Le Quotidien du 6 juin 2019 : Successions - Libéralités

[Brèves] Enfants déshérités en vertu de la loi américaine : à la recherche d’une résidence habituelle du défunt en France…

Réf. : Cass. civ. 1, 29 mai 2019, n° 18-13.383, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1010ZDR)

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 05 Juin 2019

► Dans les cas où il s'avère complexe de déterminer la résidence habituelle du défunt, par exemple lorsque celui-ci vivait de façon alternée dans plusieurs Etats ou voyageait d'un Etat à un autre sans s'être installé de façon permanente dans un Etat, sa nationalité ou le lieu de situation de ses principaux biens pourrait constituer un critère particulier pour l'appréciation globale de toutes les circonstances de fait ; c’est ainsi qu’en l’espèce, la cour d'appel, qui s'est déterminée par une appréciation souveraine des éléments de preuve, a estimé que la résidence habituelle du défunt était située à New York, ce dont elle a exactement déduit que la juridiction française était incompétente pour statuer sur sa succession.

 

C’est en ce sens que s’est prononcée la première chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 29 mai 2019 (Cass. civ. 1, 29 mai 2019, n° 18-13.383, FS-P+B+I N° Lexbase : A1010ZDR).

 

En l’espèce, le de cujus était décédé le 10 mai 2016, à New York, laissant trois enfants, en l'état d'un testament exhérédant l’une de ses filles ; soutenant que le défunt avait sa résidence habituelle à Paris, celle-ci avait assigné ses frère et soeur devant une juridiction française en partage judiciaire de la succession. En vain. Elle n’obtiendra pas gain de cause.

 

Il résulte des considérants 23 et 24 du préambule du Règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen (N° Lexbase : L8525ITW), qu'afin de déterminer la résidence habituelle, l'autorité chargée de la succession doit procéder à une évaluation d'ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de fait pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l'Etat concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence, la résidence habituelle ainsi déterminée devant révéler un lien étroit et stable avec l'Etat concerné, compte tenu des objectifs spécifiques du Règlement ; dans les cas où il s'avère complexe de déterminer la résidence habituelle du défunt, par exemple lorsque celui-ci vivait de façon alternée dans plusieurs Etats ou voyageait d'un Etat à un autre sans s'être installé de façon permanente dans un Etat, sa nationalité ou le lieu de situation de ses principaux biens pourrait constituer un critère particulier pour l'appréciation globale de toutes les circonstances de fait.

 

En l’espèce, l'arrêt relève que le défunt partageait son temps entre les Etats-Unis et l'Europe, et plus spécialement Paris, sans que la durée des séjours dans l'un ou l'autre pays puisse être déterminante pour la solution du litige, de sorte que la nationalité et la situation de l'ensemble de ses principaux biens constituent les critères particuliers à retenir pour l'appréciation globale des circonstances de fait permettant de déterminer sa résidence habituelle.

 

L’arrêt constate que le défunt avait la nationalité américaine, qu'il était né à New York, où il était décédé, qu'il y avait exercé l'ensemble de sa vie professionnelle, qu'il avait rédigé son testament à New York, se déclarant dans ce document «résident à New York», que les membres de sa famille proche vivaient majoritairement aux Etats-Unis et qu'il détenait à New York un patrimoine immobilier constitué de plusieurs immeubles d'une valeur importante, fruit d'une vie professionnelle entièrement dédiée à l'immobilier new-yorkais auquel il consacrait encore du temps ; il ajoute que si la requérante avance un certain nombre d'arguments en faveur d'une résidence habituelle à Paris du défunt au cours des dernières années de sa vie, il apparaissait néanmoins que celui-ci avait une adresse fixe à New York depuis plus de quarante ans, figurant sur ses passeports, qu'il avait souhaité être enterré auprès de ses parents à Brooklyn, qu'il était domicilié fiscalement à New York, où il votait régulièrement et qu'il n'était rattaché à aucun organisme de remboursement de soins médicaux en France.

 

Il énonce encore que l'achat de l'appartement à Paris réalisé fictivement, ou pas, aux noms des intimés est inopérant, la résidence habituelle pouvant parfaitement être située chez un tiers, même étranger au cercle familial, qu'il n'est pas anormal que le défunt y ait mis des objets personnels ni qu'il en payât les charges puisqu'il y séjournait, que les appels de charges de copropriété, taxes d'habitation et factures étaient expédiés à son adresse à New York et que si le défunt a subi deux interventions chirurgicales à Paris, son médecin traitant, qu'il consultait régulièrement, était à New York.

 

La cour d'appel, qui s'est déterminée par une appréciation souveraine des éléments de preuve, sans être tenue de s'expliquer spécialement sur ceux qu'elle décidait d'écarter ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, et qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a estimé que la résidence habituelle du défunt était située à New York, ce dont elle a exactement déduit que la juridiction française était incompétente pour statuer sur sa succession.

 

La requérante faisait alors également valoir que, si la résidence habituelle du défunt, lors du décès, n'est pas située dans un Etat membre de l'Union européenne, le juge saisi est compétent à l'égard des biens successoraux situés sur le territoire du for. 

 

Elle n’obtiendra pas non plus gain de cause sur ce point. Si, en effet, aux termes de l'article 10, paragraphe 2, du Règlement UE n° 650/2012, lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un Etat membre et qu'aucune juridiction d'un Etat membre n'est compétente en vertu du paragraphe 1, les juridictions de l'Etat membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur ces biens, la Cour de cassation approuve les juges d’appel qui, ayant constaté que le titre de propriété de l'appartement situé à Paris, était établi au nom des cohéritiers et relevé qu'il appartiendrait à la juridiction compétente de déterminer la masse successorale, avaient retenu qu'en l'état actuel de la procédure, aucun bien immobilier appartenant au défunt n’était situé sur le territoire français et qu'en l'état de ses constatations et appréciations, dont résultait l'absence de biens successoraux situés en France, la cour d'appel avait légalement justifié sa décision d'écarter la compétence subsidiaire du tribunal de grande instance de Paris.

 

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