Réf. : T. com. Paris, 17 septembre 2020, cinq jugements, aff. n° 2020022823 (N° Lexbase : A20793UK), aff. n° 2020022825 (N° Lexbase : A20803UL), aff. n° 2020022816 (N° Lexbase : A20813UM), aff. n° 2020022819 (N° Lexbase : A20823UN), aff. n° 2020022826 (N° Lexbase : A20833UP)
Lecture: 4 min
N4616BYM
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Anne-Lise Lonné-Clément
le 23 Septembre 2020
► La clause d’'exclusion de garantie qui prévoit que la garantie perte d’exploitation n'est pas due lorsque « ( ... ) à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique » ne peut valablement être opposée par l'assureur en ce qu'elle n’est pas « limitée » et vide ainsi la garantie de sa substance en application de l'article L. 113-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L0060AAH).
C’est en ce sens que s’est prononcé le tribunal de commerce de Paris dans cinq jugements rendus le 17 septembre 2020, dans le cadre de litiges opposant l’assureur AXA à cinq établissements de restauration parisiens.
- S’agissant des conditions requises de la garantie contractuelle « perte d'exploitation suite à fermeture administrative en conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'une épidémie ou d'une intoxication », celles-ci n’étaient pas discutées par l’assureur, et sont alors, sans difficulté, jugées remplies par le tribunal, qui relève que la décision de fermeture prise par le ministre des solidarités et de la Santé par arrêté du 14 mars 2020 relevait bien d'une autorité administrative compétente, clairement extérieure à l'assuré, et que le motif, à savoir la propagation du virus covid-19, correspondait bien à une épidémie.
- La discussion portait en revanche sur l’application de la clause d’exclusion de garantie prévue au contrat, que les assurés entendaient voir juger nulle, et en tout état de cause inopposable. Ils obtiennent gain de cause.
La dite clause prévoyait qu’étaient exclues : « Les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».
Le tribunal relève, d’abord, que le contrat garantit les pertes d'exploitation en cas d'épidémie, ce qui, de par la définition même du terme dans son acceptation usuelle, à savoir selon le Larousse, un « développement et une propagation rapide d'une maladie contagieuse, le plus souvent d'origine infectieuse, dans une population », laisse entendre que d'autres établissements seront nécessairement touchés.
L’assureur justifiait cette clause en arguant du fait qu'une épidémie peut être limitée à un seul établissement, faisant appel dans ses écritures, pour tenter d'en justifier, au Dictionnaire médical, à l'OMS ainsi qu'aux témoignages de plusieurs professeurs de médecine, démontrant de ce fait même son ambigüité ou à tout le moins qu'elle est sujette à interprétation. Il était encore fait référence dans cette même clause, à « un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité », et pour s'en justifier, le défendeur précisait dans ses écritures qu'il s'agissait d'insister clairement sur le fait qu'aucune autre fermeture pour une cause identique ne devait pouvoir être identifiée dans le département.
Mais le tribunal relève, ensuite, que cette police est un contrat d'adhésion dont l’assureur est le rédacteur et seul responsable de la formulation et des garanties offertes ; il a clairement choisi d'indemniser la perte d'exploitation suite à fermeture administrative dans le cas d'une épidémie dont il est très improbable par définition qu'elle ne puisse concerner qu'un seul établissement sur un même territoire ; la clause d'exclusion de garantie, qui ne distingue pas l'épidémie des autres cas sanitaires pour lesquels la garantie est offerte (maladie contagieuse, intoxication), rend la garantie inopérante dans ce cas, et vide ainsi de son contenu la garantie accordée.
Selon le tribunal, cette clause ne satisfait pas à la condition de limitation prévue à l'article L. 113-1 du Code des assurances, de sorte que l’assureur devra garantir l'assuré au titre de la perte d'exploitation.
Déjà en ce sens : cf. T. com. Tarascon, 24 août 2020, aff. n° 2020001786 (N° Lexbase : A16273S3). En sens contraire, jugeant applicable la clause d’exclusion de garantie : cf. T. com. Toulouse, 18 août 2020, aff. n° 2020J00294 (N° Lexbase : A15843SH). Et précédemment, s’agissant des ordonnances de référé rendues en mai et juin 2020 : - T. com. Paris, 22 mai 2020, aff. n° 2020017022 (N° Lexbase : A02603ML), et notre brève parue dans Lexbase, Droit privé, n° 825 (N° Lexbase : N3418BYA) ; cf. également, D. Krajeski, Confinement et couverture des pertes d’exploitation d’un restaurateur : la demande de provision est en partie acceptée, Lexbase, Droit privé, n° 826, juin 2020 (N° Lexbase : N3586BYH) ; cf. également, V. Morales et S. Fleury-Gazet, Comment obtenir l’indemnisation des pertes d’exploitation par son assureur, Lexbase, Droit privé, n° 828, 2020 (N° Lexbase : N3775BYH) ; - T. com. Lyon, 10 juin 2020, n° 2020R00303 (N° Lexbase : A15723NK), et les obs. de D. Krajeski, Lexbase, Droit privé, n° 829, juin 2020 (N° Lexbase : N3847BY7) ; -T. com. Annecy, 18 juin 2020, aff. n° 2020R00026 (N° Lexbase : A15523QK), et notre brève (N° Lexbase : N4132BYP). |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:474616