Le Quotidien du 3 mars 2020 : Procédure pénale

[Brèves] Audition des témoins : la dispense de serment aux seuls mari ou femme de l’accusé déclarée contraire à la Constitution en raison du principe d’égalité

Réf. : Cons. const., décision n° 2019-828/829 QPC du 28 février 2020 (N° Lexbase : A63663GU)

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[Brèves] Audition des témoins : la dispense de serment aux seuls mari ou femme de l’accusé déclarée contraire à la Constitution en raison du principe d’égalité. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/56936849-brevesauditiondestemoinsladispensedesermentauxseulsmarioufemmedelaccusedeclareecontr
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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

le 18 Mars 2020

► Les mots « Du mari ou de la femme » figurant au 5° de l’article 335 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9566IQD), qui réservent la dispense de serment des témoins aux seuls mari ou femme de l’accusé, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 (N° Lexbase : L9731IQH), sont contraires à la Constitution ;

► Le Conseil relève que la différence de traitement qu’ils instaurent entre les conjoints, les partenaires pacsés et les concubins, qui n’est justifiée ni par une différence de situation, ni par un motif d’intérêt général, est contraire au principe d’égalité devant la loi.

Ainsi statue le Conseil constitutionnel dans sa décision du 28 février 2020 (Cons. const., décision n° 2019-828/829 QPC du 28 février 2020 N° Lexbase : A63663GU).

Le Conseil avait été saisi par la Chambre criminelle par deux arrêts du 11 décembre 2019 (Cass. crim., 11 décembre 2019, deux arrêts, n° 19-80.361, F-D N° Lexbase : A1523Z8W et n° 18-84.049 N° Lexbase : A1584Z88). Les QPC portaient sur la conformité à la Constitution, pour la première, de l’article 335 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9566IQD), dans sa rédaction résultant de la loi du 10 août 2011, et pour la seconde, de ce même article et de l’article 331 du même code (N° Lexbase : L7526LPG), dans sa rédaction résultant de la loi du 9 mars 2004 (N° Lexbase : L1768DP8).

Selon les requérants, en ce qu’elles prévoient que le mari ou la femme de l’accusé témoigne, devant la cour d’assises, sans avoir à prêter serment, ces dispositions créeraient une différence de traitement inconstitutionnelle entre, d’une part, les époux et, d’autre part, les concubins ou les partenaires liés par un pacte civil de solidarité, qui sont, eux, soumis à une telle obligation de prêter serment. Il en résulterait une violation des principes d’égalité devant la loi et devant la justice. En outre, pour le premier requérant, en privant les concubins de la possibilité de témoigner sans prêter serment, à titre de simples renseignements et sans donc encourir le risque d’être poursuivi pour faux témoignage, ces dispositions porteraient atteinte aux droits de la défense.

Position du Conseil. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel relève tout d’abord que, tout comme les couples mariés, les concubins ou les partenaires liés par un PACS sont également exposés au dilemme moral dont le législateur a entendu préserver les conjoints lorsqu’ils sont appelés à témoigner au procès de leur conjoint accusé. Ensuite, le Conseil cite la jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle une déposition effectuée sans prêter serment alors que le témoin était tenu de le faire est susceptible de vicier la procédure suivie. Il estime que la limitation de la liste des personnes susceptibles d’être dispensées de la formalité du serment, à raison de leur proximité avec l’accusé, peut être justifiée par l’intérêt qui s’attache à ce que la cour d’assises puisse facilement s’assurer de l’existence ou non du lien du témoin avec l’accusé. Le Conseil en déduit que le pacs et le concubinage sont concernés, au même titre que le mariage, dans la mesure où le premier fait l’objet d’un enregistrement en mairie et où le second repose sur des critères de stabilité et de continuité. Dès lors, l’intérêt qui s’attache à faciliter la connaissance par la juridiction des liens unissant l’accusé et le témoin ne saurait, à lui seul, justifier la différence de traitement établie par les dispositions contestées entre le mariage, le concubinage et le pacte civil de solidarité.

Le Conseil constitutionnel en conclut que la différence de traitement instaurée par les dispositions contestées qui n’est justifiée ni par une différence de situation ni par un motif d’intérêt général est contraire au principe d’égalité devant la loi. Ainsi, les mots « Du mari ou de la femme » figurant au 5° de l’article 335 du Code de procédure pénale doivent être déclarés contraires à la Constitution.

Effet différé. Le Conseil juge, en l’espèce, que l’abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution, qui priverait les époux d’une garantie, entraînerait des conséquences manifestement excessives. Il y a donc lieu de reporter au 31 décembre 2020 la date de l’abrogation des dispositions contestées.

Pour aller plus loin :

Cf. l’Ouvrage « Procédure pénale » (dir. J.-B. Perrier), ETUDE : Le jugement des crimes, Les auditions devant la cour d’assises, B. Fiorini et J. Boudot (N° Lexbase : E3421Z9L)

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