La lettre juridique n°446 du 30 juin 2011 : Avocats/Champ de compétence

[Le point sur...] La convention de procédure participative, nouveau mode alternatif de résolution des litiges

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par Xavier Berjot, avocat associé Ocean Avocats

le 27 Mars 2014

La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010, relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires (N° Lexbase : L9762INU), a instauré la convention de procédure participative, qui constituait l'une des propositions de la Commission "Guinchard" (1). La procédure participative, prévue par l'article 37 de la loi susvisée, entrera en vigueur dans les conditions fixées par le décret modifiant le Code de procédure civile nécessaire à son application et au plus tard le 1er septembre 2011. Ce nouveau dispositif, codifié aux articles 2062 (N° Lexbase : L9826INA) et suivants du Code civil, s'analyse en un véritable mode alternatif de résolution des litiges, formalisé par une convention signée entre les parties, obligatoirement assistées de leurs avocats. I - Champ d'application de la procédure participative

Selon les dispositions de l'article 2062 du Code civil, "la convention de procédure participative est une convention par laquelle les parties à un différend qui n'a pas encore donné lieu à la saisine d'un juge ou d'un arbitre s'engagent à oeuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend. Cette convention est conclue pour une durée déterminée".

Si l'article 2062 du Code civil est rédigé en des termes généraux, la loi a néanmoins exclu certaines matières du champ de la procédure participative.

Il résulte ainsi de l'article 2064 du Code civil (N° Lexbase : L9824IN8) que la convention de procédure participative doit porter sur les droits dont la personne a la libre disposition.

Cette convention ne saurait donc régler, par exemple, les litiges relatifs à l'autorité parentale et, plus largement, tous ceux ayant trait à l'état et la capacité des personnes.

Par exception, l'article 2067 du Code civil (N° Lexbase : L9821IN3) prévoit qu'une convention de procédure participative peut être conclue par des époux en vue de rechercher une solution consensuelle en matière de divorce ou de séparation de corps.

Par ailleurs, la convention de procédure participative est réservée aux litiges civils et commerciaux, à l'exclusion de ceux qui surviennent à l'occasion des relations individuelles du travail.

L'article 2064, alinéa 2, du Code civil dispose ainsi qu'aucune convention "ne peut être conclue à l'effet de résoudre les différends qui s'élèvent à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du Code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient".

L'exclusion des litiges individuels du travail du champ de la procédure participative peut s'expliquer au moins à deux titres.

D'une part, les parties au procès prud'homal peuvent être assistées par d'autres personnes que les avocats (salariés ou employeurs appartenant à la même branche d'activité, délégués des organisations d'employeurs et de salariés, conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin).

Or, la procédure participative requiert nécessairement l'assistance d'un avocat.

D'autre part, la procédure prud'homale implique une audience de conciliation et la procédure participative semblait donc, d'une certaine manière, faire double emploi avec ce préalable obligatoire de conciliation.

II - Modalités de mise en oeuvre de la procédure participative

La convention de procédure participative est nécessairement à durée déterminée (C. civ., art. 2062) et doit être, à peine de nullité, contenue dans un écrit précisant :

- son terme ;

- l'objet du différend ;

- les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ;

- les modalités de l'échange de ces pièces et informations.

A la différence d'une transaction, la convention de procédure participative n'a pas pour objet de régler immédiatement un différend mais constitue plutôt une sorte d'accord de méthode, aux termes duquel les parties organisent les modalités de résolution amiable de leur différend.

Une des principales originalités du dispositif consiste dans le rôle confié par la loi aux avocats, lesquels disposent en la matière d'un monopole d'assistance des parties.

En ce sens, l'article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ), a été complété par un alinéa ainsi rédigé : "nul ne peut, s'il n'est avocat, assister une partie dans une procédure participative prévue par le Code civil".

Parallèlement, la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique (N° Lexbase : L8607BBE), a été modifiée, pour prévoir désormais que l'aide juridictionnelle peut être accordée pour tout ou partie de l'instance ainsi qu'en vue de parvenir, avant l'introduction de l'instance, à une transaction ou à un accord conclu dans le cadre d'une procédure participative prévue par le Code civil.

De même, les modalités de rétribution des auxiliaires de justice prévues par la loi du 10 juillet 1991 (article 39) en matière de transaction ont été élargies à la procédure participative.

III - Effets de la procédure participative

La signature d'une convention de procédure participative emporte des effets légaux, destinés tant à garantir l'application de la convention qu'à préserver les droits des parties.

Sur le premier point, l'article 2065 du Code civil (N° Lexbase : L9823IN7) dispose que "tant qu'elle est en cours, la convention de procédure participative rend irrecevable tout recours au juge pour qu'il statue sur le litige".

Cette disposition a pour objet de donner toute sa portée à la convention, en contraignant les parties, assistées de leurs avocats, à en assurer l'application.

Ce n'est qu'en cas d'inexécution de la convention par l'une des parties que l'autre pourra saisir le juge pour qu'il statue sur le litige (C. civ., art. 2065, al. 2).

Afin de limiter les incertitudes entourant la notion "d'inexécution de la convention", les parties auront intérêt à délimiter précisément l'objet et les obligations de la convention de procédure participative.

Sur le second point, la loi a prévu de modifier l'article 2238 du Code civil (N° Lexbase : L9827INB) relatif à la prescription, dont l'alinéa 1er a été complété par la phrase suivante : "la prescription est également suspendue à compter de la conclusion d'une convention de procédure participative".

Ainsi, en signant une convention de procédure participative, les parties ne courront pas le risque de se voir objecter la prescription, surtout si les négociations prennent du temps.

Précisons que le délai de prescription recommence à courir à compter du terme de la convention, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois (C. civ., art. 2238, al. 2 modifié).

Les droits des parties sont également préservés en ce que la signature de la convention ne fait pas obstacle, en cas d'urgence, à ce que des mesures provisoires ou conservatoires soient demandées par les parties (C. civ., art. 2065, al. 2).

Le législateur a donc souhaité conférer à la signature d'une convention de procédure participative des effets importants qui devraient assurer son efficacité.

Ce dispositif apparaît également plus souple que la médiation, telle que codifiée aux articles 131-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1435H4W), qui implique la désignation, par le juge saisi d'un différend, d'une tierce personne chargée d'entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose.

IV - Issue de la procédure participative

Il résulte de l'article 2066 du Code civil (N° Lexbase : L9822IN4) que les parties qui, au terme de la convention de procédure participative, parviendront à un accord réglant en tout ou partie leur différend pourront soumettre cet accord à l'homologation du juge.

La loi est muette sur les modalités de mise en oeuvre de l'homologation de la convention, laquelle n'est au demeurant que facultative.

Si les négociations échouent, il appartiendra aux parties, si elles le souhaitent, de saisir le juge pour voir trancher leur différend.

En ce cas, la loi a prévu que les parties soient dispensées de la phase de conciliation ou de médiation préalable applicable le cas échéant (C. civ., art. 2066, al. 2).

A défaut de précision contraire de la loi, il faut considérer que les avocats ayant assisté les parties lors de la procédure participative pourront toujours les assister ou les représenter devant le juge.

La procédure participative diffère en cela du droit collaboratif anglo-saxon, qui implique que les avocats se dessaisissent du dossier en cas d'échec des négociations.

En conclusion, le succès de la procédure participative dépendra pour beaucoup de l'impulsion que les avocats sauront lui communiquer. La pratique ne manquera pas, par ailleurs, de préciser le régime de ce nouveau dispositif, qui trouve toute sa place parmi les modes alternatifs de résolution des litiges.


(1) Commission sur la répartition des contentieux présidée par Serge Guinchard.

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