Réf. : Cass. mixte, 30 novembre 2018, n° 17-16.047, P+B+R+I (N° Lexbase : A9338YN8)
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N6636BX3
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par June Perot
le 05 Décembre 2018
► Le fait pour le président d’un syndicat de prendre en charge, dans le cadre d’une manifestation, l’organisation logistique des opérations et donner des instructions à tous les participants présents pour la commission d’actes illicites, constitue une complicité par provocation au sens de l’article 121-7 du Code pénal (N° Lexbase : L5525AIH), de sorte que se trouve caractérisée une faute de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382, devenu 1240 du Code civil (N° Lexbase : L0950KZ9), sans que puisse être invoqué le bénéfice de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : L7589AIW).
Telle est la solution d’un arrêt de la Chambre mixte de la Cour de cassation rendu le 30 novembre 2018 (Cass. mixte, 30 novembre 2018, n° 17-16.047, P+B+R+I N° Lexbase : A9338YN8).
Dans cette affaire, lors d’un rassemblement d’agriculteurs de la Mayenne, le dirigeant d’un syndicat local d’agriculteurs a appelé publiquement ses adhérents, en présence de la presse, à charger des pneus dans leurs tracteurs et à les déposer devant l’entrée d’une usine laitière. Le même dirigeant syndical a appelé les agriculteurs à se rendre ensuite à un rond-point pour discuter de la marche à suivre. Quelques heures plus tard, les pneus ont été incendiés en présence du dirigeant syndical, occasionnant des dégâts matériels importants, notamment aux barrières et au portail d’entrée de l’usine. Assignés devant le tribunal de grande instance de Laval par la société de l’usine visée, le dirigeant syndical et son syndicat ont été condamnés in solidum au paiement de dommages-intérêts. Statuant sur les appels du syndicat et de son représentant, la cour d’appel d’Angers a débouté la société de sa demande formée contre le représentant syndical en considérant qu’il n’avait pas commis de faute détachable de l’exercice de son mandat syndical. En revanche, la cour d’appel a condamné le syndicat à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en retenant qu’il avait donné des instructions aux agriculteurs, ces dernières étant qualifiées de provocation directe à la commission d’actes illicites dommageables commis au moyen des pneus, et qu’il y avait un lien direct entre les directives données par ce syndicat, en la personne de son représentant, et le préjudice subi.
Le syndicat a formé un pourvoi en soutenant, pour la première fois devant la Cour de cassation, que les actes reprochés relevaient en réalité de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW) et non du droit commun de la responsabilité civile, en se prévalant des arrêts de la Cour de cassation rendus en Assemblée plénière le 12 juillet 2000 (Ass. plén., 12 juillet 2000, n° 98-10.160 N° Lexbase : A2598ATE, Bull. 2000, Ass. plén., n° 8 et Ass. plén., 12 juillet 2000, n° 98-11.155 N° Lexbase : A2599ATG, Bull. 2000, Ass. plén. n° 8).
La Chambre mixte avait alors à se prononcer sur la question de savoir quel est le fondement juridique de l’action engagée contre une personne morale pour des actions illicites menées à l’occasion d’une manifestation.
Enonçant la solution susvisée, elle conclut que la loi du 29 juillet 1881 ne pouvait recevoir application en l’espèce. Elle précise également qu’au cas de l’espèce, le président du syndicat est celui qui, par la teneur de ses propos, a pris en charge l’organisation logistique des opérations et donné les instructions d’organisation de la manifestation à tous les participants présents au rassemblement ; qu’il a donné dans ce cadre les directives “pour garer et ranger les pneus […]” ; qu’il a, ensuite, fixé un nouveau rendez-vous aux manifestants à un rond-point d’où ils sont alors partis vers l’usine et qu’il était sur place lorsque ces pneus ont été embrasés (cf. l’Ouvrage «Responsabilité civile» N° Lexbase : E4089EY4).
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