La lettre juridique n°446 du 30 juin 2011 : Fiscalité des entreprises

[Evénement] Vers une convergence fiscale européenne ?

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N2874BSA

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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

le 26 Janvier 2012

La Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP), en partenariat avec l'Observatoire européen de la fiscalité des entreprises (OEFE), le Cercle des européens, HEC Paris et La Tribune, a organisé, le jeudi 19 mai 2011, un petit déjeuner débat à l'occasion duquel les intervenants ont approfondi le thème suivant : "Vers une convergence fiscale européenne ?". Lors de cette rencontre, au cours de laquelle les participants ont interagi avec les six intervenants, a été, tout d'abord, abordé le mythe de l'Europe fiscale, puis a été présentée la sixième enquête sur la fiscalité auprès de chefs d'entreprises de dix pays de l'UE. Enfin, a été analysé le baromètre des prélèvements obligatoires des entreprises de l'OEFE. Etaient présents, des avocats, des directeurs fiscaux, des journalistes, des membres du Gouvernement, de fondations, et d'ambassade. Alors que tous les regards se tournent vers la fiscalité du patrimoine, les intervenants estiment que les 150 milliards d'euros de déficit en 2010 que la France tente de combler ne peuvent être obtenus par des petites réformes en fiscalité des particuliers, mais par une refonte de notre système fiscal, dans sa globalité. La fiscalité des entreprises rapporte près de 800 milliards, ce qui constitue, après la TVA, la recette la plus importante en matière d'impôt. De plus, l'Union européenne (UE) tente de rassembler ses Etats membres autour de règles communes, et commence à s'intéresser à la fiscalité directe, jusqu'ici effleurée par les instances européennes. La proposition de Directive sur l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) agite les esprits, et sera au coeur des discussions à Bruxelles dans les mois à venir. En France, le rapport de la Cour des comptes sur le rapprochement des fiscalités française et allemande a, lui aussi, fait débat (pour en savoir plus, lire France-Allemagne : comparaison des systèmes fiscaux - Questions à Franck Le Mentec, Avocat associé au sein du cabinet Cotty Vivant Marchisio & Lauzeral N° Lexbase : N7559BRE). Sur fond de campagne électorale, les professionnels de la fiscalité se posent la question de savoir si l'UE peut devenir un moteur de réforme de la fiscalité directe en France, et à quel prix.
  • L'Europe fiscale, un mythe ? par Mirko Hayat, Secrétaire général de l'OEFE, Professeur affilié à HEC

Mirko Hayat rappelle que dans l'UE, il y a vingt-sept Etats membres, et autant de régimes fiscaux différents. La conséquence est la suivante : la complexité qui ressort de cette pluralité de normes crée une opacité qui peut effrayer les entreprises, et notamment celles qui ne disposent pas d'experts en la matière. En effet, lorsqu'une entreprise souhaite s'implanter dans un Etat membre, autre que celui sur lequel elle a déjà un établissement stable, la difficulté d'appréhender les conséquences fiscales de ce projet peut la dissuader de le réaliser. Les spécialistes de la fiscalité ont tenté de procéder à des comparaisons des systèmes fiscaux, mais, outre le fait que ceci soit très complexe à mener, cela n'a même pas de véritable intérêt, tant les divergences des pratiques des entreprises sont importantes. En effet, les mécanismes d'incitation fiscale diffèrent d'un Etat membre à l'autre, l'un souhaitant encourager tel secteur d'économie, l'autre favorisant telle région, le dernier créant un terrain propice à telle pratique. La comparaison est inefficace, faute de comparabilité des systèmes. Finalement, c'est l'entreprise qui ressent le plus ces disparités, et supporte le coût de la mise en conformité, qui est trop élevé pour n'être pas pris en compte. S'ajoutent à cela les risques de double imposition, qui, s'ils diminuent, subsistent encore dans certaines situations, et les risques de non imposition, charge pesant, cette fois, sur l'Etat membre.

En revenant sur les fondements de l'UE, on comprend mieux comment s'est construit cet imbroglio qui a d'autant plus de conséquences lorsque l'on se trouve au sein d'un Marché commun. Le Traité de Rome de 1957 (Traité instituant la Communauté économique européenne, signé le 25 mars 1957 et entré en vigueur le 1er janvier 1958) avait pour but de supprimer les entraves à la libre circulation, et a donc fait disparaître les droits de douane. Ensuite, sont venues les normes communautaires sur la fiscalité indirecte, les accises, et surtout la TVA, dont la dernière modification a emporté harmonisation dans le domaine des services, notamment les services par voie électronique. Toutefois, les traités ne se sont pas penchés sur la fiscalité directe, qui reste toujours une prérogative régalienne des Etats membres, lesquels ont déjà dû abandonner leurs compétences en matière monétaire, avec la création de l'Union économique et monétaire, et budgétaire, dans une moindre mesure, lors de l'adoption du Traité de Maastricht (Traité sur l'Union européenne, signé le 7 février 1992 à Maastricht et entré en vigueur le 1er novembre 1993). La CJUE a eu une certaine influence sur la fiscalité directe. Muette jusqu'en 1985, timide jusqu'en 1994, avec cinq décisions rendue en la matière, elle a pris une certaine assurance, et surtout des initiatives, en rendant une petite centaine de décisions depuis, lesquelles ont eu, parfois, un retentissement très important pour les Etats membres. En se fondant sur les quatre libertés de circulation -la liberté d'établissement, de prestation de services, de circulation des marchandises et des capitaux- la CJUE a, par exemple, créé la notion de quasi résident (CJUE, 14 février 1995, aff. C-279/93 N° Lexbase : A1803AWP), et bouleversé le régime de l'intégration fiscale française, en y insérant les sociétés établies dans un autre Etat membre dans le périmètre d'intégration (CJUE, 27 novembre 2008, aff. C-418/07 N° Lexbase : A4435EBU). Selon les mots de Mirko Hayat, la Commission "fait ce qu'elle peut". Il faut dire qu'elle se heurte à la règle de l'unanimité, qui, dans une union à vingt-sept, pèse son poids. Malgré cela, plusieurs textes sont sortis de ses bureaux : le paquet fiscal en 1990 (1), les Directives "fusions" (2) (qui connaît des difficultés d'application et de transposition), "intérêts redevances" (3), "sociétés mères filles" (4) (très utilisée), "épargne" (5) (qui a connu un rebondissement, avec l'affaire du CD-ROM récupéré du Liechtenstein par les autorités allemandes), la Convention d'arbitrage (6) (qui rencontre des difficultés d'application), le Code de conduite de 1997 (7), le Forum sur les prix de transfert (8), etc. Le Code de conduite avait listé soixante-six pratiques fiscales dommageables exercées par les Etats membres. Parmi elles, plusieurs ont été, depuis, modifiées, comme, par exemple, la célèbre zone des docks de Dublin (9).

Revenant sur l'ACCIS, Mirko Hayat reprend ses grandes lignes : une option est proposée aux entreprises qui sont implantées dans deux ou plusieurs Etats membres, selon laquelle elles peuvent choisir d'assujettir leur résultat consolidé à une loi de référence, celle d'un des Etats membres d'implantation, qui a vocation à régir la totalité de leur fonctionnement fiscal. Cela permet de consolider le résultat au niveau européen, et d'imputer les pertes issues de l'activité pratiquée sur un Etat membre sur les bénéfices créés dans un autre Etat membre. Ceux-ci, après paiement de l'impôt, se répartissent le produit selon une clé combinant chiffre d'affaires, emploi (masse salariale et nombre de salariés) et investissement. Le taux de l'impôt applicable à cette assiette est fixé par l'Etat dont la loi a été déterminée comme étant celle de référence (pour en savoir plus, lire Proposition de Directive relative à l'ACCIS : la consolidation des résultats fiscaux au niveau communautaire est-elle réalisable ? - Questions à Delphine de Drouâs, regional tax operations Manager au sein de la société IBM N° Lexbase : N1363BSB). La Directive, qui n'est encore, à ce stade, qu'une proposition, doit, en principe, recueillir l'unanimité. Celle-ci étant très rarement réunie, il serait possible pour les Etats membres de passer par une règle créée par le Traité de Lisbonne, à savoir la coopération renforcée. Cela étant, la CJUE risque de ne pas valider un tel procédé, qui aura pour conséquence de créer des discriminations au sein de l'UE, et donc des distorsions de concurrence, ce que l'UE a vocation à combattre. En effet, une tête de groupe ne va-t-elle pas choisir la formule lui permettant de consolider les pertes subies dans tel Etat membre avec les bénéfices générés par l'activité dans tel autre Etat membre ? Ces deux Etats d'implantation appartiendront, de préférence, au périmètre de coopération renforcée, laissant les autres, ceux qui n'ont pas choisi d'en faire partie, de côté. Enfin, il serait possible de décider que cette option ne s'applique qu'aux sociétés européennes ("Societas Europaea", créée par le Règlement n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001, relatif au statut de la société européenne N° Lexbase : L1040AWG). Cela pourrait, peut-être, augmenter l'attractivité de cette forme de société, qui séduit peu. En effet, seuls quatre groupes utilisent cette forme : Allianz, BASF, MAN et Equens. A la question portant sur le risque de voir l'assiette française applicable en interne élargie sous l'effet de cette assiette communautaire, il a été répondu que les français avaient, au cours des négociations sur la proposition de Directive, démontré leur attachement à la forme optionnelle de cette mesure. De plus, l'assiette telle que celle proposée par la Commission répond à des règles d'une imprécision excluant toute possibilité de définition. En effet, il est impossible de délimiter précisément les contours de l'assiette communautaire. Cela étant, la France pourrait chercher à faire comme en Allemagne, c'est-à-dire réformer complètement la fiscalité des entreprises, en élargissant fortement l'assiette de l'IS. Sauf qu'en Allemagne, cette augmentation de la base imposable s'est accompagnée d'une diminution très forte du taux. Or, la France cherche à augmenter ses recettes fiscales, afin de répondre aux exigences budgétaires européennes, entre autres. Toutefois, des Etats membres comme la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne cherchent à renforcer la compétitivité des entreprises. Un schéma comme celui précité aurait des conséquences néfastes sur ce projet. Il ne devrait donc pas être suivi. De plus, la simplification du droit est au coeur des débats (10).

  • Sixième enquête sur la fiscalité auprès de chefs d'entreprise de dix pays de l'UE, commentaire des résultats 2011 par Stéphane Zumsteeg, Directeur du Département opinion et recherche sociale IPSOS Public Affairs

Stéphane Zumsteeg a présenté les résultats de la sixième enquête IPSOS sur la fiscalité (11) menée auprès de sept cent chefs d'entreprise implantées dans les dix Etats membres suivants : France, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Espagne, Pays-Bas, Belgique, Suède, Pologne et Hongrie. Ceux-ci révèlent que le ressenti quant à la charge de l'impôt est très variable, tant géographiquement que chronologiquement. En France, par exemple, les chefs d'entreprise trouvent que la charge fiscale est très élevée, mais ils sont moins nombreux que lors de la dernière enquête, qui avait eu lieu en 2010 (12). C'est en Belgique que le ressenti est le plus pessimiste, avec 72 % des chefs d'entreprise pensant que la fiscalité est très élevée. Aux Pays-Bas, par contre seuls 11 % d'entre eux sont de cet avis. Plus révélateur encore, à la question "Quel Etat membre est le plus attractif fiscalement ?", alors que les Pays-Bas attirent tout le monde, la France n'attire personne. Les nouveaux pays entrants (Hongrie et Pologne) ont la part belle, le Royaume-Uni arrive en deuxième place.

Concernant la structure de l'impôt, on constate que l'IS en France n'est pas perçu comme une charge lourde, à la différence de l'ensemble des prélèvements obligatoires. Sur la durée, l'évolution de la situation des impôts directs entre Etats membres ne change pas, selon un consensus unanime.

Enfin, concernant la perception que les chefs d'entreprise ont de l'action communautaire, il ressort de l'enquête qu'ils sont favorables à une harmonisation communautaire, mais les anglo-saxons souhaiteraient que cela se fasse sous l'impulsion de leur Etat, alors que les autres souhaitent que l'UE en soit le moteur. Par rapport à l'ACCIS, ce sont surtout les Etats membres faiblement attractifs qui encouragent la proposition, la France menant le groupe.

En conclusion, les différences culturelles sont toujours très fortes au sein de l'UE, et impactent les discussions sur la fiscalité.

Alexia Scott, Directrice fiscale du groupe SNCF, nous fait part des recherches au sujet des différents impôts frappant les entreprises, qu'elle a menées alors qu'elle occupait le poste de Directrice fiscale de Peugeot : alors que l'IS est vécu comme un impôt juste, assis sur les bénéfices, et donc variant à leur rythme, les autres impositions (hors les charges sociales), les impôts d'exploitation, sont perçus comme une charge fixe, beaucoup plus lourde. Le poids de la contribution économique territoriale représente, par exemple, près de la moitié de la charge fiscale de la SNCF. Ces impôts, qui représentent la même charge que l'IS, sont inévitables et, en quelque sorte, subis. Ils le sont d'autant plus que les services publics, qu'ils doivent, en principe, financer, sont insuffisants, et de mauvaise qualité.

Michel Taly ajoute que la difficulté en France vient du fait qu'il est difficile de faire baisser les impôts dans un secteur économique, sans que cette mesure ne soit taxée d'aide d'Etat, et invalidée par les instances communautaires. Dès lors, la France, qui ne peut faire évoluer de beaucoup ses grands impôts, crée des dizaines de petites taxes qui grossissent au fur et à mesure du temps. Et l'on se retrouve avec une centaine de taxes françaises, face aux vingt-cinq taxes allemandes. Baisser les dépenses publiques semble impossible si l'on veut éviter une révolution populaire. Selon lui, il faudrait avoir le courage d'augmenter la TVA, ce que personne n'a encore eu.

  • Baromètre des prélèvements obligatoires des entreprises de l'OEFE, édition 2011, commentaire par Georges Nectoux, Président élu de l'OEFE, Membre élu de la CCIP

Selon ce baromètre, fondé sur des données Eurostat datant de 2009 (13), la France a le plus fort taux de prélèvements obligatoires, 17,9 %. Ce résultat est obtenu en divisant la somme de ces prélèvements par le PIB. Le Danemark arrive en queue de peloton, avec un taux de 4,3 %. L'évolution historique de ces taux est la même pour tout le monde, une baisse en 2000 avec l'éclatement de la bulle Internet, une reprise de 2003 à 2007, puis une nouvelle chute, due à la crise financière. La place du Danemark s'explique par le transfert opéré dans cet Etat de la charge fiscale, qui pèse plutôt sur les ménages. De plus, le taux de TVA y est plus fort qu'en France (25 %).

Sur l'IS, le taux nominal ne suit pas celui précité. Cela est dû au phénomène de marketing fiscal : un taux fort est appliqué à une assiette réduite, un taux faible frappe une assiette élargie. C'est pourquoi, malgré un taux fort, les recettes ne sont pas colossales.

Répondant à une intervention de la salle, et revenant sur les accusations, très médiatisées, qui pèsent sur les entreprises du CAC 40, Michel Taly s'insurge sur le fait que, dans l'esprit des commentateurs, la faiblesse du taux d'imposition soit due à l'optimisation fiscale, réservée à une élite et impraticable, faute de moyen, par les petites entreprises. L'exemple de Total est frappant : le taux effectif d'imposition des résultats consolidés de Total est de plus de 50 %. En effet, les pays pétroliers frappent durement les activités ayant lieu sur leur territoire et portant sur l'or noir. Or, les charges sociales sont trop fortes en France pour que l'activité de raffinage suffise à produire des bénéfices. Dès lors, les activités d'exploration, plus rentables, sont créées, et elles s'effectuent hors de France. Mirko Hayat ajoute qu'en France, il n'y a plus que les sièges de direction de ces grands groupes, et que ce phénomène devrait occuper le devant de la scène, à la place de débats secondaires comme celui portant sur l'ISF.

  • Clôture, par Michel Taly, Président fondateur de l'Institut de politique fiscale, Avocat

Pour clôturer cette rencontre, Michel Taly présente les trois débats dont il devrait être question lors de la campagne électorale de 2012 :

- la concurrence fiscale. La compétitivité, qui cherche à lisser les obstacles que peut rencontrer une entreprise pour produire des bénéfices dans un Etat, est à différencier de l'attractivité fiscale, dont l'objectif est d'attirer une entreprise afin qu'elle s'implante sur le territoire. La France, de son côté, est plus favorable à l'attractivité portant sur des schémas ou des activités, ceci ressortant de régimes fiscaux comme le crédit d'impôt recherche ou les impatriés. Les comparaisons internationales ne sont pas décisives. Michel Taly, qui a fait partie du groupe d'experts appelés à se prononcer sur un rapprochement possible entre la fiscalité allemande et française, explique que l'Allemagne affiche des positions explicites, auxquelles elle se tient, alors que la France annonce toujours des mesures, mais sans ligne directrice explicite. Par exemple, en Allemagne, les entreprises sont toutes soumises au même impôt ; il n'y a pas, comme en France, d'entreprise fiscalement transparente et d'entreprise fiscalement opaque. Malgré les difficultés et les contestations, l'Allemagne n'a pas bougé sur sa position. De plus, l'hypocrisie en France est totale. Tout le monde prône la simplification, alors que la complexité permet l'optimisation. Les patrons d'entreprise abandonnent un débat laissé aux techniciens, pour qui la complexité est un "gagne-pain". La simplification servirait plutôt aux PME, et leur permettrait de se développer plus vite. D'ailleurs, la proposition originelle, antérieure à l'ACCIS, était de permettre à une PME, française par exemple, de pouvoir s'implanter, en Allemagne par exemple, sans avoir à étudier les règles fiscales germaniques. La PME serait soumise à la loi française dans son intégralité, et la France et l'Allemagne se partageraient l'impôt récolté selon une clé de répartition. Cette proposition n'a pas été retenue, au grand regret de Michel Taly. Enfin, la majorité des praticiens sont pour une assiette élargie et un taux plus bas, mais, dans le même temps, la méfiance conduit à la prudence, et l'on craint que la diminution du taux passe après, voire bien après, l'élargissement de l'assiette ;

- la territorialité. Ce débat est plus médiatique et plus récurrent. Toutefois, il ne permettra pas de déboucher sur des mesures concrètes. La France seule ne peut pas changer les règles. Pour seul exemple, le débat sur la réforme de la fiscalité du patrimoine, et notamment la création de l'exit tax et de l'imposition des non-résidents, est de la "gesticulation", qui s'arrêtera avec le couperet luxembourgeois ;

- l'optimisation fiscale. Le rapport du Comité des prélèvements obligatoires de 2009 a conduit à la stigmatisation des grands groupes, accusés de faire de l'optimisation à outrance et de ne pas payer d'impôt. Or, il y a eu une confusion dans les formules retenues pour élaborer les taux. En effet, le taux effectif est un instrument servant aux analystes financiers pour évaluer le taux d'imposition des bénéfices d'une entreprise dans le monde. Le taux implicite est un instrument de macro-économie utilisé pour connaître la part des prélèvements étatiques dans la création des richesses de l'entreprise. Ainsi, il est possible de départager la part de richesse revenant aux salariés, aux prêteurs, aux actionnaires et à l'Etat. Ces taux ne correspondent pas à ce que paient en réalité les entreprises, ce sont des outils de statistique.

En conclusion, il y a deux régimes seulement qui creusent un fossé entre grande et petite entreprise : les déficits et les intérêts d'emprunt. Les déficits ne se compensent pas dans une entreprise seule de la même façon qu'à l'intérieur d'un groupe. De même, les petites entreprises sont moins endettées que les grosses, et ont donc moins de charges financières venant en diminution du résultat fiscal imposable. D'où un risque que ces deux domaines soient touchés par des réformes fiscales.


(1) En 1990, la Commission a chargé un comité d'experts indépendants présidé par Onno Ruding, un ancien ministre néerlandais des finances, d'examiner si les différences dans l'imposition des sociétés conduisaient à des distorsions affectant le marché intérieur. Le comité a formulé des recommandations spécifiques en la matière dans le rapport "Ruding". A l'issue de ce rapport, la Commission a publié une communication sur la fiscalité des entreprises de 1990 (SEC(90) 601) qui proposait que, sans préjudice du principe de subsidiarité, toutes les initiatives s'inscrivent dans le cadre d'un processus consultatif associant les Etats membres. C'est dans ce cadre que trois mesures ont finalement été adoptées en juillet 1990 : la Directive fusions 90/434/CEE, la Directive "mères-filiales" 90/435/CEE et la Convention d'arbitrage 90/436/CEE.
(2) La Directive "fusions" (Directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etats membres différents N° Lexbase : L7670AUM) concerne toutes les opérations consistant en un transfert d'actif d'une société vers une autre en échange de parts sociales. La Directive traite aussi du transfert du siège statutaire, limitant ses dispositions aux sociétés européennes et aux sociétés coopératives européennes. L'intérêt fiscal de la Directive fusions pour les groupes est la non imposition des plus-values générées à l'occasion de la cession des actifs, égale à la différence entre la valeur nette comptable des éléments d'actifs et la valeur réelle de ces éléments. Enfin, l'article 7 de la Directive s'adresse aux groupes spécifiquement : lorsqu'une société bénéficiaire détient 10 % de la société apporteuse, la plus-value dégagée par l'apporteuse lors du transfert ne donne lieu à aucune imposition. Les associés personnes physiques ou morales de la bénéficiaire ne supportent aucune imposition sur plus-value de titres provenant de l'apporteuse.
(3) La Directive "intérêts/redevances" (Directive 2003/49/CE du Conseil du 3 juin 2003, concernant le régime fiscal commun applicable aux paiements d'intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d'Etats membres différents, applicable à partir du 1er janvier 2004 N° Lexbase : L6609BHA) exonère d'impôt (retenue à la source ou impôt prélevé par voie de rôle) les intérêts, entendus comme les revenus de créances de toute nature sauf bénéfices et pénalités, c'est-à-dire les emprunts et les obligations. Les redevances sont définies comme les rémunérations de l'usage ou de la concession d'un droit d'auteur quel qu'il soit (oeuvre littéraire, artistique ou scientifique, film cinématographique, logiciels informatique, brevet, marque, dessin ou modèle, plan, formule ou procédé secret, information ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique). La Directive s'applique pour les échanges pratiqués entre sociétés liées directement par 25 % de détention ou indirectement par le biais d'une société possédée à 25 % et possédant la troisième à 25 %.
(4) La Directive "mère-fille" (Directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents N° Lexbase : L7669AUL) permet de lutter contre la double (voire triple) imposition économique résultant de l'implantation de la filiale à l'étranger au sein de l'UE. Les conditions d'application sont les suivantes : être domiciliée dans un Etat membre et être imposée à l'impôt sur les sociétés national, sans exonération. Ces conditions sont valables pour la mère et pour la fille. Le lien capitalistique doit être de 10 % (ce taux était, à l'origine, fixé à 25 %). Le dispositif proposé par la Directive "mère-fille" est le suivant : les Etats membres ont le choix entre exonérer d'impôt le dividende distribué à la mère située à l'étranger, ou permettre à la mère (ou à la filiale bénéficiaire de la distribution, si elle provient d'une sous-filiale) d'imputer l'impôt perçu en amont sur son propre impôt. Ceci se fait par mécanisme de crédit d'impôt ou par déduction de l'impôt. Cette imputation doit être totale afin de permettre d'éradiquer totalement la double imposition. Enfin, un dernier mécanisme est mis en place : la réintégration d'une quote-part de 5 % pour frais et charges. Cette réintégration se fait par la mère, et correspond aux frais engagés pour recevoir la distribution. Si la mère réussit à prouver que cette quote-part est de moins de 5 % du montant de la distribution, elle peut réintégrer cette somme.
(5) La Directive européenne sur l'épargne (Directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003, en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts N° Lexbase : L6608BH9) prévoit, depuis le 1er juillet 2005, un système d'échange d'informations par voie de transmission automatique entre les Etats membres concernant le paiement d'intérêts à un bénéficiaire effectif établi dans un Etat membre par l'intermédiaire d'un agent payeur établi dans un autre Etat membre. Trois pays, à savoir la Belgique, le Luxembourg et l'Autriche, forment une exception. Ceux-ci appliqueront, pendant une période de transition, dont la fin est prévue en 2014, une retenue européenne à la source sur les revenus d'intérêts perçus par un résident d'un autre Etat membre de l'UE dans l'un de ces trois pays.
(6) La Convention d'arbitrage de l'UE (Convention 90/436/CEE du 23 juillet 1990, relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées) prévoit une procédure de résolution des différends résultant de la double imposition subie par les entreprises implantées au sein d'Etats membres différents, en raison de la correction à la hausse des bénéfices d'une de ces entreprises dans un Etat membre. Si la plupart des conventions bilatérales relatives à la double imposition contiennent des dispositions prévoyant un ajustement à la baisse correspondant des bénéfices de l'entreprise associée concernée, elles n'imposent nullement aux parties contractantes l'obligation d'éliminer la double imposition. La Convention propose de l'éliminer au moyen d'un accord conclu entre les Etats contractants avec, si nécessaire, l'avis d'un organe consultatif indépendant.
(7) Le Code de bonne conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises a été adopté par une résolution du Conseil Ecofin le 1er décembre 1997. Il s'agit d'un engagement politique, sans valeur législative. Le Code de bonne conduite vise soixante six pratiques fiscales dommageables sélectionnées dans le rapport Primarolo (rapport édicté par le groupe de travail mandaté spécialement pour le faire, présidé par une britannique, Dawn Primarolo) du 29 novembre 1999. Le rapport adopté par le Conseil Ecofin définit les pratiques fiscales dommageables comme des mesures fiscales de toute nature (loi, décret, pratique administrative) "établissant un niveau d'imposition effective nettement inférieur, y compris une imposition nulle, par rapport à ceux qui s'appliquent normalement dans l'Etat membre concerné".
(8) Le groupe d'experts dénommé "forum conjoint sur les prix de transfert" assiste et conseille la Commission européenne sur les questions fiscales liées aux prix de transfert. Il a été mis en place de manière informelle en juin 2002 dans le cadre du suivi de l'étude de la Commission sur la fiscalité des entreprises. Le groupe a été officiellement créé par la décision 2007/75/CE du 22 décembre 2006, qui a expiré le 31 mars 2011. Le groupe travaille sur la Convention d'arbitrage et la résolution d'autres problèmes liés aux prix de transfert.
(9) Les entreprises qui se sont implantées dans la zone des docks de Dublin ont bénéficié d'une imposition à l'IS à un taux de 10 %, réduit par rapport au taux de droit commun irlandais, fixé à 25 %. Après avoir été pointé du doigt par le Code de bonne conduite, la Commission a qualifié d'aide d'Etat incompatible ce dispositif. En 2005, l'Irlande a supprimé ce régime et, dans le même temps, elle a baissé à 12,5 % l'impôt sur les bénéfices issus d'une activité irlandaise.
(10) En France, une loi de simplification du droit a été adoptée le 17 mai 2011 (loi n° 2011-525, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit N° Lexbase : L2893IQ9).
(11) Sixième enquête sur la fiscalité auprès de chefs d'entreprises de dix pays de l'UE.
(12) Cinquième enquête européenne sur la fiscalité des entreprises.
(13) Présentation de la septième version du baromètre de l'OEFE et des résultats de l'enquête annuelle.

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