Réf. : CJUE, 4 juin 2020, aff. C-828/18 (N° Lexbase : A81253MU)
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par Vincent Téchené
le 10 Juin 2020
► Une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d'agent commercial, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la Directive 86/653 (N° Lexbase : L9726AUR).
Telle est la précision apportée par la CJUE dans un arrêt du 4 juin 2020 (CJUE, 4 juin 2020, aff. C-828/18 N° Lexbase : A81253MU).
Les faits. La société DCA était liée depuis le mois de juillet 2003, par une convention non écrite, à Trendsetteuse, en vertu de laquelle celle-ci devait diffuser les produits de DCA dans sa salle d'exposition, en contrepartie d'une commission sur le prix de vente desdits produits. Cette convention stipulait en particulier que Trendsetteuse était chargée de conclure, au nom et pour le compte de DCA, des contrats de vente pour deux secteurs géographiques : elle mettait en relation DCA avec la clientèle, prenait des commandes des produits et suivait leurs expéditions et leurs livraisons. DCA a informé Trendsetteuse qu'elle mettait fin à leur relation contractuelle pour un secteur, estimant que les ventes des produits étaient insuffisantes. DCA a également précisé que, à défaut d'acceptation par Trendsetteuse de ce retrait, elle cesserait toute collaboration avec cette société. Trendsetteuse a mis DCA en demeure de lui payer des indemnités de rupture de contrat d'agence commerciale, demande que DCA a rejetée en invoquant le fait que Trendsetteuse n'avait pas la qualité d'agent commercial, au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L5649AI3).
C’est dans ce contexte que le tribunal de commerce de Paris, nourrissant des doutes quant à la qualification de la convention, a renvoyé à la CJUE une question préjudicielle afin de savoir si une personne qui ne dispose pas du pouvoir de modifier les conditions de vente des articles qu'elle vend pour le compte d'une autre société, notamment de modifier les prix de ces articles, peut être considérée comme étant chargée de « négocier » des contrats, au sens de l'article 1er, paragraphe 2, de la Directive 86/653.
La décision. La CJUE rappelle que cet article définit, aux fins de celle-ci, l'agent commercial comme étant celui qui, en tant qu'intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l'achat de marchandises pour une autre personne, dénommée « commettant », soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant. Dans la mesure où l’article 1er § 2 de la Directive n'opère aucun renvoi aux droits nationaux en ce qui concerne la signification de la notion de « négocier », celle-ci doit être considérée, aux fins de l'application de cette Directive, comme étant une notion autonome du droit de l'Union qui doit être interprétée de manière uniforme sur le territoire de cette dernière.
La Cour relève notamment que l'accomplissement de ses tâches par l’agent commerciale peut être assuré au moyen d'actions d'information et de conseil ainsi que de discussions, qui sont de nature à favoriser la conclusion de l'opération de vente des marchandises pour le compte du commettant, sans que l'agent commercial dispose de la faculté de modifier les prix desdites marchandises. Ainsi, la circonstance qu'un agent commercial ne dispose pas de la faculté de modifier les prix des marchandises dont il assure la vente pour le compte du commettant n'empêche pas l'accomplissement par l'agent commercial de ses tâches principales, telles que décrites dans la Directive. Par ailleurs, une interprétation de l'article 1er § 2 en ce sens que cette disposition exclurait de la qualification d'« agent commercial » les personnes qui ne disposent pas de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elles assurent la vente pour le compte du commettant irait à l'encontre des objectifs de la Directive. Une telle interprétation permettrait au commettant de se soustraire aux dispositions impératives de la Directive 86/653, en particulier à celle relative à l'indemnisation de l'agent commercial en cas de cessation du contrat, en réservant dans ce contrat tout droit de négocier les prix des marchandises.
Elle en conclut donc qu’une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d'agent commercial.
Précisions. Cette solution va à l’encontre de la position de la Cour de cassation sur la question. En effet, selon la Haute juridiction, le pouvoir de négociation implique le pouvoir de modifier les tarifs du mandant (v. not., Cass. com., 15 janvier 2008, n° 06-14.698, FS-P+B N° Lexbase : A7597D3R ; Cass. com., 19 juin 2019, n° 18-11.727, F-D N° Lexbase : A3002ZGB). Certaines juridictions du fond faisaient toutefois de la résistance (CA Toulouse, 28 février 2018, n° 17/01857 N° Lexbase : A7248XE8 ; CA Paris, Pôle 5, 10ème ch., 3 février 2020, n° 16/19962 N° Lexbase : A20463D7) ; la CJUE leur donne donc ici raison. La Cour de cassation devra donc modifier sa jurisprudence pour se conformer à la position de la CJUE.
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