Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 20 mars 2020, n° 423664, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A42533KQ)
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par Rudi Fievet, Juriste droit fiscal / droit des affaires chez Auditis, membre du réseau Absoluce
le 10 Juin 2020
Alors que la dépense fiscale que représente le régime fiscal de faveur du mécénat[1] vient d’être durement rabotée par les lois de finances pour 2019[2] puis celle pour 2020[3], un arrêt du Conseil d’Etat est l’occasion de rappeler certaines bases.
Une société avait consenti des dons à une association au cours des exercices 2010 et 2011. Cette association avait pour objet la promotion du sport automobile féminin et les dons finançaient l’activité des pilotes de sexe féminin. L’entreprise a subi une vérification de comptabilité et le service vérificateur a entendu remettre en cause l’application du régime fiscal du mécénat[4] dont s’était prévalu le contribuable. La position de l’administration étant inflexible, l’EURL a saisi le tribunal administratif aux fins de voir prononcée la décharge des rehaussements d’impôt sur les sociétés. Le juge de première instance a rejeté cette demande[5].
La société a interjeté appel par devant la cour administrative d’appel compétente, laquelle a fait droit aux requêtes du contribuable[6]. La Cour dit ainsi pour droit que l’apposition du nom de l’entreprise sur les véhicules de course et le camion semi-remorque tractant lesdits véhicules n’était pas de nature à remettre en cause le bénéfice des réductions d’impôt litigieuses, quelle que fût la valeur économique de l’exposition médiatique dont le contribuable aurait bénéficié à l’occasion des courses automobiles.
Le ministre de l’action et des comptes publics se pourvut cependant en cassation le 28 août 2018, tandis que les 9ème et 10ème chambres réunies se prononcèrent le 20 mars 2020. La Cour administrative d’appel, juge le Conseil d’Etat, a commis une erreur de droit en jugeant ainsi, dès lors qu’il lui appartenait de rechercher si l’avantage publicitaire ainsi retiré par la société n’avait représenté pour cette dernière qu’une contrepartie très inférieure au montant des versements accordés.
En conséquence, s’il est admis que l’association du nom de l’entreprise versante aux opérations réalisées par l’organisme relève du mécénat si elle se limite à la mention du nom du donateur, quels que soient le support de la mention et la forme du nom, à l’exception de tout message publicitaire, cette association doit faire application de la disproportion marquée entre les sommes données et la valorisation de la prestation rendue par l’organisme[7]. A défaut, elle basculerait en dépense de parrainage, régime qui n’ouvre pas droit à une réduction d’impôt.
L’arrêt présentement commenté ne sera pas la dernière décision rendue dans ce contentieux fiscal, dès lors que le Conseil procède à l’annulation de l’arrêt des juges du fond et renvoie l’affaire à la Cour administrative d’appel de Lyon. Si l’espèce n’a pas suffi à motiver la haute juridiction administrative à user de son pouvoir d’évocation afin de régler elle-même l’affaire au fond, elle mérite quelques développements puisqu’elle revient aux bases du régime fiscal du mécénat, à savoir la qualification du don. Il sera à terme intéressant de consulter l’arrêt des juges du fond, afin de disposer éventuellement d’une méthodologie ou d’éléments pertinents retenus dans l’appréciation de la valeur économique de la contrepartie au don.
En premier lieu, examinons le cadre juridique des contreparties au don désormais applicable, à la lumière de cet arrêt (I). En second lieu, constatons que la stricte et sévère application de la doctrine administrative a cependant préservé, par son silence, un apport majeur quant à l’une des conditions d’application du régime fiscal du mécénat, à savoir l’absence de fonctionnement au profit d’un cercle restreint de personnes (II).
I - Le champ des contreparties mis à jour
L’administration fiscale admet dans sa doctrine, que l’organisme sans but lucratif éligible au régime de faveur du mécénat offre une contrepartie au don effectué, sous certaines réserves (A). La pratique, la jurisprudence et la rédaction actuelle de la doctrine acceptaient aisément l’association du nom du donateur à l’événement soutenu. Il conviendra désormais de disposer de la preuve de la valeur de cette « prestation » afin de se prémunir contre ce risque (B).
A - La contrepartie dans le régime fiscal du mécénat
Le mécénat est un soutien matériel ou financier apporté sans contrepartie directe ou indirecte de la part du bénéficiaire à une œuvre ou à une personne morale pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général[8].
Le régime fiscal du mécénat ouvre droit, pour les donateurs particulier ou entreprise, à une réduction d’impôt de 66 (ou 75) % pour les premiers, 60 % pour les seconds (et désormais 40 % au-delà d’un certain seuil, sauf pour certains bénéficiaires), dans des limites de revenus imposables ou de chiffres d’affaires qui leur sont propres.
Le fondement du mécénat est par conséquent le don, sous toutes formes. Il peut s’agir d’un versement en espèces ou en nature au profit d’une structure éligible, de l’abandon de produits ou de revenus, ou enfin de renonciation à recouvrer une créance, comme les abandons de frais des bénévoles. En outre, il sera ici fait silence de la possibilité de revendiquer ce régime à l’endroit des cotisations versées par les adhérents.
Quelle que soit la forme adoptée par le don, le bénéfice de la réduction d’impôt n’est accordé qu’à la condition que le versement procède d’une intention libérale, l’animus donandi. En d’autres termes, le don doit être consenti volontairement à titre gratuit, sans qu’il soit possible de mettre au jour toute contrepartie directe ou indirecte au profit du donateur.
L’administration, dans sa doctrine, fait preuve de bonté : elle accepte de distinguer les contreparties dites symboliques ou institutionnelles, des contreparties tangibles. Seules ces dernières sont de nature à remettre en cause la réduction d’impôt, toutes autres conditions par ailleurs satisfaites.
L’existence d’une contrepartie s’apprécie dès lors en fonction de la nature des avantages accordés au donateur.
Les contreparties institutionnelles ou symboliques - un titre honorifique par exemple, type membre bienfaiteur - ne constituent pas, pour l’administration fiscale, des contreparties réelles au versement. Par conséquent, leur attribution ne priverait aucunement les donateurs du bénéfice de la réduction d’impôt.
Il en va bien entendu différemment des contreparties réelles, c’est-à-dire qui prennent la forme soit de la remise d’un bien, soit de l’exécution d’une prestation de service.
Le principe est donc celui d’un don sans contrepartie, assortie d’une exception tenant dans le caractère symbolique de cette dernière. Il existe une exception à cette exception, qui permet en conséquence le maintien du bénéfice de la réduction d’impôt. Cette exception à l’exception s’applique lorsque deux conditions cumulatives sont satisfaites : lorsque la contrepartie, pourtant bien réelle, est de valeur modique (69 euros TTC[9]), et qu’il existe une disproportion marquée entre cette valeur et celle du versement opéré. Cette disproportion marquée suppose au moins un rapport de 1 à 4, ainsi qu’il ressort d’une part d’une position du Ministère de la Culture - jamais officiellement reprise par la Direction générale des Finances publiques - et des exemples communiqués par l’administration fiscale[10].
Depuis la loi de finances pour 2000[11], les associations éligibles au mécénat peuvent associer le nom de l’entreprise donatrice aux opérations qu’elles réalisent. Il est, dans ce cas, expressément stipulé par la doctrine de l’administration fiscale, que les sommes conservent la nature de dons.
Toutefois, cette faculté n’a pas vocation à admettre la fourniture de prestations publicitaires relevant du régime du parrainage[12].
L’arrêt du Conseil d’Etat exige dès lors, en confirmation de la doctrine administrative[13], de rechercher dans quelle mesure l’association du nom du donateur peut constituer une prestation publicitaire exclusive de la réduction d’impôt.
B - Le dur rappel du cadre de la tolérance relative à l’association du nom du mécène
Dans la pratique, deux situations se distinguaient assez aisément. Dans la première, le donateur obtenait seulement que son nom apparaisse au cours de l’événement, sans autre forme de présence. Il n’y avait là, selon l’analyse classique, aucun risque fiscal de remise en cause du mécénat, l’association étant communément admise par l’administration fiscale.
Dans la seconde en revanche, le donateur était plus gourmand et une analyse approfondie devait être menée, aboutissant souvent à caractériser un risque de basculement en parrainage en cas de contrôle. Il convenait alors soit de tempérer le donateur en lui expliquant qu’il risquait de perdre par collusion, sa réduction d’impôt, soit d’augmenter la valeur donnée sans augmenter celle des contreparties, afin de respecter la disproportion exigée.
L’arrêt commenté fait donc peser un risque fiscal manifeste sur la première situation, dès lors que la simple apposition du nom du donateur pourra exclure l’application du régime fiscal du mécénat, si dans les circonstances concrètes de l’espèce, la valorisation de cette « prestation » est telle qu’elle constitue une contrepartie tangible au versement.
La doctrine étant constante sur ce point, il sera intéressant de suivre les jurisprudences consécutives afin de déterminer s’il s’agit d’un arrêt d’espèce - l’apposition du nom par sa fréquence était constitutive d’une prestation publicitaire par exemple - ou s’il s’agit d’une consigne à l’attention des vérificateurs et juges du fond.
Le Conseil d’Etat rappelle ici que l’association du nom du donateur à l’événement, si elle est une pratique admise par tolérance par l’administration fiscale, n’est pas dispensée de cette analyse relative à la disproportion marquée entre le versement et la contrepartie - car elle constitue bien une contrepartie. Aucune règle ne justifie de déroger au principe général pour cette signature du don.
Une cour administrative d’appel ne peut en conséquence pas juger que cette apposition du nom de l’entreprise est indifférente, peu important l’exposition médiatique consécutive, sans rechercher si le cadre général des contreparties a bien été respecté. Et si ce cadre n’a pas été respecté, il appartient au juge du fond d’en tirer toutes les conséquences fiscales.
Pour l’association, admettre que le nom du donateur apparaisse de façon excessive fait également peser un risque d’image, car le tiers pourrait être confus : est-ce bien l’association qui est à l’origine de l’événement, ou est-ce l’entreprise ? a minima, est-ce un partenariat, un duo, alors que l’association a très généralement l’initiative du projet soutenu ? Le donateur phagocyterait alors l’événement au détriment de l’association, au lieu de le renforcer.
L’administration avait donné quelques exemples, et notamment deux dans le domaine du sport, afin d’aiguiller les organismes sans but lucratif dans leurs relations avec le mécène.
Ainsi, une association sportive locale, qui perçoit 100 000 euros annuels versés par une entreprise tout aussi locale, permet d’inscrire le nom de cette dernière sur un (seul) panneau du stade. En revanche, l’association sportive amateur qualifiée pour jouer contre un club professionnel, exposant la rencontre à une forte couverture médiatique, bénéficiant d’un versement de 250 000 euros de la part d’une société régionale, retiendra le régime du parrainage dès lors que plusieurs panneaux publicitaires seront installés dans l’axe des caméras de télévision.
En l’espèce, l’entreprise avait seulement apposé son nom sur les véhicules et sur le camion semi-remorque : point de message à vocation publicitaire tel qu’un slogan etc. Les décisions sont cependant silencieuses quant au montant qui a été versé par l’entreprise au cours des deux exercices vérifiés, ou encore sur le nombre exact de véhicules de course de l’écurie soutenue, ou enfin sur l’exposition médiatique dont a bénéficié l’événement sportif (presse locale, régionale, nationale, couverture télévisuelle ?).
L’entreprise ne s’était vraisemblablement pas posé la question de la disproportion de la contrepartie, retenant probablement l’analyse classique selon laquelle l’apposition du nom était devenue communément admise, en tout temps, dès lors qu’elle se contentait de mentionner le nom ou le logo de la société. C’est bien ce dévoiement qui est ici réprimé par le juge de l’impôt.
C’est désormais l’arrêt de la Cour administrative d’appel - éventuellement suivi par un arrêt du Conseil d’Etat statuant cette fois en dernier ressort - qui concentrera les attentions, car il pourrait receler de lourds apports sur la détermination de la valorisation de la contrepartie et, par suite, sur l’application ou non du régime fiscal de faveur du mécénat.
II - Après le rappel de principe, les applications pratiques
Maintenant que le Conseil d’Etat a rappelé le principe général de disproportion pour les contreparties, dont l’association du nom du donateur, c’est la question de la valorisation effective des « prestations » rendues par l’association qui devient centrale dans ce contentieux (A). Cela étant, l’arrêt est silencieux sur la notion de cercle restreint de personnes telle qu’appliquée par la Cour administrative d’appel et cela peut interpeller (B).
A - La recherche de la valorisation de la signature des dons
Le principe du réalisme qui gouverne le droit fiscal implique que les juges du fond vont examiner in concreto la disproportion ou l’absence de disproportion entre le versement effectué par l’entreprise et la contrepartie reçue, constituée de l’apposition du nom de la société sur les véhicules de course et le camion semi-remorque.
Ils vont ainsi devoir rechercher quel aurait été le prix librement négocié sur le marché, des « prestations » considérées, afin de trancher.
Ainsi qu’il a été précisé, les décisions sont silencieuses quant au montant qui a été versé par l’entreprise au cours des deux exercices vérifiés, ou encore sur le nombre exact de véhicules de course de l’écurie soutenue ou enfin sur l’exposition médiatique dont a bénéficié l’événement sportif (presse locale, régionale, nationale, couverture télévisuelle ?).
Or, il est évident que la valorisation à retenir sera fonction, a minima, de ces différents paramètres. Le montant des versements a pu varier d’exercice en exercice, et par suite, la disproportion marquée pourrait être retenue par les juges pour l’un des deux, mais pas pour l’autre, ce qui limiterait en conséquence la remise en question de la réduction d’impôt à une seule année.
Ensuite, le critère du nombre de véhicules siglé devrait être retenu car il implique une certaine répétition du logo dans l’esprit du spectateur – voire du téléspectateur ou du lecteur selon le mode de couverture médiatique, si couverture médiatique de l’événement sportif il y a. Cette « redondance » d’exposition a bien entendu une valeur économique et logoter un seul véhicule vaut nettement plus par hypothèse que décorer le mulet, qui pourrait ne jamais devoir être utilisé par le pilote lors de la course, mais nettement moins que de faire arborer le nom à une flotte complète de véhicules.
Il est à noter que l’entreprise a la main sur ces deux premiers critères. Le dirigeant décide du montant qu’il entend consacrer à l’œuvre soutenue et du fait de la conclusion de la convention de mécénat, précise clairement les éventuelles contreparties, symboliques ou réelles.
Enfin, un autre critère pourrait être la couverture médiatique elle-même de l’événement automobile. L’image du véhicule portant le nom de l’entreprise apparaissant en Une d’un quotidien national à grand tirage devrait avoir plus de valeur que quelques secondes de ce même véhicule à la télévision, à une allure et à une distance interdisant par ailleurs à l’audience de déchiffrer et par suite, de retenir le nom de l’entreprise mécène.
On peut également se demander si le nom de l’entreprise elle-même, sa notoriété propre, pourrait influer sur la valorisation. En d’autres termes, l’exposition médiatique par l’événement sportif associatif aura-t-elle davantage de valeur pour une petite société, dont ce serait l’une des rares heures de gloire, que pour un grand groupe coté dont le nom apparaît régulièrement sur de nombreux supports et au cours de nombreuses manifestations annuelles ?
Il appartiendra aux juges du fond de recourir à tous les indices et à tous les critères qui seront pertinents pour leur appréciation souveraine. Pour le juriste, il sera intéressant de suivre ce courant jurisprudentiel afin de découvrir, par exemple, des critères exclus de l’analyse. L’administration fiscale devrait par ailleurs apporter sa pierre à l’édifice en proposant ses propres critères que le juge pourrait faire siens ou rejeter voire compléter.
En tout état de cause, la convention de mécénat apparaît plus que jamais incontournable et le chef d’entreprise devra s’enquérir de la couverture médiatique sollicitée par l’organisateur - qui contacte généralement la presse afin que quelques journalistes se fassent l’écho de l’événement - pour estimer de manière suffisante la valorisation qui pourrait être retenue en cas de contrôle par les services fiscaux.
Ce travail probatoire en amont devrait se révéler préférable à une recherche de preuves entre le contrôle et le contentieux. Fixer un prix, une valeur à l’époque des faits pourra s’effectuer par tous moyens - demande de devis etc. - alors qu’adresser une telle demande mais en demandant au service commercial de se placer à une date antérieure risque fortement d’aboutir à un refus pur et simple.
Toutefois, le mieux demeure l’ennemi du bien, et il conviendra à notre sens de réserver ce travail aux situations à risque, telles que celle de l’espèce. En revanche, en cas de disproportion manifeste, il nous semble que le coût global de la démarche sera excessif par rapport au risque.
En d’autres termes, si par exemple, par comparaison avec d’autres mécènes du même événement, la disproportion marquée apparaît indubitablement, il nous semble que ce travail de preuve pourra être remis à plus tard.
Le Conseil d’Etat a par conséquent rétabli les principes régissant les contreparties, et a laissé le juge du fond libre de valider ou d’infirmer les critères de son appréciation. Nul doute que la haute juridiction administrative exercera son contrôle de cassation sur lesdits critères et leur correcte application. En tout état de cause, la réponse à la question qui lui était posée engendre une nouvelle série d’interrogations, pour lesquelles on ne peut que conjecturer à l’heure actuelle.
Il en va de même pour un autre pan de l’arrêt de la Cour administrative d’appel, passé sous silence dans l’arrêt rendu par les juges du Palais-Royal, à savoir la notion de cercle restreint de personnes.
B - La confirmation implicite de la correcte application de la notion de cercle restreint de personnes
Pour être éligible au régime fiscal du mécénat, une association doit être d’intérêt général, c’est-à-dire présenter une gestion désintéressée, déployer une activité non lucrative significativement prépondérante et ne pas fonctionner au profit d’un cercle restreint de personnes.
Ce dernier critère, réformé le 26 juillet 2016 dans la doctrine administrative[14], était effectivement devenu problématique, l’administration n’hésitant pas à exiger, de manière utopique, à l’endroit des associations humanitaires, qu’elles œuvrent pour des populations du monde entier pour être éligible au mécénat. Si à notre connaissance aucune décision de justice n’a été rendue sur la période d’application de cette nouvelle instruction, plusieurs espèces ont d’ores et déjà démontré que le juge administratif tenait compte de la libéralisation de ce critère.
Ce dernier précise que ne sont pas d’intérêt général les associations qui poursuivent les intérêts particuliers d’une ou plusieurs personnes clairement individualisables. Pour déterminer si l’organisme sans but lucratif fonctionne au profit d’un tel cercle restreint, c’est la méthode du faisceau d’indices qui doit être mobilisée. L’idée est d’appréhender concrètement la mission que s’est fixée l’organisme et d’identifier le public bénéficiaire réel de ses actions, sans considération d’ailleurs du nombre de bénéficiaires réels.
En outre, la doctrine inclue plusieurs exemples, dont celui des associations sportives, pour lesquelles il est indiqué qu’une telle association ne peut pas être considérée comme fonctionnant au profit d’un cercle restreint de personnes sous réserve que toute personne qui souhaite y adhérer puisse le faire dès lors que la pratique d’un sport concourt, de manière indissociable, à la promotion de ce sport.
L’arrêt censuré de la cour administrative d’appel faisait partie de ces décisions favorables aux associations. Il avait ainsi expressément précisé que l’association, qui a un caractère sportif, ne peut être regardée comme s’adressant à un cercle restreint de bénéficiaires aux seuls motifs qu’elle s’adresse exclusivement aux femmes et qu’elle concerne un sport déterminé, alors même que le fonctionnement de l’association, sur la période vérifiée, n’avait profité qu’à trois personnes et l’administration estimait que d’autres critères d’adhésion que d’être de sexe féminin expliquaient cet état de fait.
Cette décision applique par suite la mise à jour de la doctrine administrative en ce qu’elle ne considère pas le nombre, très réduit en l’espèce, de bénéficiaires réels des actions de l’association sportive, et en ce qu’elle réfute la caractérisation d’un cercle restreint de personnes à raison d’un état, ici le sexe féminin.
L’arrêt commenté ne mentionne aucunement ce point de droit. Soit le ministre n’a pas soulevé cet angle dans son pourvoi, soit le Conseil d’Etat a pratiqué l’économie de moyens, se concentrant sur celui - ou l’un de ceux - à même de justifier la cassation. Surtout, le contentieux vise les conséquences fiscales du contrôle de l’entreprise : l’analyse du cercle restreint de personnes n’a été effectuée qu’incidemment.
Le silence du Conseil d’Etat interpelle car les associations sont dans l’expectative s’agissant de la réception par l’administration fiscale et surtout par le juge de l’impôt de cette nouvelle doctrine, dont la réception semble avoir commencé chez les juges administratifs. Quand bien même le Conseil n’aurait pas pu, en termes de procédure, statuer sur ce point, n’aurait-il pas été judicieux de recourir à un orbiter dictum afin de valider ou d’infirmer la position de la Cour administrative d’appel sur ce point ?
On peut en conséquence regretter d’une part que le Conseil d’Etat ne guide pas davantage le juge de l’impôt fond s’agissant de la valorisation des contreparties, ce qui solde moins de questions que cela n’en pose, et d’autre part, qu’il se taise sur un sujet épineux des associations en manque de financement, ce qui implique d’attendre l’écoulement du stock de litiges antérieurs avant que l’interprétation du juge du fond ne sécurise les situations. A ce dernier en tout cas, il ne reste qu’à dire : « En voiture Simone ! ».
[1] CGI, art. 200 (N° Lexbase : L7519LWE) et 238 bis (N° Lexbase : L0419LP9).
[2] Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, de finances pour 2019 art. 148 et 149 (N° Lexbase : L6297LNK).
[3] Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019, de finances pour 2020, art. 134 (N° Lexbase : L5870LUX).
[4] CGI, art. 238 bis.
[5] TA de Lyon, 17 novembre 2016, n° 1409282.
[6] CAA de Lyon, 28 juin 2018, n° 17LY00187 (N° Lexbase : A2503XYD).
[7] BOI-BIC-RICI-20-30-10-20-20190807 § 160 (N° Lexbase : X7987ALE).
[8] BOI-BIC-RICI-20-30-10-20-20190807 § 120.
[9] CGI, art. 23 N (N° Lexbase : L6113K8W) et 28-00 A (N° Lexbase : L6112K8U), annexe 4
[10] BOI-IR-RICI-250-20-20120912 § 90 (N° Lexbase : X6395ALG).
[11] Loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999, art. 17 (N° Lexbase : L1726IRD).
[12] BOI-BIC-RICI-20-30-10-20-20190807 § 140.
[13] BOI-BIC-RICI-20-30-10-20-20190807 § 160.
[14] BOI-IR-RICI-250-10-10-20170510 § 130 et suivants (N° Lexbase : X0129ASL).
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