Le Quotidien du 8 octobre 2018 : Filiation

[Brèves] GPA et réexamen des affaires «Mennesson» et «Foulon et Bouvet» : l’Assemblée plénière demande l’avis de la CEDH, concernant la transcription de la filiation à l’égard de la «mère d’intention»

Réf. : Ass. Plén., 5 octobre 2018, 2 arrêts, n° 10-19.053 (N° Lexbase : A8390X8A) et n° 12-30.138 (N° Lexbase : A8073YAA), P+B+R+I

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N5838BXI

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[Brèves] GPA et réexamen des affaires «Mennesson» et «Foulon et Bouvet» : l’Assemblée plénière demande l’avis de la CEDH, concernant la transcription de la filiation à l’égard de la «mère d’intention». Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/48178891-breves-gpa-et-reexamen-des-affaires-mennesson-et-foulon-et-bouvet-lassemblee-pleniere-demande-lavis-
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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 11 Octobre 2018

► L’existence d’une convention de GPA ne fait pas en soi obstacle à la transcription de l’acte de naissance établi à l’étranger, dès lors qu’il n’est ni irrégulier ni falsifié et que les faits qui y sont déclarés correspondent à la réalité biologique ;

► quant à la transcription d’un acte de naissance en ce qu’il désigne la “mère d’intention”, indépendamment de toute réalité biologique, la Cour de cassation adresse à la CEDH une demande d’avis consultatif.

 

C’est ainsi que s’est prononcée l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, à travers ses deux décisions rendues 5 octobre 2018 (Ass. Plén., 5 octobre 2018, 2 arrêts, n° 10-19.053 N° Lexbase : A8390X8A et n° 12-30.138 N° Lexbase : A8073YAA, P+B+R+I).

 

  • Contexte de la décision

 

Pour rappel, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation était ici saisie, par la Cour de réexamen des décisions civiles, de deux demandes de réexamen de pourvois en cassation posant la question de la transcription d’actes de naissance établis à l’étranger pour des enfants nés de mères porteuses à la suite de la conclusion avérée ou suspectée d’une convention de GPA (Cass. réexamen, 16 février 2018, deux arrêts, n° 17 RDH 001 N° Lexbase : A7746XDA et n° 17 RDH 002 N° Lexbase : A7747XDB ; lire le commentaire d’Adeline Gouttenoire, Les premières décisions de réexamen en matière civile rendues en matière de GPA, Lexbase, éd. priv., n° 734, 2018 N° Lexbase : N3123BXX).

 

A l’origine, ces pourvois avaient donné lieu à deux arrêts de la Cour de cassation refusant la transcription des actes de naissance établis à l’étranger au motif que toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle en vertu de l’article 16-7 du Code civil (N° Lexbase : L1695ABE) et que l’acte étranger est en contrariété avec la conception française de l’ordre public international (Cass. civ. 1, 6 avril 2011, n° 10-19.053, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A5707HMC et Cass. civ. 1, 13 septembre 2013, n° 12-30.138, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A1633KL3).

 

Dans ces deux affaires, la Cour européenne des droits de l’Homme a alors condamné la France pour violation de l’article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR) (CEDH, 5ème sect., 26 juin 2014, Req. 65192/11 N° Lexbase : A8551MR7 ; et CEDH, 21 juillet 2016, Req. 9063/14 N° Lexbase : A6741RXX ; à propos desquelles, lire notamment les observations d'Adeline Gouttenoire, Lexbase, éd. priv., n° 708, 2017 N° Lexbase : N9619BW8). Elle a considéré que le refus de transcription de l’acte de naissance de ces enfants nés d’un processus de GPA affectait significativement le droit au respect de leur vie privée et posait une question grave de compatibilité de cette situation avec l’intérêt supérieur de l’enfant. La Cour a estimé que cette analyse prenait un relief particulier lorsque l’un des parents d’intention était également le géniteur de l’enfant. Elle en a déduit qu’en faisant obstacle tant à la reconnaissance qu’à l’établissement en droit interne de leur lien de filiation à l’égard de leur père biologique, l’Etat était allé au-delà de ce que lui permettait sa marge d’appréciation.

 

  • Décision de l’Assemblée plénière

 

1. L’existence d’une convention de GPA ne fait pas nécessairement obstacle à la transcription de l’acte de naissance établi à l’étranger dès lors qu’il n’est ni irrégulier ni falsifié et que les faits qui y sont déclarés correspondent à la réalité biologique.

Comme elle l’indique dans sa note explicative, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation confirme donc l’évolution de sa jurisprudence, tirant les conséquences de la position de la Cour européenne, marquée par les arrêts rendus en Assemblée plénière le 3 juillet 2015 (n° 14-21.323 N° Lexbase : A4482NMX et 15-50.002 N° Lexbase : A4483NMY ; lire également, Adeline Gouttenoire, Lexbase, éd. priv., n° 620, 2015 N° Lexbase : N8350BUS).

 

2. Interrogée, au surplus, sur la nécessité, au regard de l’article 8 de la Convention d’une transcription des actes de naissance en ce qu’ils désignent la “mère d’intention”, indépendamment de toute réalité biologique, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a estimé que l’étendue de la marge d’appréciation dont disposent les Etats parties à cet égard demeure incertaine au regard de la jurisprudence de la Cour européenne. Elle a décidé de surseoir à statuer sur les mérites du pourvoi et d’adresser, au terme d’une motivation développée, à la Cour européenne des droits de l’Homme, une demande d’avis consultatif. 

 

Comme l’indique, là encore, la Cour de cassation dans sa note explicative, il s’agit de la première application, par la Haute juridiction, du Protocole n° 16 à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L9342LIT), entré en vigueur le 1er août 2018.  La Cour suprême s’inscrit ainsi pleinement dans la démarche de dialogue des juges institutionnalisés entre la Cour européenne des droits de l’Homme et les juridictions nationales, objectif premier de ce Protocole  (cf. l’Ouvrage "La filiation" [lXB=E4415EY8]).

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