La lettre juridique n°839 du 8 octobre 2020 : Construction

[Brèves] Retour sur la puissante mais mal connue convention de « compte prorata »

Réf. : Cass. civ. 3, 23 septembre 2020, n° 19-18.266, FS-P+B+I (N° Lexbase : A51073UP)

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 07 Octobre 2020

► La convention de compte prorata est un contrat comme les autres doté de la même force exécutoire ;

► le gestionnaire du compte prorata, lorsqu’il est conventionnellement créancier de l’obligation de paiement souscrite par l’entreprise signataire de la convention, dispose, à défaut de clause contraire, de l’ensemble des droits attachés à sa créance ; il n’est donc pas tenu de mettre en œuvre la procédure de délégation de paiement.

Le compte prorata est un système de mutualisation des dépenses de chantier entre les entreprises. Il permet, en effet, de mettre en commun un certain nombre de dépenses qui sont communes aux intervenants sur le chantier telles que l’électricité ou le chauffage. Les règles d’organisation du compte prorata sont libres. Autrement dit, elles résultent de la volonté des parties au contrat, dénommé la « convention de compte prorata », même si la norme NFP-03-001, lorsqu’elle est contractualisée en CCAG par exemple, prévoit quelques règles d’organisation (pour une mise en œuvre de l’article 14-2 en particulier, V. Cass. civ. 3, 3 octobre 2001, n° 99-20.612, N° Lexbase : A1577AWC, RDI 2002, p. 50 obs. H. Périnet-Marquet).

Le compte prorata est tenu par le mandataire commun, en cas d’entrepreneurs groupés, ou par l’entrepreneur du lot principal, dans la plupart des cas, en cas d’entrepreneurs séparés. Le mandataire est contrôlé par un comité qui comprend obligatoirement le maître d’œuvre et un représentant de chaque catégorie d’entrepreneurs.

Les dépenses communes sont inscrites et réparties entre tous les entrepreneurs selon les règles posées dans la convention. A défaut de stipulations particulières, cette répartition s’opère au prorata des montants respectifs de leurs travaux par rapport à l’ensemble du marché.

Le gestionnaire du compte prorata a les pouvoirs qui lui sont dévolus par la convention. Autrement dit, le gestionnaire n’est pas, sauf disposition expresse, mandataire des autres intervenants sur les chantiers (Cass. civ. 3, 13 janvier 2010, n° 08-70.097 N° Lexbase : A3084EQB). L’étendue des pouvoirs du gestionnaire du compte prorata pose d’importantes difficultés pratiques. La présente espèce en est une illustration.

Plusieurs entreprises, chargées de la construction d’un complexe aquatique et sportif, concluent une convention de compte prorata. Aux termes de cette convention, le gestionnaire établit les factures et reçoit paiement de leur montant mais les sommes dont l’entrepreneur est redevable au titre de ce compte sont déduites du solde (après réception) ou des acomptes (en cours de chantier) qui lui sont dus par le maître d’ouvrage. C’est en application de cette clause que le gestionnaire du compte prorata a obtenu une injonction de payer contre l’une des entreprises partie à la convention, qui ne s’était pas exécutée de deux appels de fonds.

Les juges d’appel considèrent la demande irrecevable. La Haute juridiction censure au visa du célébrissime article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L0857KZR). Pour la Haute juridiction, le gestionnaire du compte prorata, créancier de l’obligation souscrite par l’entreprise signataire de la convention, dispose de l’ensemble des droits attachés à sa créance, sauf stipulation contraire.

La convention de compte prorata est bien la loi des parties.

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