Le Quotidien du 9 décembre 2020 : Filiation

[Brèves] Transcription intégrale de l’acte de naissance d’un enfant né de GPA à l’étranger : la première chambre civile persiste et signe !

Réf. : Cass. civ. 1, 18 novembre 2020, n° 19-50.043, FS-P+B (N° Lexbase : A497937K)

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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

le 02 Décembre 2020

► La Cour de cassation confirme sa jurisprudence issue des arrêts du 18 décembre 2019 (Cass. civ. 1, 18 décembre 2019, n° 18-12.327 N° Lexbase : A8960Z8D, n° 18-11.815 N° Lexbase : A8959Z8C, FS-P+B+R+I) : en présence d'une action aux fins de transcription de l'acte de naissance étranger de l'enfant, qui n'est pas une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, ni la circonstance que l'enfant soit né à l'issue d'une convention de gestation pour autrui ni celle que cet acte désigne le père biologique de l'enfant et un deuxième homme comme père ne constituent des obstacles à la transcription de l'acte sur les registres de l'état civil, lorsque celui-ci est probant au sens de l'article 47 du Code civil (N° Lexbase : L1215HWW).

Faits et procédure. Un enfant est né en Colombie britannique (Canada) ayant pour parents deux hommes de nationalité française ayant eu recours à un GPA au Canada. Les parents avaient assigné le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes. Ce dernier s'étant opposé à leur demande de transcription de l'acte de naissance sur les registres de l'état civil consulaire, le couple l'a assigné à cette fin.

La Cour de cassation reprend mot pour mot le raisonnement des arrêts du 18 décembre 2019 (Cass. civ. 1, 18 décembre 2019, n° 18-12.327, n° 18-11.815, FS-P+B+R+I), procédant à un rappel détaillé de l’évolution de la jurisprudence.

Le principe de la reconnaissance du lien de filiation : la GPA ne fait pas obstacle à la reconnaissance du lien de filiation.

Avec la mère d’intention. Dans un premier temps, la Cour cite l’arrêt d’Assemblée plénière, rendu le 4 octobre 2019, selon lequel : « il  se déduit de l’article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR), tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH, Gde ch., 10 avril 2019, avis n° P16-2018-001 N° Lexbase : A7859Y8L ; v. A. Gouttenoire, Le régime français de la GPA à l’étranger validée par la Cour européenne des droits de l’Homme, sous certaines réserves…, Lexbase Droit privé, mai 2019, n° 784 N° Lexbase : N9099BXB), qu'au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant, la circonstance que la naissance d'un enfant à l'étranger ait pour origine une convention de gestation pour autrui, prohibée par les articles 16-7 (N° Lexbase : L1695ABE) et 16-9 (N° Lexbase : L1697ABH) du Code civil, ne peut, à elle seule, sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l'enfant, faire obstacle à la transcription de l'acte de naissance établi par les autorités de l'Etat étranger, en ce qui concerne le père biologique de l'enfant, ni à la reconnaissance du lien de filiation à l'égard de la mère d'intention mentionnée dans l'acte étranger, laquelle doit intervenir au plus tard lorsque ce lien entre l'enfant et la mère d'intention s'est concrétisé » (Ass. plén., 4 octobre 2019, n° 10-19.053, publié, paragraphe 6 N° Lexbase : A4073ZQW ; v. A. Gouttenoire, La transcription intégrale des actes de naissance sur les registres d’état civil dans l’affaire «Mennesson» : une solution d’espèce dans un arrêt de principe, Lexbase Droit privé, octobre 2019, n° 800 N° Lexbase : N0904BY7).

Idem s’agissant du père d’intention. Dans un deuxième temps, la Cour réaffirme ensuite que le raisonnement n'a pas lieu d'être différent lorsque c'est un homme qui est désigné dans l'acte de naissance étranger comme « parent d'intention ».

Modalités de la reconnaissance du lien de filiation :

  • L’admission de la transcription conditionnée par l’impossibilité d’adoption

Dans un troisième temps, elle précise que la jurisprudence (Cass. civ. 1, 5 juillet 2017, n° 15-28.597 N° Lexbase : A7470WLA, n° 16-16.901 et n° 16-50.025 N° Lexbase : A7473WLD, n° 16-16.455 N° Lexbase : A7471WLB, FS-P+B+R+I ; v. A. Gouttenoire, La GPA devant la Cour de cassation : dernier acte, Lexbase Droit privé, juillet 2017, n° 708 N° Lexbase : N9619BW8) qui, en présence d'un vide juridique et dans une recherche d'équilibre entre l'interdit d'ordre public de la gestation pour autrui et l'intérêt supérieur de l'enfant, a refusé, au visa de l'article 47 du Code civil, la transcription totale des actes de naissance étrangers des enfants en considération, notamment, de l'absence de disproportion de l'atteinte portée au droit au respect de leur vie privée dès lors que la voie de l'adoption était ouverte à l'époux ou l'épouse du père biologique, ne peut trouver application lorsque l'introduction d'une procédure d'adoption s'avère impossible ou inadaptée à la situation des intéressés.

Ainsi, dans l'arrêt précité, l'assemblée plénière de la Cour de cassation a admis, au regard des impératifs susvisés et des circonstances de l'espèce, la transcription d'actes de naissance étrangers d'enfants nés à l'issue d'une convention de gestation pour autrui, qui désignaient le père biologique et la mère d'intention.

  • Évolution de la jurisprudence :  le caractère probant de l’acte de naissance étranger, seule condition à la transcription

Dans un quatrième et dernier temps, la Cour reprend les termes de ses arrêts de 2019 (Cass. civ. 1, 18 décembre 2019, trois arrêts, n° 18-11.815, n° 18-12.327, FS-P+B+R+I) selon lesquels « les mêmes impératifs et la nécessité d'unifier le traitement des situations ont conduit à une évolution de la jurisprudence en ce sens qu'en présence d'une action aux fins de transcription de l'acte de naissance étranger de l'enfant, qui n'est pas une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, ni la circonstance que l'enfant soit né à l'issue d'une convention de gestation pour autrui ni celle que cet acte désigne le père biologique de l'enfant et un deuxième homme comme père ne constituent des obstacles à la transcription de l'acte sur les registres de l'état civil, lorsque celui-ci est probant au sens de l'article 47 du Code civil. »

Décision. Pour ordonner la transcription partielle de l'acte de naissance de l'enfant et rejeter la demande en ce que cet acte désigne le père d'intention en qualité de parent, la cour d'appel avait retenu que la désignation de celui-ci ne pouvait correspondre à la réalité biologique, ce dont il résultait que les faits qui y étaient déclarés ne correspondaient pas à la réalité, et que la transcription partielle ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'enfant, au regard du but légitime poursuivi, dès lors que l'accueil de l'enfant au sein du foyer constitué par son père et son compagnon n'était pas remis en cause par les autorités françaises et que ce dernier aurait la possibilité de créer un lien de filiation avec l'enfant par un biais autre que la transcription, n'étant pas établi que la voie de l'adoption serait fermée au motif qu'il figurait dans l'acte de naissance comme parent (CA Rennes, 13 mai 2019, n° 17/07696 N° Lexbase : A8719ZBK). 

La cour d'appel s'était donc fondée sur la jurisprudence existante au jour où elle statuait, qui conditionnait la transcription à l’impossibilité d'adoption.

Sa décision est censurée par la Cour de cassation qui, réaffirmant la solution posée dans ses arrêts de décembre 2019, relève que, saisie d'une demande de transcription d'un acte de l'état civil étranger, et ayant constaté que celui-ci était régulier, exempt de fraude et avait été établi conformément au droit de l'Etat de Colombie Britannique, la cour d'appel a violé les articles 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (N° Lexbase : L6807BHL), 8 de la CESDH et 47 du Code civil.

La Cour rejette le pourvoi principal. Elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, mais seulement en ce qu'il rejette la demande du père d'intention tendant à la transcription, sur les registres de l'état civil, de l'acte de naissance de l’enfant, né en Colombie Britannique, s'agissant de sa désignation comme parent de l'enfant.

À retenir  : 
  • La condition de rechercher si l’adoption était possible ou non n’est plus admise pour refuser ou autoriser la transcription intégrale de l’acte de naissance d’un enfant né par GPA à l’étranger.
  • L’unique condition posée à la transcription intégrale de l’acte de naissance d’un enfant né par GPA à l’étranger est posée par l’article 47 du Code civil ; elle concerne le caractère probant de l’acte étranger.

À noter : le projet de loi relatif à la bioéthique, tel qu’adopté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, prévoit, en son article 4 bis, de compléter l’article 47 du Code civil pour préciser que « la réalité des faits qui sont déclarés dans l’acte de l’état civil est appréciée au regard de la loi française », afin de maintenir un contrôle juridictionnel sur les GPA réalisées à l’étranger ; cette évolution de la législation viendrait alors mettre un terme à la jurisprudence retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation.

 

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