La lettre juridique n°758 du 18 octobre 2018 : Droit pénal spécial

[Textes] Libres propos sur la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes *

Réf. : Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (N° Lexbase : L6141LLZ)

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N5938BX9

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par Audrey Darsonville, Professeur agrégé de droit privé à l'Université de Lille

le 18 Octobre 2018

Mots-clés : violences sexuelles • loi du 3 août 2018 • outrage sexiste • défaut de consentement • harcèlement sexuel

Adoptée au cœur de l’été après une procédure accélérée engagée par le Gouvernement le 21 mars 2018, la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes [1] a connu une histoire législative très chaotique [2]. Tout démarre à l’automne 2017 avec la médiatisation de deux affaires judiciaires dans lesquelles la qualification de viol n’avait pas été retenue faute d’avoir pu établir le défaut de consentement des deux mineures victimes âgées de onze ans lors des faits. Ces procès, qui ont suscité un émoi collectif légitime, expliquent [3] que le Gouvernement se soit attelé à une nouvelle réforme de la législation sur les infractions sexuelles. Les ambitions du Gouvernement étaient très élevées et des propositions fortes ont été promptement annoncées. Or, ces ambitions se sont rapidement heurtées à de nombreux obstacles juridiques, obligeant le Gouvernement à revoir sa copie à de multiples reprises, suscitant l’inquiétude d’associations de soutien aux victimes. Ainsi, l’adoption le 16 mai 2018 en première lecture par l’Assemblée nationale de l’article 2 du Projet de loi sur les violences sexistes et sexuelles avait entraîné de très nombreuses critiques [4]. Devant de telles réactions, le secrétariat d’Etat en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes avait été contraint de mettre en ligne un rappel du contenu des quatre articles qui composaient le texte de loi et avait adressé une note explicative aux rédactions des organes de presse [5]. Une tension s’est cristallisée autour du projet de loi et s’est poursuivie jusqu’à l’adoption définitive de la loi qui a été assortie d’une nouvelle salve de critiques [6] et de soutiens au dispositif législatif [7]. En présence d’une telle crispation entre les opposants et les tenants de la loi, une appréhension juridique de celle-ci s’avère opportune.

 

Au titre d’une analyse juridique de la loi, il est intéressant de s’interroger sur le fait de savoir si cette dernière va endiguer efficacement la criminalité endémique liée aux violences sexuelles. En effet, les violences sexuelles représentent un contentieux judiciaire massif contre lequel les dernières lois ont semblé impuissantes. Selon les chiffres d’Infostat, entre 2007 et 2016, il y a eu près de 69 000 condamnations pour violences sexuelles (entre 6 000 et 8 000 condamnations par an), entendues comme des condamnations pour des faits de viols, agressions sexuelles, atteintes sexuelles sur mineur et harcèlements sexuels [8]. Sur cette période, les viols représentent près d’une condamnation sur cinq, soit environ 13 000 condamnations [9]. Par conséquent, l’ampleur de ce contentieux judicaire, nécessairement sous-évalué puisqu’il ne concerne que les faits portés à la connaissance des autorités et ignore les violences sexuelles non dénoncées, oblige à penser la loi autour de cette problématique de son efficacité, entendue comme sa propension à favoriser une répression de ces actes sous les qualifications idoines et, partant, à éviter une correctionnalisation judiciaire du viol [10]. Cette finalité est d’ailleurs énoncée dans la circulaire d’application du 3 septembre 2018 [11] qui précise que la loi vise à «réprimer de façon plus efficace toutes les formes de violences sexuelles et sexistes, et spécialement celles dont les femmes et les enfants continuent d’être aujourd’hui trop fréquemment victimes». Le décor est planté, la loi du 3 août 2018 doit assurer une lutte «efficace» contre les violences sexuelles et sexistes. Diverses modifications de la législation pénale sont introduites à cette fin comme l’allongement de la prescription de l’action publique de vingt à trente ans pour les crimes sexuels commis sur les mineurs, la réécriture de l’incrimination des délits de harcèlement sexuel ou moral pour les étendre aux hypothèses de cyber-harcèlement (qualifié aussi de «raids numériques») ou encore la création d’un délit dit de «voyeurisme» au sein de l’article 226-3-1 du Code pénal [12]. Cette nouvelle incrimination s’explique puisque, jusqu’à présent, le fait de filmer ou photographier à son insu les parties intimes d’une victime dans une cabine d’essayage ou des toilettes publiques par exemple ne répondait à aucune qualification précise [13]. Il ne pouvait s’agir d’agression sexuelle, faute de contact physique, ni d’atteinte à la vie privée par captation d’images à caractère sexuel car les faits se déroulent dans un lieu public. La qualification retenue par les juridictions était souvent les violences volontaires par choc émotif dont on perçoit qu’elle n’est pas adaptée notamment si la personne ne s’est pas aperçue qu’elle était filmée et n’a donc pas subi de choc émotif [14].

 

Hormis ces modifications, la loi du 3 août 2018 propose une réponse pénale peu adéquate aux violences sexistes (I), des avancées dans la lutte contre les violences sexuelles (II) et une redéfinition maladroite du défaut de consentement (III).

 

I - Une réponse pénale inadéquate aux violences sexistes

 

L’article 15 de la loi du 3 août 2018 crée une nouvelle infraction sanctionnant l’outrage sexiste, qualifié également de harcèlement de rue dans le projet de loi présenté par le Gouvernement le 21 mars 2018 [15]. Dans l’étude d’impact relative au projet de loi en date du 19 mars 2018, il est précisé que cette incrimination vise à réprimer le sexisme ordinaire subi par les femmes dans l’espace public notamment dans les transports en commun [16]. Ce phénomène est décrit comme «des comportements verbaux (commentaires dégradants sur l’attitude vestimentaire ou l’apparence) ou d’attitudes non verbales (regards insistants, sifflement, poursuites dans la rue). Il emprunte tantôt à l’injure, tantôt au harcèlement, sans pour autant que ces qualifications pénales ne puissent nécessairement être retenues» [17]. La loi vise donc une sorte de «zone grise» des comportements sexistes qui ne relevaient auparavant d’aucune qualification pénale.

Désormais, l’article 621-1 du Code pénal (N° Lexbase : L6207LLH) définit l’outrage sexiste comme le fait «hors les cas prévus aux articles 222-13,222-32,222-33 et 222-33-2-2, d'imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante». Les critiques à l’encontre de ce nouvel article du Code pénal sont multiples [18]. D’abord, on peut déplorer l’absence de lisibilité, et donc de respect des exigences de la légalité criminelle, de la rédaction de l’incrimination. Le texte use de la technique du renvoi, afin d’éviter pour un même comportement des doublons d’incriminations [19], ce qui en rend l’application fort complexe. Il appartiendra au juge de vérifier qu’aucun des textes cités ne s’applique avant de pouvoir opter pour l’outrage sexiste. Ensuite, la démonstration de l’élément matériel de l’infraction risque de s’appuyer sur le ressenti de la victime. Comment établir par exemple qu’un comportement «porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant» sans avoir recours à la perception qu’a eu la victime de l’acte perpétré ? On rappellera que les actes visés ne doivent pas franchir les limites de l’injure ou de l’agression sexuelle mais être des actes tels que des sifflements dans la rue. L’appréciation de ces comportements comme porteurs d’atteinte à la dignité met la victime et son ressenti personnel au cœur du dispositif. L’incrimination repose donc sur une appréhension subjective de ses éléments constitutifs, ce qui est source d’insécurité juridique. En outre, une critique sur la mise en œuvre de la répression pénale peut être formulée. Comment cette infraction sera-t-elle sanctionnée ? Hormis hypothèse dans laquelle le comportement serait réalisé devant les forces de l’ordre, la preuve sera très difficile à rapporter ce qui risque d’entraîner, en cas de dépôt de plainte d’une victime, de nombreux classements sans suite.

Enfin, la dernière critique concerne non plus le texte en lui-même mais l’usage de la loi pénale par le Gouvernement. En effet, une interrogation subsiste quant à la valeur sociale protégée par le nouveau texte. Au regard de la rédaction de ce dernier, on peut penser que l’infraction d’outrage sexiste assure la protection de la dignité de la victime (le mot dignité figure d’ailleurs dans le texte), de la liberté sexuelle et encore de l’égalité entre les hommes et les femmes. Une autre piste serait peut-être, de façon plus pragmatique, de garantir la liberté de circulation des femmes dans l’espace public. La loi viserait à éviter que certains lieux dans lesquels les femmes sont confrontées à des comportements sexistes (comme par exemple les transports publics) ne soient plus désertés par celles-ci. La loi assurerait une réappropriation de l’espace public par les femmes.

Autant de valeurs sociales fortes et pourtant, la lecture du texte ne semble pas du tout en adéquation avec ces valeurs. Pour quelle raison ? Parce que l’outrage sexiste est sanctionné par une contravention de la 4ème classe. On défendrait la dignité, la liberté d’aller et venir par une simple contravention ? Ce serait dévaluer de telles valeurs sociales si une contravention de 4ème classe était la peine proportionnée à la gravité de l’atteinte subie par la victime.

En réalité, il est probable que la valeur sociale recherchée soit toute autre. L’étude d’impact du projet de loi [20] est d’ailleurs éclairante sur ce point. Dans le paragraphe 2.2 intitulé «objectifs poursuivis» par l’incrimination de l’outrage sexiste, le projet énonce, «Le harcèlement de rue se place d’une certaine façon dans une ‘zone grise’ en ce qu’il constitue un comportement socialement réprouvé sans relever nécessairement du droit pénal» (nous soulignons). L’étude admet que l’outrage sexiste n’est pas un comportement qui devrait relever du droit pénal mais qu’il est «socialement réprouvé». Le Gouvernement semble utiliser le droit pénal à des fins pédagogiques, dans le but de transmettre un message de prohibition des comportements sexistes à destination de la population. L’interdit pénal a valeur symbolique pour marquer la désapprobation sociétale envers les actes sexistes. Il s’agit presque d’éduquer la société en usant de l’interdit pénal afin que cet interdit soit marqué du sceau de l’impératif, de la fermeté. Le Gouvernement tente donc d’éduquer les citoyens par le biais de la loi pénale et cela explique alors le choix de la peine contraventionnelle. Si le législateur réprime les atteintes à la dignité, une contravention est trop faible, mais s’il est juste un pédagogue, la contravention se justifie.

On peut noter de surcroît que le législateur de 2018 a utilisé une technique étrange, à savoir la création par la loi d’une contravention dont la source habituelle est le pouvoir règlementaire [21]. Cette «contravention de nature légale» [22] trouve sa place dans le nouveau Livre VI du Code pénal qui regroupe deux contraventions crées par la loi : celle d’outrage sexiste mais aussi celle de la pénalisation des clients de personnes prostituées (C. pén., art. 611-1 N° Lexbase : L6968K79). Les deux seules contraventions d’origine légale dans le Code pénal sont deux textes qui semblent assez proches dans leur finalité : faire œuvre de pédagogie envers les citoyens. Démarche pédagogique renforcée par les créations de peines complémentaires de stages de sensibilisation aux réalités de la prostitution pour la contravention de recours à la prostitution et de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes pour l’outrage sexiste (C. pén., art. 621-1, IV, 1°).

La création de l’infraction d’outrage sexiste interroge sur l’usage du droit pénal par le législateur. Certes, «incriminer peut avoir une fonction essentiellement symbolique» [23] et avec la loi du 3 août 2018, le législateur use de la loi pénale pour rappeler aux citoyens son attachement à certaines valeurs.

 

II - Des avancées dans la lutte contre les violences sexuelles

 

La loi du 3 août 2018 porte deux avancées utiles dans la lutte contre les violences sexuelles, l’une relative à la surqualification d’inceste et l’autre relative à l’incrimination de viol.

En premier lieu, l’article 2 de la loi du 3 août 2018 supprime la référence à la minorité de la victime en cas d’inceste. Cela met fin à une véritable incongruité juridique relative à l’inceste. En effet, lors de la loi du 8 février 2010 [24] qui avait inscrit l’inceste dans le Code pénal, le législateur avait limité l’application de la qualification d’inceste aux seules victimes mineures. Une victime majeure d’une agression sexuelle commise par un membre de sa famille se voyait privée de la qualité de victime d’acte incestueux du seul fait de sa majorité. Or, l’inceste suppose un lien familial entre la victime et l’auteur, l’âge de la victime lors des faits n’ayant aucune importance. Cette exclusion des victimes majeures avait été maintenue dans la loi du 14 mars 2016 [25] adoptée après abrogation du texte de 2010 sur l’inceste par deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) du 16 décembre 2011 et du 17 février 2012 [26]. La loi du 3 août 2018 met enfin un terme à cette situation injuste en supprimant à la fin de l’intitulé du paragraphe 3 de la section 3, les mots «commis sur les mineurs».

Ainsi, faute de mention spécifique sur la minorité de la victime, l’article 222-31-1 du Code pénal (N° Lexbase : L6216LLS) pourra s’appliquer à toutes les victimes d’inceste sans distinction d’âge [27]. La circulaire d’application du 3 septembre 2018 [28] précise en outre que cette modification est immédiatement applicable, y compris aux faits commis avant son entrée en vigueur, dès lors qu’il ne s’agit que d’une surqualification juridique sans conséquence sur la peine encourue. Cette affirmation peut être discutée car la surqualification d’inceste, par son caractère stigmatisant, est perçue comme une qualification plus sévère que la qualification de viol aggravé qui ne véhicule pas le même rejet dans la population. Juridiquement la loi n’est donc pas plus sévère car la peine encourue reste inchangée, mais symboliquement la surqualification n’est pas neutre.

En second lieu, l’article 2 de la loi du 3 août 2018 propose une extension de l’incrimination du viol. En effet, l’article 222-23 du Code pénal (N° Lexbase : L6217LLT) définit désormais le viol comme «Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol» (nous soulignons). Le législateur a étendu la définition du viol pour inclure des actes de pénétration commis sur l’auteur par la victime, par exemple quand un mineur est contraint de subir une fellation faite par l’auteur. Dans une telle hypothèse, c’est l’auteur de la contrainte qui est pénétré. Or, la jurisprudence refusait d’appliquer le viol dans cette hypothèse en interprétant strictement le viol comme l’acte de pénétration d’autrui [29]. Pourtant, l’extension du viol à tous les cas de pénétrations sexuelles non consenties est pertinente.

En effet, la valeur sociale protégée par le viol est la liberté sexuelle, la liberté de consentir à un acte de pénétration sexuelle. Cette liberté est bafouée que la victime dénuée de consentement soit pénétrée ou pénètre un tiers. La nouvelle rédaction permet par conséquent d’élargir le champ d’application du viol à toute pénétration non consentie tout en respectant la ratio legis de l’incrimination.

 

III - Une redéfinition maladroite du défaut de consentement

 

Le défaut de consentement commun aux agressions sexuelles est défini à l’article 222-22 du Code pénal (N° Lexbase : L7222IMG) comme : «toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise». Le constat qui s’impose en jurisprudence depuis de nombreuses années est que la contrainte morale et la surprise sont des modalités de défaut de consentement qui soulèvent de réels problèmes probatoires, problèmes encore accrus quand la victime est mineure [30]. La violence physique et la menace sont plus aisément démontrées.

Pour comprendre le dispositif résultant de la loi du 3 août 2018, il convient de repartir de la réforme précédente, celle de la loi du 8 février 2010 qui avait rédigé une nouvelle définition de la contrainte morale imposée aux victimes mineures [31]. L’article 222-22-1 du Code pénal (N° Lexbase : L6218LLU), dans sa version de 2010, exposait que «La contrainte prévue par le premier alinéa de l'article 222-22 peut être physique ou morale. La contrainte morale peut résulter de la différence d'âge existant entre une victime mineure et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime». Ce texte instaurait donc deux critères cumulatifs pour établir la contrainte morale, une différence d’âge et l’exercice d’une autorité de droit ou de fait sur la victime. Or, ces deux critères de la contrainte morale ne manquaient pas de soulever des critiques. Le critère d’un écart d’âge entre la victime et l’auteur des faits n’apparaissait pas convaincant faute de savoir quelle différence précise d’âge pouvait être un élément démontrant la contrainte. En outre, l’exigence d’une autorité de droit ou de fait comme critère de la contrainte morale provoquait une confusion entre l’élément constitutif du défaut de consentement et la circonstance aggravante de l’infraction de viol (C. pén., art. 222-24, 4° N° Lexbase : L6222LLZ). Dès lors, la reconnaissance de l’autorité de droit ou de fait sur la victime comme élément constitutif de la contrainte morale empêchait son usage au titre de la circonstance aggravante, puisqu’un même fait ne peut pas servir d’élément constitutif et de circonstance aggravante. La répression pénale risquait alors de s’en trouver affectée, ce qui peut surprendre au regard de la finalité de la loi de 2010 visant à renforcer la protection des mineurs.

En dépit de ces faiblesses, l’article 222-22-1 du Code pénal a été déclaré conforme à la Constitution par la une décision QPC du 6 février 2015 (Cons. const., décision n° 2014-448 QPC, du 6 février 2015 N° Lexbase : A9202NA3[32]. Le Conseil énonce que «la seconde phrase de l'article 222-22-1 du Code pénal a pour seul objet de désigner certaines circonstances de fait sur lesquelles la juridiction saisie peut se fonder pour apprécier si, en l'espèce, les agissements dénoncés ont été commis avec contrainte ; qu'elle n'a en conséquence pas pour objet de définir les éléments constitutifs de l'infraction» (cons. 7).  Ainsi, l’article 222-22-1 du Code pénal ne définirait pas l’élément constitutif de la contrainte morale des agressions sexuelles mais fournirait au juge des circonstances factuelles permettant de caractériser cette contrainte morale. Ces exemples factuels pouvant ou non être utilisés par le juge, puisque le texte précise bien «peut résulter». Le texte n’a donc aucune portée normative comme l’admet lui-même le Conseil constitutionnel et se contente d’être un «guide» à destination des juges [33]. Cette interprétation laisse dubitatif car la place dans le Code pénal du texte, au fronton de la section III relative aux agressions sexuelles et avant la description des différentes incriminations, traduisait au contraire la volonté législative de définir la contrainte morale pour toutes les agressions sexuelles.

Intervient ensuite le projet de loi à l’automne 2017. Rapidement, la piste d’une présomption de défaut de consentement pour les mineurs a été émise par le Gouvernement [34]. L’idée était séduisante, tout acte sexuel commis par un majeur sur un mineur en dessous d’un certain âge [35] entraînait une présomption de défaut de consentement et permettait au juge, déchargé du fardeau de la preuve du défaut de consentement, de retenir les qualifications de viol en cas de pénétration sexuelle ou d’agression sexuelle en l’absence d’acte de pénétration. Toutefois, cette présomption de non consentement est contraire aux exigences constitutionnelles et conventionnelles, comme l’a rappelé le Conseil d’Etat dans son avis du 15 mars 2018 [36]. Le Conseil d’état a donc formulé une proposition différente, celle d'ajouter à l’article 222-22-1 du Code pénal une disposition selon laquelle «lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise peuvent résulter de l’abus de l’ignorance de la victime ne disposant pas de la maturité ou du discernement nécessaire pour consentir à ces actes» (§ 27). Le Conseil d’Etat, respectant en cela la décision du Conseil constitutionnel de 2015, se contentait de proposer de nouveaux éléments factuels pour aider le juge à caractériser la contrainte ou la surprise, mais sans émettre une nouvelle définition. En effet, le Conseil d’Etat prend bien soin de ne pas soumettre une rédaction formulée de façon impérative mais de reprendre la formule «peuvent résulter» pour éviter une inconstitutionnalité puisque la minorité de 15 ans et la vulnérabilité sont des circonstances aggravantes du viol (C. pén., art. 222-24).

Or, la proposition du Conseil d’Etat ne sera que partiellement reprise par le législateur en 2018. La nouvelle version de l’article 222-22-1 du Code pénal dispose dorénavant que : «La contrainte prévue par le premier alinéa de l'article 222-22 peut être physique ou morale.

Lorsque les faits sont commis sur la personne d'un mineur, la contrainte morale mentionnée au premier alinéa du présent article ou la surprise mentionnée au premier alinéa de l'article 222-22 peuvent résulter de la différence d'âge existant entre la victime et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime, cette autorité de fait pouvant être caractérisée par une différence d'âge significative entre la victime mineure et l'auteur majeur.

Lorsque les faits sont commis sur la personne d'un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l'abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes».

Ce texte suscite plusieurs remarques. D’abord, le découpage en trois alinéas laisse perplexe. Le premier alinéa énonce que la contrainte peut être physique ou morale pour ensuite ne plus s’attacher qu’à définir la contrainte morale. Exit la contrainte physique alors que celle-ci aurait mérité une définition pour tenter de la distinguer de la violence physique dont elle est proche. La structure du texte est complexe également car l’alinéa 2 concerne tous les mineurs et l’alinéa 3 seulement ceux de 15 ans. Mais, est-ce à dire que les mineurs de 15 ans sont à présent soumis à l’application cumulée des alinéas 2 et 3 ou seulement du troisième ? La première hypothèse serait alors un alourdissement de la preuve pour le juge et donc contraire à la protection des mineurs.

Ensuite, la seconde remarque concerne l’usage du présent «sont caractérisées». L’emploi de ce verbe au lieu de «peuvent», comme à l’alinéa 2 et comme le suggérait le Conseil d’Etat, crée une indication positive pour le juge. Peut-on imaginer que dès lors que le juge aura prouvé l’abus de vulnérabilité du mineur de 15 ans la contrainte sera automatiquement établie ? On pourrait presque être tenté de considérer que de façon indirecte le législateur a instauré une forme de présomption de défaut de consentement du mineur de quinze ans. La seule preuve de l’abus de vulnérabilité permettant au juge d’en déduire l’existence d’une contrainte morale ou d’une surprise et le déchargeant de facto du fardeau de la preuve de cet élément constitutif du viol. L’application qu’en feront les juges à l’avenir sera déterminante.

Enfin, la nouvelle rédaction de l’article 222-22-1 du Code pénal encourt un risque de contrariété avec les exigences constitutionnelles. Le Conseil d’Etat, dans son avis du 15 mars 2018, avait en effet souligné que : «le Conseil constitutionnel n’a écarté le grief d’atteinte au principe de légalité des délits et des peines qu’en considérant que cette précision avait ‘pour seul objet de désigner certaines circonstances de fait sur lesquelles la juridiction saisie peut se fonder pour apprécier si, en l’espèce, les agissements dénoncés ont été commis avec contrainte’. Il se déduit a contrario de sa décision qu’une disposition prévoyant ‘qu’un des éléments constitutifs du viol ou de l’agression sexuelle est, dans le même temps, une circonstance aggravante de ces infractions’ serait contraire au principe de légalité des délits et des peines» (§ 25). Or, l’emploi du verbe «sont caractérisées» reflète une volonté législative d’imposer une définition des éléments constitutifs du viol et non plus d’être un simple guide à usage des juges comme lors de la loi de 2010. Cette définition légale de la contrainte morale repose sur l’usage de la circonstance de la minorité de quinze ans et de l’abus de faiblesse, circonstances aggravantes du viol et des agressions sexuelles (articles 222-24, 222-29 N° Lexbase : L6226LL8 et 222-29-1 N° Lexbase : L6284IXZ du Code pénal). Il y a donc un cumul entre les éléments constitutifs et les circonstances aggravantes et partant un risque d’inconstitutionnalité.

Mais, ce n’est pas le seul motif d’inquiétude concernant la protection pénale des mineurs victimes d’agressions sexuelles. En effet, la loi du 3 août 2018 a également prévu, dans son article 2, une augmentation de la peine encourue pour le délit d’atteinte sexuelle, prévu à l’article 227-25 du Code pénal (N° Lexbase : L6215LLR). Ce texte sanctionne le fait pour un majeur d’exercer une atteinte sexuelle sur un mineur de 15 ans. La peine était auparavant de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, elle passe à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende. Pourquoi une telle augmentation de la sanction pénale suscite-t-elle de la méfiance voire une franche inquiétude ? Pour répondre à cette interrogation, il faut rappeler que l’article 227-25 du Code pénal ne figure pas parmi les agressions sexuelles mais dans le chapitre relatif aux atteintes aux mineurs et à la famille, dans la section «mise en péril des mineurs». Ainsi, l’atteinte sexuelle ne punit pas une atteinte à la liberté sexuelle mais une atteinte à une autre valeur sociale qui est la morale publique. Il s’agit de sanctionner un majeur qui entretient des relations sexuelles avec un mineur de 15 ans dans l’hypothèse où ce mineur est consentant (s’il n’était pas consentant ce serait alors du viol). Le texte consacre un interdit moral, une atteinte aux mœurs [37].

Or, cette qualification est dévoyée puisqu’elle est fréquemment utilisée par les juges comme mode de correctionnalisation des agressions sexuelles lorsque le défaut de consentement du mineur n’est pas clairement établi. Le législateur a pleinement conscience de cette dérive de correctionnalisation, puisqu’il a augmenté les peines encourues du chef d’atteinte sexuelle dans la loi du 3 août 2018. Une telle peine de 7 ans d’emprisonnement ne peut pas être celle de la prohibition d’un interdit moral, ce serait une peine excessive pour des partenaires consentants. La peine correspond à une volonté d’accroître la répression en cas de correctionnalisation d’un viol. Cette analyse de l’augmentation de la peine de l’atteinte sexuelle pour amoindrir les effets de la correctionnalisation des viols est confortée par plusieurs indices issus de la loi et de sa circulaire d’application. La loi du 3 août 2018 prévoit dans un unique article 2 d’une part, l’augmentation de la peine de l’atteinte sexuelle et d’autre part, la modification de l’article 351 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6214LLQ) qui prévoit dorénavant en son alinéa 2 que : «Lorsque l’accusé majeur est mis en accusation du chef de viol aggravé par la minorité de quinze ans de la victime, le président pose la question subsidiaire de la qualification d’atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans si l’existence de violences, d’une contrainte, menace ou surprise a été contestée au cours des débats». Le même article envisage donc un renforcement des peines de l’atteinte sexuelle et l’obligation pour le président de la Cour d’assises de soulever cette qualification délictuelle si le défaut de consentement a été contesté durant l’audience. Le lien est patent : la qualification d’atteinte sexuelle est la qualification fondement de la correctionnalisation des viols commis sur les mineurs, ce qui explique sa sévérité renforcée.

En outre, la circulaire d’application [38] précise que le délit d’atteinte sexuelle a été partiellement réécrit puisqu’il ne dispose plus que le délit est constitué lorsque l’atteinte est exercée «sans violence, contrainte, menace ou surprise» mais qu’il est réalisé «hors le cas de viol ou de toute agression sexuelle». Selon la circulaire : «cette nouvelle rédaction ne modifie aucunement sur le fond les éléments constitutifs du délit, mais elle évite de donner l’impression que ces faits impliquent nécessairement une forme de consentement du mineur». Cette précision est pour le moins étonnante puisque justement l’atteinte sexuelle réprime l’acte sexuel consenti entre le mineur de quinze ans et le majeur, en cas de relation sexuelle non consentie, seules les qualifications d’agression sexuelle devraient être applicables. La circulaire expose en réalité que l’atteinte sexuelle va être utilisée comme qualification de correctionnalisation des viols dans des hypothèses dans lesquelles le défaut de consentement du mineur semble crédible mais n’a pas pu être prouvé. La loi du 3 août 2018 conforte donc le processus de correctionnalisation judiciaire en incitant la Cour d’assises à poser la question de l’atteinte sexuelle en cas de débat sur le défaut de consentement, en augmentant la peine pour que la gravité de l’infraction réellement commise soit prise en considération et en soulignant que ce délit n’implique pas un plein consentement du mineur.

La nouvelle définition du défaut de consentement des mineurs devait favoriser la lutte contre les crimes sexuels en facilitant la démonstration de cet élément constitutif. Or, la loi conforte la correctionnalisation judiciaire sur le fondement de l’atteinte sexuelle ce qui laisse penser que le législateur n’a pas pleine confiance dans sa réforme de l’article 222-22-1 du Code pénal et anticipe le recours à l’atteinte sexuelle. Si le législateur lui-même doute de son texte, peut-être est-ce le signe que les réformes relatives aux incriminations d’agressions sexuelles ne sont pas encore achevées. Une réforme en profondeur de la définition des quatre modalités du défaut de consentement, pour les majeurs et les mineurs, reste donc à construire.

 

 

[1] Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, JORF n° 0179 du 5 août 2018, Texte n° 7. V. Tellier-Cayrol, Loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, AJ Pénal, 2018.400 ; Ph. Bonfils, Entre continuité et rupture : la loi du 3 août 2018 sur les violences sexuelles et sexistes, JCP éd. G, n° 39, 24 Septembre 2018, 975.

[2] CNCDH, Déclaration sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, Assemblée plénière du 19 juin 2018 (adoption à l'unanimité), JORF n° 0150 du 1 juillet 2018 
texte n° 25. Paragraphe 2 : «La CNCDH déplore une nouvelle fois, d'une part, que, comme trop souvent, le Gouvernement ait déposé un projet de loi dans un contexte émotionnel et, d'autre part, qu'il ait engagé la procédure accélérée dans une matière aussi sensible pour les droits et libertés. Cette procédure restreint considérablement le temps de réflexion et de maturation nécessaire au débat démocratique. La CNCDH est consternée par les approximations notamment juridiques que ce projet de loi recèle. Par ailleurs, elle s'inquiète des confusions que suscite ce dernier dans l'opinion publique. Enfin, elle regrette l'incohérence d'un texte mêlant des sujets fort différents».

[3] Pontoise, Melun, il est temps d’affirmer qu’un enfant de 11 ans ne consent pas librement à des relations sexuelles !, J.-P. Rosenczveig, blog, 12 novembre 2017.

[4] Communiqué de presse du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 14 mai 2018, Examen du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes : le HCE appelle à revoir l’article 2 ; Projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes : NON à l’article 2 !, Les effronté·es, le 14 mai 2018, #LeViolestUnCrime : retirez l'article 2 !, La Marche mondiale des femmes, le 14 mai 2018 ; Projet de loi renforçant la protection des mineur.es contre les violences sexuelles, Planning familial, le 15 mai 2018 ; Après l'article 2, l'article 4. La déqualification continue, Le Groupe F, le 16 mai 2018, etc. La pétition «Le viol est un crime, pas un délit» atteignait, elle, les 50 000 signataires en quelques heures.

[5] Note aux rédactions- Au-delà de la désinformation, le projet de loi est un des piliers d’un arsenal inédit pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, site du Secrétariat d’Etat en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes.

[6] Tribune : Loi Schiappa, la protection de l’enfance en berne, JDD du 19 août 2018.

[7] Tribune : 84 députés et sénateurs En Marche soutiennent la loi Schiappa contre les violences sexuelles, JDD du 26 août 2018.

[8] Infostat Justice, numéro 164, septembre 2018, Les condamnations pour violences sexuelles, p. 1.

[9] Infostat Justice, art. préc., p. 1.

[10] Les viols dans la chaîne pénale, HAL ; S. Grunvald, La correctionnalisation de l’infraction de viol dans la chaîne pénale, AJ Pénal, 2017, 269 ; S. Lavric, C. Ménabé et M. Peltier-Henry, Enjeux et perspectives de la correctionnalisation judiciaire, AJ Pénal, 2018. 188.

[11]  Circ. min., NOR: JUSD1823892C, du 3 septembre 2018, Présentation de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (N° Lexbase : L4567LM4), p. 3.

[12] Article 226-3-1 du Code pénal (N° Lexbase : L6208LLI) : «Le fait d'user de tout moyen afin d'apercevoir les parties intimes d'une personne que celle-ci, du fait de son habillement ou de sa présence dans un lieu clos, a caché à la vue des tiers, lorsqu'il est commis à l'insu ou sans le consentement de la personne, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende».

[13] Circulaire d’application préc., p. 8.

[14] Circulaire d’application préc., p. 8.

[15] Projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes n° 778, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 mars 2018.

[16] Etude d’impact du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, 19 mars 2018, p. 43.

[17] Etude d’impact préc., p. 43.

[18] V. Tellier-Cayrol, Réflexions sur la contravention d’outrage sexiste, Dalloz Actualité, 14 mai 2018 ; V. Tellier-Cayrol, Non à l’outrage sexiste !, D., 2018, 425 ; Ph. Conte, Le tocsin de la loi, Dr. Pénal, n° 2, février 2018. Repère 2 ; M.-L. Rassat, Harcèlement de rue - De la création d’un «outrage sexiste et sexuel», Dr. Pénal, n° 4, avr. 2018. Etude 7.

[19] V. Malabat, Les infractions inutiles. Plaidoyer pour une production raisonnée du droit pénal, in La réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale, opinio doctorum, sous la direction de V. Malabat, B. de Lamy et M. Giacopelli, Dalloz, 2009, p. 71 et spéc. p. 76.

[20] Etude d’impact préc., p. 49.

[21] Lors de son audition devant la commission des lois, le 11 juin 2018, Nicole Belloubet, garde des Sceaux, en réponse au président de la commission des lois qui faisait valoir le caractère réglementaire de ces mesures, a observé que le projet de loi créait une nouvelle peine, l'obligation de suivre un stage de lutte contre le sexisme, et qu'à ce titre l'intervention du législateur était nécessaire. 

[22] A. Casado, Prostitution - Brèves remarques à la lecture de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, Droit pénal n° 6, juin 2016, étude 12, § 7 et 8 : «Cette infraction semble donc être une contravention de nature légale. Il s'agit là d'un oxymore juridique au sens de l'article 111-2 du Code pénal ;  la loi détermine les crimes et délits... le règlement détermine les contraventions’».

[23] P. Lascoumes, P. Poncela, P. Lenoel, Au nom de l’ordre, une histoire politique du Code pénal, Hachette, 1989, p. 12.

[24] Loi n° 2010-121 du 8 février 2010 tendant à inscrire l’inceste commis sur les mineurs dans le Code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d’actes incestueux (N° Lexbase : L5319IG4), JO 9 février 2010, p. 2265. A. Lepage, Réflexions sur l’inscription de l’inceste dans le Code pénal par la loi du 8 février 2010, JCP éd. G, 2010. Doctr. 335 ; O. Baldes, Le retour de l’inceste dans le Code pénal : pourquoi faire ?, Dr.pénal, 2010, Etude 7 ; S. Detraz, L’inceste, l’inconnu du droit positif, Gaz. Pal., 2010, Etude 10765.

[25] Loi n° 2016-297 du 14 mars 2016, relative à la protection de l’enfance (N° Lexbase : L0090K7H), JO du 15 mars 2016, texte n° 1. A. Lepage, Le retour de la qualification d'incestueux dans le Code pénal : une cote toujours mal taillée, Dr. Pénal, mai 2016, Etude 11. ; L. Pelletier, La réintroduction de l’inceste dans le Code pénal : de précisions en interrogations, Gaz. Pal., 2016, n° 19.

[26] Cons. const., décision n° 2011-163 QPC, du 16 septembre 2011 (N° Lexbase : A7447HX4) (à propos de l’article 222-31-1) et  Cons. const., décision n° 2011-222 QPC, du 17 février 2012 (N° Lexbase : A9099MWW) (à propos de l’article 227-27-2).

[27] Il en ira de même pour l’article 227-27-2-1 du Code pénal (N° Lexbase : L0204K7P) qui définit l’inceste en cas d’atteinte sexuelle, modifié par l’article 2, II bis du projet de loi.

[28] Circ. min., NOR: JUSD1823892C, du 3 septembre 2018, Présentation de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, p. 5.

[29] Cass. crim., 21 octobre 1998, n° 98-83.843 (N° Lexbase : A5291ACX) ; D., 1999. 75, note Y. Mayaud ; JCP éd. G, 1998. II. 10215, note D. Mayer et 1999. I. 112, n° 4, obs. M. Véron. Par la suite, la Cour de cassation a confirmé cette analyse en requalifiant des actes de fellation accomplis sur la victime en délit d’agression sexuelle, rappelant que le viol exige que l’acte de pénétration sexuelle soit réalisé sur la victime par l’auteur des faits (Cass. crim., 22 août 2001, n° 01-84.024 N° Lexbase : A1101AWP, D., 2002. Somm. 1803, obs. Gozzi ; Gaz. Pal., 2002. 2. Somm. 1099, obs. Y. Monnet).

[30] R. Koering-Joulin, Brèves remarques sur le défaut de consentement du mineur de quinze ans victime de viols ou d’agressions sexuelles, in Mélanges offerts à Jean Pradel, Le droit pénal à l’aube du troisième millénaire, Cujas, 2006, p. 390.

[31] En 2010 comme en 2018, on peut regretter que la loi n’ait appréhendé les difficultés à définir la contrainte et la surprise à l’aune du seul mineur victime. La réflexion gouvernementale à l’automne 2017, notamment en raison des deux faits divers de Melun et Pontoise qui ont défrayé la chronique, s’est concentrée sur la preuve du défaut de consentement lorsque la victime est mineure. Or, cette preuve est également très difficile pour les victimes majeures et il est dommage qu’elles n’aient pas été intégrées à la réflexion et que le texte nouveau ne les concerne pas.

[32] E. Dreyer, Un contrôle si faible contrôle de constitutionnalité..., AJ Pénal, mai 2015, n° 5, 248-250 ; Y. Mayaud, Rebondissement sur la structure matérielle des infractions sexuelles, RSC, 2015.86-88 ; S. Detraz,  L'article 222-22-1, in fine, du Code pénal à la lumière de la jurisprudence, Dr. pénal, décembre 2015, n° 12, p. 6-9 ; J.-B. Perrier,  La contrainte dans l'agression sexuelle : La confusion face au Conseil ou la confusion du Conseil, Revue française de droit constitutionnel, juillet-septembre 2015, n° 103, p. 705-708.

[33] Y. Mayaud, art. préc..

[34] Nicole Belloubet, garde des Sceaux, et Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, préparent un projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, Gouvernement.fr, 14 novembre 2017. «Parmi les pistes de travail actuellement étudiées : […] la création d’un seuil d’âge en-dessous duquel le consentement ne pourrait en aucun cas être présumé. Tout enfant en-dessous d’un certain âge serait d’office considéré comme violé ou agressé sexuellement (l'Espagne, l'Angleterre, le Danemark, la Belgique, l'Autriche, l'Italie, les États-Unis sont les pays qui, notamment, ont inscrit cette disposition dans la loi)». 

[35] C. Dubois, M. Bouchet, Réflexion sur les seuils d’âge en droit pénal de fond, D., 2018.1268.

[36] Avis sur un projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes commises contre les mineurs et les majeurs, Conseil d’Etat du 15 mars 2018, «Une telle présomption aurait été très difficilement compatible avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, en dehors du champ contraventionnel, lorsque les faits peuvent raisonnablement induire la vraisemblance de l’imputabilité (c’est le cas, par exemple, des infractions au code de la route relevant de cette catégorie), n’admet qu’’à titre exceptionnel’ l’existence d’une présomption de culpabilité en matière répressive. Pour que celle-ci soit jugée constitutionnelle, il faut, d’une part, qu’elle ne revête pas de caractère irréfragable et, d’autre part, qu’elle assure le respect des droits de la défense, c’est-à-dire permette au mis en cause de rapporter la preuve contraire. Ces exigences sont d’autant plus fortes lorsque la présomption est instituée pour un crime (décisions du Conseil constitutionnel n° 99-411 DC du 16 juin 1999, n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, n° 2011-164 QPC du 16 septembre 2011). La même présomption, s’agissant d’un crime, aurait aussi très certainement excédé ‘les limites raisonnables’ dans lesquelles la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales enserre les présomptions de droit ou de fait en matière pénale, compte tenu de la gravité de l’enjeu et de la difficulté en pratique pour le mis en cause de se défendre (CEDH, 7 octobre 1988, Req. 10519/83, S. c/ France N° Lexbase : A5322PAD)», § 22.

[37] V. Malabat, Droit pénal spécial, 8ème éd., Dalloz, Hypercours, 2018, n° 362, p.194 ; E. Dreyer, Droit pénal spécial, 3ème éd., Ellipses, 2016, n° 294, p. 138 : pour l’auteur l’infraction sanctionne l’absence de légitimité du lien entre le majeur et le mineur. «Un tel lien choque au point d’appeler une réprobation sociale».

[38] Circulaire d’application préc., p. 6, n° 3.2.

 

* Cette intervention est issue de la formation réalisée le 1er octobre 2018 à Aix-en-Provence, coorganisée par l’ISPEC et l’Ecole des avocats du Sud-Est, à laquelle participaient également Alain Molla, avocat honoraire du barreau de Marseille et Pascale Giravalli, psychiatre des hôpitaux.

L’intervention est également à retrouver en podcast sur Lexradio.fr

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