclamations qui échappent à leur compétence (les litiges d’honoraires) et aux réclamants qui agiront dans la clarté… ou renonceront à réclamer.

Ainsi, pour un règlement rapide et honnête des sinistres, la profession peut créer et développer des outils qui, ayant déjà fait leur preuve, méritent d’être mieux connus.

 

[1] Loi du 31 décembre 1971, art. 27 (N° Lexbase : L6343AGZ).

[2] Voir par exemple : Cass. civ. 1, 25 novembre 2015, n° 14-23786 (N° Lexbase : A0704NYQ], à paraître au Bulletin.

[3] Loi du 31 décembre 1971, art. 21 (N° Lexbase : L6343AGZ).

[4] Décret du 27 novembre 1991, art. 163 (N° Lexbase : L8168AID).

[5] Ph. Le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, 2014/2015, n° 21.

[6] Décret du 27 novembre 1991, art. 205 (N° Lexbase : L8168AID).

[7] Voir les chroniques régulières de D. Soulez-Larivière à La Gazette du Palais.

[8] C. assur., art. L. 121-1 (N° Lexbase : L0077AA4).

[9] R. Bigot, L’indemnisation par l’assurance de responsabilité civile professionnelle. L’exemple des professions du droit et du chiffre, avant-propos H. Slim, préface D. Noguéro, Lextenso, éd. Defrénois, coll. Doctorat & Notariat, t. 53, 2014.

[10] Voir le site.

[11] Loi du 31 décembre 1971, art. 26 (N° Lexbase : L6343AGZ).

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