La lettre juridique n°839 du 8 octobre 2020 : Justice

[Brèves] « Datajust » : la Chancellerie répond aux inquiétudes des professionnels de la Justice

Réf. : QE n° 30608 de Mme Aude Luquet, JOANQ 23-06-2020 , réponse publ. 06-10-2020 p. 6903, 15ème législature (N° Lexbase : L4019LYI)

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par Marie Le Guerroué

le 14 Octobre 2020

► Dans une réponse ministérielle, la Chancellerie rassure les professionnels de la Justice à propos de l’outil « Datajust » précisant que le projet n’en est, pour le moment, qu’au stade de l’évaluation de sa « faisabilité technique » (QE n° 30608 de Mme Aude Luquet, JOANQ 23-06-2020 , réponse publ. 06-10-2020 p. 6903, 15ème législature N° Lexbase : L4019LYI).

  • Question parlementaire

La députée Aude Luquet interrogeait l’ancienne garde des Sceaux, ministre de la Justice sur le décret créant l'outil « DataJust ». Le décret publié au Journal officiel (décret n° 2020-356, du 27 mars 2020, portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « DataJust » N° Lexbase : L5918LW4, v. aussi N° Lexbase : N2850BY9) avait autorisé le ministère à développer un algorithme destiné à l'élaboration d'un référentiel d'indemnisation des préjudices corporels grâce à la collecte de l'ensemble des décisions rendues en appel par les juridictions administratives et les formations civiles des juridictions judiciaires entre les années 2017 et 2019 liées à des dossiers d'indemnisation de victimes depuis 2017. La députée soulignait qu’un certain nombre d'avocats craignaient un risque d'uniformisation des indemnisations avec des juges qui ne tiendraient plus compte de l'histoire et de la singularité de chaque victime. Ainsi, elle lui demande comment le ministère entend garantir que cet instrument ne rendra pas inéquitables les décisions de justice et ne remettra pas en cause la singularité de chaque victime.

  • Réponse ministérielle

L’absence de lien avec la crise sanitaire. Le ministère indique qu’il convient de rassurer les professionnels de la Justice sur la teneur du décret, dont la parution durant la période d'urgence sanitaire tient au calendrier d'examen du texte par le Conseil d'État. Cette parution est donc sans lien avec la crise sanitaire, s'agissant d'un projet sur lequel le ministère de la Justice a, au demeurant, communiqué amplement depuis son lancement.

L’objectif du référentiel (rappel). Le ministère précise, ensuite, que le décret n° 2020-356 du 27 mars 2020 portant création du traitement automatisé de données à caractère personnel « Datajust » vise à évaluer la possibilité d'élaborer un référentiel indicatif d'indemnisation des chefs de préjudices corporels extra-patrimoniaux, tels que les souffrances endurées ou le préjudice esthétique. Il rappelle que la création d'un tel référentiel est envisagée dans l'avant-projet de réforme de la responsabilité civile, qui a fait l'objet d'une large consultation publique en 2016 et qui est appelé à être débattu au Parlement. Il s'agirait d'un référentiel purement indicatif et qui aurait vocation à être réévalué régulièrement. Il répond à l'absence, pour l'heure, d'outil officiel, gratuit et fiable à disposition des publics concernés (victimes, assureurs, fonds d'indemnisation, avocats, magistrats). Le ministère rappelle que divers référentiels « officieux » sont aujourd'hui utilisés par les praticiens.

Méthode inductive. Il ajoute que le projet novateur repose sur une méthode inductive, puisqu'il propose de partir de l'observation fine des trois dernières années de jurisprudence des juridictions administratives et judiciaires et de recourir, pour ce faire, aux technologies d'intelligence artificielle, en collaboration avec des magistrats.

Meilleure information. Loin de remplacer les professionnels du droit par des algorithmes, ce référentiel indicatif vise, selon la Chancellerie, à mieux les informer, ainsi que les victimes qu'ils sont amenés à conseiller, sur le montant de la réparation que ces victimes sont susceptibles d'obtenir devant les juridictions - à l'instar du référentiel inter-cours ou des bases de données de jurisprudence actuellement utilisées par les praticiens. Mais cette indemnisation restera intégrale, ce point est essentiel. Elle précise que loin de figer les indemnisations ou de porter atteinte à l'individualisation de la réparation, ce projet vise, in fine, à permettre une plus juste indemnisation des victimes dans le respect total de l'indépendance du juge.

Étape de faisabilité technique. Le ministère ajoute enfin que le décret du 27 mars dernier est très circonscrit, puisqu'il encadre uniquement le développement informatique de l'algorithme destiné à créer ce référentiel indicatif pour une période de temps limitée à deux années. Cette étape doit permettre au ministère de la Justice d'évaluer la faisabilité technique du projet. Si les travaux à mener s'avèrent concluants, un second décret viendra ensuite encadrer la mise à disposition au public, en conformité avec les règles prévues pour la mise œuvre de l'open data des décisions de justice. Une consultation aura alors lieu sur ce second projet de décret.

Pour aller plus loin : R. Bigot, DataJust alias Thémis.I.A. : les premiers pas officiels de l’intelligence artificielle dans les salles des pas perdus, Lexbase Avocats, mai 2020 (N° Lexbase : N3270BYR)

 

 

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