La lettre juridique n°837 du 24 septembre 2020 : Baux d'habitation

[Brèves] Locations de type « Airbnb » : le régime français d’autorisation préalable par les autorités locales validé par la CJUE !

Réf. : CJUE, 22 septembre 2020, aff. C-724/18, Cali Apartments SCI (N° Lexbase : A43833UU)

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N4620BYR

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[Brèves] Locations de type « Airbnb » : le régime français d’autorisation préalable par les autorités locales validé par la CJUE !. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/60505035-breves-locations-de-type-airbnb-le-regime-francais-dautorisation-prealable-par-les-autorites-locales
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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 23 Septembre 2020

► La réglementation française soumettant à autorisation la location, de manière répétée, d’un local destiné à l’habitation pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile est conforme au droit de l’Union européenne ; la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée constitue une raison impérieuse d’intérêt général justifiant une telle réglementation.

Pour rappel, la Cour européenne avait été saisie à titre préjudiciel par la Cour de cassation à travers deux décisions du 15 novembre 2018 : Cass. civ. 3, 15 novembre 2018, deux arrêts, n° 17-26.156, FP-P+B+I (N° Lexbase : A1712YLY), et n° 17-26.158, FP-D (N° Lexbase : A7950YLZ), dans le cadre d’un litige opposant la Ville de Paris à deux propriétaires qui avaient proposé des studios à la location sur un site Internet, sans autorisation préalable des autorités locales et de manière répétée, lesquels studios avaient fait l’objet de locations de courte durée à l’usage d’une clientèle de passage. Le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris puis, par la suite, la cour d’appel de Paris avaient, sur le fondement du Code de la construction et de l’habitation français, condamné les deux propriétaires au paiement d’une amende et ordonné le retour des biens en cause à leur usage d’habitation.

La réglementation en cause prévoit notamment que, dans les communes de plus de 200 000 habitants et dans celles de trois départements limitrophes de Paris, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable et que le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée et pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un tel changement d’usage. Le code prévoit également que cette autorisation, délivrée par le maire de la commune dans laquelle est situé l’immeuble, peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage. Toujours selon le code précité, une délibération du conseil municipal fixe les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées les compensations par quartier et, le cas échéant, par arrondissement, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements.

La CJUE était ainsi amenée à se prononcer sur la compatibilité de cette réglementation avec la Directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur. Suivant les conclusions de l’avocat général présentées le 2 avril 2020, la Cour européenne se prononce en faveur de la Ville de Paris puisqu’elle valide le régime d’autorisation en cause.

Application de la Directive « Bolkenstein ». En premier lieu, les articles 1er et 2 de la Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (N° Lexbase : L8989HT4), dite Directive « Services » ou encore Directive « Bolkenstein », doivent être interprétés en ce sens que cette directive s’applique à une réglementation d’un État membre relative à des activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuées de manière répétée et pour de courtes durées, à titre professionnel comme non professionnel.

Qualification de régime d’autorisation. En deuxième lieu, l’article 4 de la Directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale qui soumet à autorisation préalable l’exercice de certaines activités de location de locaux destinés à l’habitation relève de la notion de « régime d’autorisation », au sens du point 6 de cet article.

Régime d’autorisation justifié par une raison impérieuse d’intérêt général proportionnée à l’objectif poursuivi. En troisième lieu, l’article 9, paragraphe 1, sous b) et c), de la Directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale qui, pour des motifs visant à garantir une offre suffisante de logements destinés à la location de longue durée à des prix abordables, soumet certaines activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuées de manière répétée et pour de courtes durées, à un régime d’autorisation préalable applicable dans certaines communes où la tension sur les loyers est particulièrement marquée est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et proportionnée à l’objectif poursuivi, en ce que celui-ci ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle.

Pouvoir des autorités locales de définir les conditions d’octroi des autorisations et de fixer une obligation de compensation. En quatrième lieu, l’article 10, paragraphe 2, de la Directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale instituant un régime qui subordonne à une autorisation préalable l’exercice de certaines activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation, qui est fondée sur des critères tenant au fait de louer le local en cause « de manière répétée et pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile » et qui confie aux autorités locales le pouvoir de préciser, dans le cadre fixé par cette réglementation, les conditions d’octroi des autorisations prévues par ce régime au regard d’objectifs de mixité sociale et en fonction des caractéristiques des marchés locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements, en les assortissant au besoin d’une obligation de compensation sous la forme d’une transformation accessoire et concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, pour autant que ces conditions d’octroi soient conformes aux exigences fixées par cette disposition et que cette obligation puisse être satisfaite dans des conditions transparentes et accessibles.

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