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par June Perot, rédactrice en chef
le 08 Décembre 2020
► À l’issue de 6 heures 30 d’audience, les réquisitions du Parquet national financier (PNF) sont tombées : quatre ans d’emprisonnement, dont deux avec sursis contre l’ancien chef de l’État ; les mêmes peines pour Gilbert Azibert (l’ancien haut magistrat) et Thierry Herzog avec toutefois une peine complémentaire de cinq ans d’interdiction professionnelle pour l’avocat qui est encore en exercice.
Pour rappel, dans cette affaire, les prévenus sont soupçonnés d’avoir corrompu un haut magistrat afin d’obtenir des informations sur un pourvoi en cassation. Ce dernier étant soupçonné d’avoir agréé le pacte corrupteur.
Tôt dans l’après-midi, avant d’entendre les réquisitions du PNF, Me Karel-Canoy plaidait pour une partie civile, Luc Bismuth, fils d’un certain Paul Bismuth décédé en 1998 mais également pour lui-même, dans la mesure où il s’est constitué partie civile. Il soutenait que son client est une victime directe et une victime par ricochet. Ce nom de famille serait devenu la risée de tout un pays selon l’avocat. Il sollicite du tribunal une condamnation à hauteur de 300 000 euros.
Il s’applique ensuite à plaider sa propre constitution, évoquant le fait que cette affaire cause un préjudice à tous les auxiliaires de justice, victimes collatérales des dysfonctionnements du système judiciaire. Il sollicite 1 euro symbolique au titre du préjudice moral.
Une association est également partie civile et soulève une QPC, aussitôt déclarée irrecevable. Un vent de contestation s’élève sur le banc des parties civiles, le ton monte, la présidente passablement agacée ordonne l’expulsion du représentant de l’association.
Ce non-événement laisse place aux réquisitions du PNF. Pour l’occasion, Jean-François Bohnert, chef du PNF, a fait le déplacement dans le prétoire, tenant à rappeler que le PNF est « une institution jeune et perfectible ». Il revient alors sur la confusion opérée entre les deux affaires : d’un côté les écoutes et de l’autre le traitement des fadettes (enquête préliminaire).
« Le PNF est et restera un fidèle et exigeant serviteur de l'État de droit »
Le procureur adjoint, Jean-Luc Blachon, prend la parole et fait œuvre d’une précision et d’une pédagogie exemplaires, citant tour à tour toutes les jurisprudences de la Chambre criminelle et de la CEDH. Chose assez inédite, les développements sont illustrés par la diffusion, sur un écran de projection situé au-dessus de la présidente, de diapositives exposant le plan de ses propos, des extraits de conversations, schémas, nuage de mots mettant en exergue le mot « agenda ». Il s’étonne : « depuis quand commente-t-on dans les revues juridiques les décisions de chambres de l'instruction non définitives ? ». C’est ensuite au tour de la première vice-procureur, Céline Guillet, de prendre la parole. Elle évoque un attachement à géométrie variable de Me Thierry Herzog s’agissant du secret professionnel. La démonstration est longue (près de 4 heures 30) et méticuleuse. Pour autant, on peine à adhérer à la démonstration qui impressionne sur la forme mais laisse songeur sur le fond.
Une suspension d’audience plus tard, c’est le procureur adjoint qui prend de nouveau la parole pour revenir sur les spécificités techniques juridiques du dossier : corruption, trafic d’influence ; c’est de la chirurgie juridique.
Avant de requérir ses peines, le parquet indique qu’« au regard du statut social et professionnel des prévenus, les faits reprochés donnent une dimension nihiliste aux délits reprochés ». Jean-Luc Blachon tient à apporter des précisions sur l’institution du PNF au cours d’un moment qu’on qualifiera d’extra-judiciaire. Il conclut finalement cet aparté ainsi : « Une justice qui ne passe pas est source de maux qui ne s'effacent pas ».
19 heures, l’heure des réquisitions sur les peines a sonné et avec, la fin de l’audience.
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