La lettre juridique n°839 du 8 octobre 2020 : Fiscalité des entreprises

[Brèves] Transmissions familiales d’entreprises : restriction illégale de l’application de la loi dans le temps par l’administration fiscale

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 25 septembre 2020, n° 440553, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A13143WL)

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[Brèves] Transmissions familiales d’entreprises : restriction illégale de l’application de la loi dans le temps par l’administration fiscale. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/60860629-brevestransmissionsfamilialesdentreprisesrestrictionillegaledelapplicationdelaloidansle
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par Sarah Bessedik

le 11 Octobre 2020

Par une décision du 25 septembre 2020, le Conseil d’État a eu l’occasion de se prononcer sur une demande en annulation pour excès de pouvoir d’un commentaire administratif.

L’affaire porte sur l’interprétation de l’administration fiscale concernant l’article 44 quindecies du Code général des impôts (N° Lexbase : L8648LQD), dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1775, du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 (N° Lexbase : L7653LHW) qui offre une exonération d’impôt sur le revenu pour les entreprises exerçant une activité industrielle, commerciale, ou artisanale qui sont créés ou reprises dans une zone de revitalisation rurale, entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2020.

L’article précisait également que « III. L'exonération ne s'applique pas non plus dans les situations suivantes : / a) si, à l'issue de l'opération de reprise ou de restructuration, le cédant, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du Code civil (N° Lexbase : L8514HWA), leurs ascendants et descendants, leurs frères et soeurs détiennent ensemble, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société, de la personne morale ou du groupement soit repris, soit bénéficiaire de l'opération de reprise ou de restructuration ».

Toutefois, l’article 18 de la loi du 28 décembre 2017 va permettre l'application de cette exonération à l'issue de la reprise ou de la restructuration d'une entreprise en zone de revitalisation rurale consécutive à sa première transmission familiale. En effet, le a) du III de l'article 44 quindecies du Code général des impôts sera remplacé par l'alinéa suivant : «  a) Si, lorsque la société, la personne morale ou le groupement a déjà fait l'objet d'une première opération de reprise ou de restructuration à l'issue de laquelle le cédant, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du Code civil, leurs ascendants et descendants, leurs frères et soeurs détiennent ensemble, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société, de la personne morale ou du groupement soit repris, soit bénéficiaire de l'opération de reprise ou de restructuration, cette société, cette personne morale ou ce groupement fait de nouveau l'objet d'une telle opération à l'issue de laquelle une ou plusieurs des personnes physiques précédemment mentionnées détiennent ensemble, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux ».

À propos de ces dernières dispositions, l’administration fiscale a eu l’occasion d’ajouter que « Cette modification, qui assouplit la clause anti-abus en permettant d'accorder le bénéfice de l'exonération au titre de la première transmission dans le cadre familial, est issue de l'article 18 de la loi n° 2017-1775, du 28 décembre 2017, de finances rectificative pour 2017. Cet article ne prévoyant pas d'entrée en vigueur spécifique, l'assouplissement de la clause anti-abus s'applique aux opérations de reprise et de restructuration réalisées à compter du 30 décembre 2017 (lendemain de la publication de la loi au journal officiel) ».

Les sociétés au litige demandent l'annulation des commentaires précités pour excès de pouvoir.

Les juges rappellent qu’il résulte des dispositions des articles 36 (N° Lexbase : L1139HLR), 38 (N° Lexbase : L6167LUX) et 209 (N° Lexbase : L7520LWG) du Code général des impôts que la clôture de l'exercice comptable constitue le fait générateur de l'impôt sur les sociétés. Lorsque le législateur modifie les règles d'assiette de cet impôt, cette modification s'applique, sauf à ce que la loi en dispose autrement de manière expresse, à l'imposition des bénéfices des exercices clos à compter de son entrée en vigueur.

De ce fait, les dispositions de la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, qui ne prévoient pas de règle dérogatoire d'entrée en vigueur, s'appliquent, en matière d'impôt sur les sociétés, aux exercices clos à compter du 30 décembre 2017, lendemain du jour de sa publication au Journal officiel de la République française.

L’administration fiscale a donc illégalement restreint le champ d'application de la loi dans le temps, en indiquant que la disposition législative nouvelle s'appliquait seulement aux opérations de reprise ou de restructuration réalisées à compter du 30 décembre 2017.

Le Conseil d’État fait donc droit à la demande d'annulation pour excès de pouvoir de ces commentaires administratifs.

 

 

 

 

 

 

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