Réf. : Cass. civ. 2, 7 juillet 2011, n° 10-20.923, FS-P+B (N° Lexbase : A9677HUX) ; Cass. civ. 2, 8 septembre 2011, n° 10-23.003, F-P+B (N° Lexbase : A5446HXY)
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par Cédric Tahri, Directeur de l'Institut rochelais de formation juridique (IRFJ), chargé d'enseignement à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
le 06 Octobre 2011
Par un arrêt rendu le 7 juillet 2011, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation décide que le défaut de dénonciation de la saisie-attribution au cotitulaire d'un compte joint sur lequel porte la mesure d'exécution n'était pas susceptible d'entraîner la caducité de celle-ci.
Les faits. En l'espèce, M. D., muni d'un titre exécutoire, avait fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la Banque nationale de Paris sur un compte joint au nom de M. et Mme V. pour paiement d'une créance à l'encontre de M. V.. Ce dernier, invoquant la non-dénonciation de la saisie à son épouse, cotitulaire du compte, avait demandé à un juge de l'exécution d'ordonner la mainlevée de la saisie. M. V. faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai, le 2 juillet 2009, de le débouter de sa demande faisant valoir que, lorsque la saisie est pratiquée sur un compte joint, elle est dénoncée à chacun des titulaires du compte, que le non-respect de cette obligation devrait être sanctionné par la caducité de la saisie et qu'en refusant de prononcer cette sanction, la cour d'appel avait violé les articles 77, 73 et 58 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 (N° Lexbase : L9125AG3). L'argument est rejeté par la Cour de cassation.
Le droit. Aux termes de l'article 77, alinéa 1er, du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, lorsque la saisie-attribution est pratiquée sur un compte joint, elle doit être dénoncée à chacun des titulaires du compte. Toutefois, ce texte ne précise pas la sanction applicable en cas de défaut de dénonciation de la saisie aux cotitulaires du compte. La question s'est donc posée de savoir quel sort il convenait de réserver à la mesure d'exécution forcée dans une telle situation. Selon un premier courant de pensée, la saisie-attribution ne peut être jugée caduque dans la mesure où l'article 77, alinéa 1er, n'édicte aucune sanction particulière. Il est vrai que la cour d'appel de Paris avait eu l'occasion d'affirmer que le défaut de dénonciation de la saisie-attribution à la société titulaire d'un compte joint ne pouvait être frappé de nullité, dès lors que cette dénonciation n'était sanctionnée par aucun texte (1). Selon un second courant de pensée, l'article 73 réserve l'application de l'article 58 dudit décret, de sorte que le débiteur saisi peut valablement invoquer la caducité en l'absence de dénonciation de la saisie aux autres cotitulaires du compte. Cette position, défendue par la majorité des auteurs (2), s'appuie essentiellement sur la décision d'un juge de l'exécution de Montpellier selon laquelle "l'omission par l'huissier de dénoncer la saisie aux cotitulaires du compte joint, quand il les connaît, entraîne la caducité de la saisie portant sur ledit compte" (3).
En indiquant que le défaut de dénonciation de la saisie au cotitulaire d'un compte joint sur lequel porte la mesure d'exécution n'est pas susceptible d'entraîner la caducité de celle-ci, la Cour de cassation tranche cette controverse de manière contestable puisque la solution retenue revient à valider une saisie qui n'a pas été dénoncée à l'un des débiteurs saisis. En outre, une question demeure : si la nullité et la caducité sont exclues par la jurisprudence, quelle sanction doit-on appliquer ? L'enjeu est important car, sans sanction dissuasive, la règle posée à l'article 77 du décret de 1992 perd toute effectivité. Mais, il faut bien l'avouer, ce n'est pas la première fois qu'une obligation légale n'est pas assortie de sanction...
II - La contestation de l'acte de conversion d'une saisie conservatoire en saisie-attribution
Par son arrêt rendu le 8 septembre 2011, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation affirme que les dispositions de l'article 680 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1531IR7), qui visent la notification des jugements, ne s'appliquaient pas à la notification d'une mesure d'exécution forcée.
Les faits. En l'espèce, la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin a fait procéder le 3 juillet 2007, sur le fondement d'un jugement condamnant M. B. à lui payer une certaine somme, à une saisie conservatoire à son encontre entre les mains d'un établissement bancaire, dénoncée le 6 juillet au débiteur. Par acte du 12 juillet 2007, elle a fait signifier au tiers saisi la conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution et le 13 juillet suivant, la copie de l'acte de conversion à M. B.. Celui-ci a alors saisi le 31 juillet 2007 un juge de l'exécution d'une contestation de cette mesure mais la cour d'appel de Colmar l'a jugée irrecevable. Cette solution a été approuvée par la Cour de cassation. En effet, après avoir relevé que l'acte de conversion, signifié à la personne de M. B. le 13 juillet 2007, répondait aux exigences de l'article 242 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 en ce qu'il contenait l'indication du délai de quinze jours pour contester l'acte et la désignation de la juridiction devant laquelle la contestation devait être portée et constaté que le juge de l'exécution n'avait été saisi de la contestation que par acte d'huissier délivré à la caisse le mardi 31 juillet 2007, alors que le délai de contestation, qui avait commencé à courir le 14 juillet 2007, avait expiré le lundi 30 juillet 2007, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à un moyen inopérant, en a exactement déduit que la contestation était irrecevable comme tardive.
Le droit. Selon l'article 240 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, le créancier qui procède à une saisie conservatoire et obtient un titre exécutoire constatant l'existence de sa créance signifie au tiers saisie un acte de conversion en saisie-attribution qui contient, à peine de nullité, diverses mentions obligatoires telles que le décompte distinct des sommes dues en principal, frais et intérêts échus, ainsi que l'indication du taux des intérêts (4). Cet acte de conversion informe le tiers que, dans cette limite, la demande entraîne attribution immédiate de la créance saisie au profit du créancier. Précisément, l'acte de conversion constitue un acte d'exécution : c'est la demande de paiement contenue dans l'acte en question qui emporte attribution immédiate, au profit du créancier, de la créance saisie conservatoirement et non la saisie conservatoire elle-même. En conséquence, la copie de l'acte de conversion doit être signifiée au débiteur qui dispose alors d'un délai de quinze jours pour le contester devant le juge de l'exécution du lieu où il demeure. Ce délai est prescrit à peine d'irrecevabilité (5).
Or, dans notre affaire, le délai de contestation n'a pas été respecté. Le débiteur a saisi le juge de l'exécution par acte d'huissier délivré le 31 juillet 2007, soit un jour après l'expiration du délai légal (ce délai, qui avait commencé à courir le 14 juillet 2007, avait expiré le lundi 30 juillet 2007). C'est donc fort logiquement que les juges du fond ont déclaré la contestation irrecevable comme tardive, solution approuvée par la Cour de cassation. D'une part, la Haute juridiction a considéré que les dispositions de l'article 680 du Code de procédure civile, qui précise les mentions que l'acte de notification doit contenir et notamment les modalités selon lesquelles un recours peut être exercé, ne s'appliquaient pas à la signification de l'acte de conversion de la saisie conservatoire en une saisie-attribution dès lors que la notification d'une mesure d'exécution forcée ne s'analyse pas en une décision juridictionnelle (6). D'autre part, la Cour suprême a relevé que l'acte de conversion contenait la mention selon laquelle le débiteur dispose d'un délai de quinze jours pour contester l'acte devant le juge de l'exécution du lieu où il demeure, ce qui est strictement conforme aux exigences de l'article 242 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992.
(1) CA Paris, 7 novembre 2002 : Dr. et proc., 2003, 167, note Caille.
(2) V. notamment, N. Fricero, Procédures civiles d'exécution, Gualino, 2ème éd., 2010, p. 122.
(3) TGI Perpignan, JEX, 8 avril 2002 : Dr. et proc., 2002, 308, note Bourdillat.
(4) V. Cass. civ. 2, 23 novembre 2000, n° 98-22.795 (N° Lexbase : A9407AHU), Bull. civ. II, n° 153.
(5) Décret n° 92-755, 31 juillet 1992, art. 242.
(6) V. Cass. civ. 2, 14 octobre 2004, n° 02-14.510, FS-P+B (N° Lexbase : A5990DD9).
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