La lettre juridique n°759 du 25 octobre 2018 : Procédure pénale

[Brèves] Recevabilité de la constitution de partie civile d’un président de la République victime d’un piratage de compte bancaire : pas de violation du droit à un procès équitable

Réf. : CEDH, 18 octobre 2018, Req. 80018/12, T. c/ France (N° Lexbase : A6697YG7)

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par June Perot

le 24 Octobre 2018

► L’intervention d’un président de la République en fonction dans une procédure pénale ouverte pour des faits d’escroquerie en bande organisée, n’a pas pour effet de créer un déséquilibre dans les droits des parties et le déroulement de la procédure ;

 

► La Cour européenne des droits de l’Homme relève que la participation d’une personnalité ayant un rôle institutionnel dans le déroulement de la carrière des juges est en effet susceptible de créer un doute légitime sur l’indépendance et l’impartialité de ceux-ci ; toutefois, elle juge qu’après examen, du mode de nomination des magistrats, de leur condition statutaire et des circonstances particulières de l’affaire en question, il n’y aucun motif permettant de constater que les juges appelés à statuer sur la cause n’étaient pas indépendants au sens de l’article 6 § 1 de la Convention (N° Lexbase : L7558AIR).

 

Telle est la solution d’un arrêt de chambre rendu par la Cour européenne des droits de l’Homme en date du 18 octobre 2018 (CEDH, 18 octobre 2018, Req. 80018/12, T. c/ France N° Lexbase : A6697YG7).

 

En septembre 2008, la banque Société générale avait déposé plainte contre X pour faux, usage de faux et escroquerie, à la suite de la contestation d’opérations bancaires par M. Nicolas S. alors président de la République en exercice.

 

Les trois auteurs opéraient de la façon suivante : l’un d’eux se procurait des RIB, puis, un deuxième, employé d’une entreprise sous-traitante de Canal +, se chargeait de recopier les coordonnées bancaires de certains abonnés. Ils ouvraient ensuite des abonnements dans des magasins de téléphonie, en comptant sur des vendeurs peu regardants sur la procédure d’ouverture de ligne, pour lesquelles ils étaient largement commissionnés. Ils pouvaient ainsi se procurer des téléphones haut de gamme à un coût moindre. Ils procédaient ensuite à une dissociation de la carte SIM et du téléphone, pour alimenter un marché parallèle. Au total, ils avaient ouvert près de 150 lignes. M. Nicolas S. avait, pour sa part, été victime d’un préjudice s’élevant à 176 euros, correspondant à quatre écritures bancaires.

 

En octobre 2008, le procureur de la République avait ouvert une information judiciaire des chefs d’escroquerie en bande organisée. Au cours de l’instruction, M. Nicolas S., alors président en exercice, s’était constitué partie civile. Le juge d’instruction avait ordonné le renvoi du requérant et de six autres individus devant le tribunal correctionnel. Il leur était reproché d’avoir obtenu l’ouverture de lignes téléphoniques, la remise de téléphones portables et le paiement des abonnements, en utilisant des références bancaires appartenant à des tiers. Devant le tribunal, le requérant souleva l’irrecevabilité de la constitution de partie civile de M. Nicolas S.. En juillet 2009, le tribunal déclara le requérant coupable des faits qui lui étaient reprochés et le condamna à un an d’emprisonnement. Il jugea la constitution de partie civile de M. Nicolas S. recevable, au nom du droit d’accès à un tribunal mais sursit à statuer sur sa demande de dommages et intérêts. En janvier 2010, la cour d’appel de Versailles réforma le jugement et condamna le requérant à huit mois d’emprisonnement. Sur l’action civile, elle condamna le requérant à indemniser M. S.. Le requérant avait alors formé un pourvoi en cassation et demandé, entre temps, à la Cour de cassation de soumettre au Conseil constitutionnel une QPC relative à la compatibilité de l’article 2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9908IQZ) avec le respect de la séparation des pouvoirs et des droits de la défense, ainsi que du droit à un procès équitable. En novembre 2010, la Cour de cassation décida de ne pas renvoyer la QPC au motif que la question n’était pas nouvelle et ne présentait pas un caractère sérieux en ce qu’elle soulevait, en réalité, une question qui relève de l’office du juge judiciaire (Cass. QPC, 10 novembre 2010, n° 10-85.678, F-P+B N° Lexbase : A9148GGW).

 

En juin 2012, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation considéra que le Président de la République, en sa qualité de victime, était recevable à exercer les droits de la partie civile pendant la durée de son mandat. Elle estima que le prévenu ne démontrait pas avoir souffert d’une atteinte portée par les institutions françaises au droit au procès équitable dès lors que la seule nomination des juges par le Président de la République ne crée pas pour autant une dépendance à son égard et que chacune des parties avait pu présenter ses arguments et discuter ceux de son adversaire tout au long de l’instruction préparatoire et des débats devant le tribunal puis devant la cour d’appel (Ass. plén., 15 juin 2012, n° 10-85.678, P+B+R+I N° Lexbase : A8936INB). La Cour de cassation cassa avec renvoi l’arrêt d’appel en ce qui concerne le défaut de motivation de la peine d’emprisonnement ferme prononcée à l’encontre du requérant. En janvier 2014, la cour d’appel de Versailles infirma la peine prononcée à l’encontre du requérant et le condamna à dix mois d’emprisonnement avec sursis.

 

Le requérant avait alors saisi la CEDH, se plaignant que la constitution de partie civile du président de la République rompait l’égalité des armes et portait atteinte au droit à un tribunal indépendant et impartial.

 

Enonçant la solution susvisée, la Cour juge que cette constitution de partie civile n’a pas violé le droit du requérant à un procès équitable (cf. l’Ouvrage «Procédure pénale» N° Lexbase : E1924EUS).

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