L'envoi de préavis de grève successifs pour le même motif ne caractérise aucun trouble manifestement illicite en l'absence de disposition légale l'interdisant et à défaut de manquement à l'obligation de négocier. Par ailleurs, l'envoi des préavis de grève, à une date et un horaire où le syndicat savait parfaitement que l'employeur ne serait pas en mesure d'en prendre connaissance sans délai ne constitue pas un abus de droit dès lors que le délai de cinq jours francs a été respecté. Telles sont les solutions retenues par un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation en date du 25 janvier 2012 (Cass. soc., 25 janvier 2012, n° 10-26.237, FS-P+B
N° Lexbase : A4422IBE).
Dans cette affaire, dans le cadre d'un mouvement de grève motivé par le retrait et la révision du projet d'avenant à la convention de délégation de service public entre la SNCM, la collectivité territoriale de Corse et l'office des transports de Corse, le syndicat CGT des Marins de Marseille a adressé à la société SNCM, par télécopie, le vendredi 20 novembre à 22 h, trois préavis de grève pour les journées du 26 novembre, 27 novembre et 28 novembre 2009, puis le lundi 23 novembre un quatrième préavis, par télécopie, à 21 h 23 pour le 29 novembre, le 24 novembre un cinquième préavis pour le 30 novembre et enfin le mercredi 25 novembre un dernier préavis pour le 1er décembre 2009. La SNCM a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance, lequel, par une ordonnance du 27 novembre 2009, a suspendu les effets des préavis de grève pour les 28 novembre, 29 novembre, 30 novembre et 1er décembre 2009. La cour d'appel (CA Aix-en-Provence, 1ère ch., sect. C, 9 septembre2010, n° 09/21966
N° Lexbase : A5158GAB) confirme cette ordonnance car "
si aucune disposition légale n'interdit l'envoi de préavis de grève successifs, dès lors qu'aucun manquement à l'obligation de négocier n'est imputable au syndicat, c'est à la condition toutefois qu'ils mentionnent des motifs différents". Elle estime, également, le syndicat CGT des Marins de Marseille a utilisé une manoeuvre déloyale, ayant pour effet de réduire le délai de négociation imposé par la loi, et que, si le mode de transmission, par télécopie, n'est pas en cause, le fait d'adresser volontairement les préavis de grève, à une date et un horaire où le syndicat savait parfaitement que l'employeur ne serait pas en mesure d'en prendre connaissance sans délai, constitue un abus de droit. La Haute juridiction infirme l'arrêt pour une violation de l'article L. 2512-2 du Code du travail (
N° Lexbase : L0240H9R) (sur le préavis de grève dans le secteur public, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2493ETI).
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