Réf. : Cass. civ. 1, 6 mars 2019, n° 18-11.640, F-P+B (N° Lexbase : A0159Y3B)
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 18 Mars 2019
► L'usufruitière d’une collection d’œuvre d’art ne mettant pas en péril les droits des nues-propriétaires, il n'y avait pas lieu d'ordonner les mesures conservatoires sollicitées par ces dernières ;
► en revanche, les nues-propriétaires, étaient en droit d'exiger qu'un inventaire des œuvres formant la collection objet de l'usufruit de leur mère soit dressé en leur présence ou elles dûment appelées.
Telle est la solution retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation, dans l’arrêt rendu le 6 mars 2019, dans le cadre de la succession du collectionneur Pébereau (Cass. civ. 1, 6 mars 2019, n° 18-11.640, F-P+B N° Lexbase : A0159Y3B).
En l’espèce, Georges Pébereau était décédé le 18 avril 2012, en laissant pour lui succéder son épouse séparée de biens, et leurs trois filles, en l'état d'un testament authentique du 28 mai 2002, d'un testament olographe du 24 mai 2005 et de plusieurs codicilles rédigés les 18 février et 19 juillet 2010, 31 janvier et 9 mars 2011 ; des difficultés s’étaient élevées pour le partage de sa succession.
L’une des filles faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d’appel de Paris (CA Paris, Pôle 3, 1ère ch., 22 novembre 2017, n° 16/01397 N° Lexbase : A1691W3Z) de dire qu'il n'y a lieu à aucune mesure conservatoire s'agissant des dessins et des bronzes grevés d'usufruit, et en conséquence, de rejeter les demandes d'inventaire de la collection, d'apposition de scellés sur les encadrements, de visite annuelle de la collection et d'interdiction de déplacer les œuvres sans l'autorisation unanime des trois co-indivisaires, ainsi que la demande subsidiaire de déplacement des meubles dans un garde-meubles sécurisé.
Elle n’obtiendra pas gain de cause devant la Cour suprême qui approuve, en effet, les juges d’appel ayant relevé qu'eu égard à la valeur de la collection, la dispense de caution prévue par l'acte constitutif de l'usufruit révélait de la part du défunt une particulière confiance dans l'usage que son épouse ferait de cet usufruit, et retenu qu'aucune initiative déraisonnable ne pouvait être reprochée à l'usufruitière de nature à justifier des mesures conservatoires, le seul fait invoqué, à savoir le prêt d'une œuvre de cette collection à un prestigieux musée américain, ne pouvant pas être considéré comme tel, alors que ce type de circulation des œuvres relevait d'un usage courant et contribuait au contraire à la valorisation d'une collection ; les juges d’appel ajoutaient que le placement des œuvres dans un garde-meuble sécurisé était dépourvu de fondement en l'absence de démonstration d'une mise en péril de la collection par l'usufruitière et contreviendrait totalement aux droits de celle-ci.
Selon la Haute juridiction, de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, avait pu déduire que, l'usufruitière ne mettant pas en péril les droits des nus-propriétaires, il n'y avait pas lieu d'ordonner les mesures conservatoires sollicitées.
En revanche, elle censure la décision en ce qu’elle avait rejeté la demande d'inventaire de la collection, au motif qu'un inventaire des œuvres d'art avait été entrepris par un notaire à l'ouverture de la succession et que le notaire liquidateur pourrait procéder également à un inventaire de la collection.
Or, la Cour suprême rappelle que, selon l’article 600 du Code civil (N° Lexbase : L3187ABN), l'usufruitier ne peut entrer en jouissance qu'après avoir fait dresser, en présence du propriétaire ou lui dûment appelé, un inventaire des meubles sujets à l'usufruit et que, selon l’article 1094-3 du Code civil (N° Lexbase : L0261HPD), les enfants ou descendants pourront, nonobstant toute stipulation contraire du disposant, exiger, quant aux biens soumis à l'usufruit du conjoint survivant, qu'il soit dressé inventaire des meubles ; les filles du défunt, nues-propriétaires, étaient donc en droit d'exiger qu'un inventaire des œuvres formant la collection objet de l'usufruit de leur mère soit dressé en leur présence ou elles dûment appelées.
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