Lecture: 5 min
N5893BS3
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique et Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
le 30 Juin 2011
Patricia Savin et Yvon Martinet : Dans l'avis de la commission générale de terminologie et de néologie publié au JO du 12 juillet 2009, les éco-techniques de l'information et de la communication sont définies comme les "techniques de l'information et de la communication dont la conception ou l'emploi permettent de réduire les effets négatifs des activités humaines sur l'environnement". Les équivalents anglais sont "green information technology" ou "Green IT".
Plus précisément, les deux axes majeurs du développement du Green IT sont l'utilisation de produits verts à faible consommation d'énergie, et la virtualisation des serveurs et des postes de travail. L'"informatique verte" s'impose aujourd'hui comme un facteur de croissance limitant les coûts des matériels. Elle permet, également, de renforcer la sécurisation informatique et de virtualiser les postes de travail. Tout l'enjeu consiste à savoir comment concilier cette nouvelle ère technologique avec le respect de l'environnement.
Les éditeurs et les constructeurs travaillent, ainsi, à la mise sur le marché, de produits moins énergivores et de logiciels intelligents capables de gérer l'utilisation des ressources en temps réel. La virtualisation des serveurs permet, quand à elle, de réduire le nombre de machines utilisées dans un système d'information, tout en apportant une puissance de traitement et une maîtrise des coûts.
D'autres actions peuvent, également, être mises en oeuvre, telles qu'une politique de recyclage des déchets informatiques, une communication sur les bons usages des matériels, une réduction des volumes d'impressions superflues, une optimisation des moyens de communication, une diminution du nombre de voyages des collaborateurs, un développement du télétravail, etc..
Lexbase : Quelles sont les mesures concrètes que peuvent mettre en oeuvre les entreprises pour réduire l'empreinte écologique du système d'information ?
Patricia Savin et Yvon Martinet : Les technologies de l'information et de la communication (TIC) deviennent indispensables pour déployer des solutions dans les secteurs qui permettraient de réaliser des réductions d'émissions de gaz à effets de serre (GES). Ainsi, les principales sources de réductions d'émissions de GES, rendues possibles par la mise en oeuvre des TIC, résident dans l'optimisation des consommations électriques en heures de pointe et des transports, ainsi que dans la dématérialisation.
La maîtrise du report des consommations d'heures pleines vers les heures creuses nécessite la mise en oeuvre des Green IT et devrait générer un gain de 9 millions de tonnes de CO2, soit 16 % des émissions générées par la production d'électricité en France en 2020. Par ailleurs, la mise en oeuvre des Green IT dans les transports routiers de personnes et de marchandises devrait permettre de réduire les émissions de GES de ce secteur de 13 % en 2020.
Pour dissuader l'utilisation des véhicules individuels au profit des transports en commun, les TIC proposent la mise en place d'un système de monétisation de l'accès en centre ville (des péages urbains) et une variabilité des coûts d'assurance des véhicules individuels selon les distances parcourues mensuellement. En outre, grâce au développement du travail et des réunions à distances, les Green IT favorisent la dématérialisation des échanges professionnels et personnels, optimisant leur empreinte carbone.
Dans le secteur du bâtiment, les Green IT peuvent, également, contribuer à la diminution des GES grâce à la mise en place de solutions domotiques alliant Green IT et automatisation (de type détection de présence). A ce titre, la consommation d'énergie étant un poste de coût important du secteur industriel, des travaux d'amélioration de l'automatisation des procédés de fabrication ont, d'ores et déjà, été menés, afin de n'utiliser les machines en "plein régime" que lorsque cela est nécessaire.
Lexbase : Selon une étude récente menée auprès des entreprises, les initiatives se concentrent en priorité sur l'efficacité énergétique des centres de données. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce point ?
Patricia Savin et Yvon Martinet : Face à l'augmentation permanente du coût de l'énergie, de la densification et de l'augmentation de la consommation des serveurs, les entreprises cherchent à optimiser la consommation électrique et à mesurer l'efficacité énergétique des centres de données. Afin d'augmenter leur efficacité, les centres de données doivent, ainsi, gérer correctement leur consommation d'énergie à plusieurs niveaux : infrastructure, serveurs, systèmes de stockage et composants. Parmi les mesures à mettre en place figurent notamment : l'optimisation de la configuration des centres de données par un refroidissement optimal et la mise en place d'un équipement d'air conditionné correctement placé.
Lexbase : Quelles sont les incitations financières susceptibles de contribuer au développement des Green IT ?
Patricia Savin et Yvon Martinet : En raison de la quantité d'énergie consommée par les TIC et du coût actuel de l'énergie, l'utilisation des Green IT peut constituer, en elle-même, une incitation financière car elles devraient entraîner des économies sur les consommations d'énergie. Ainsi, dès lors que le "bilan carbone" de chaque entreprise comprend la quantité de CO2 émise par les outils d'information et de communication, l'utilisation des Green IT devrait permettre à l'entreprise d'avoir un "bilan carbone" moins élevé.
Concernant les incitations financières directes au développement des Green IT, une étude internationale de 2010 publiée par Regus soulignait que 77 % des entreprises françaises souhaitaient plus d'incitations fiscales pour relever plus rapidement les défis de l'éco-investissement, dont font partie les Green IT. Cette même étude révèle que seulement 37 % des entreprises dans le monde mesurent vraiment leur consommation d'énergie, et qu'à peine 19 % d'entre elles mesurent leur empreinte carbone. Elles sont, cependant, 46 % à se déclarer prêtes à investir dans des équipements à faibles impacts environnementaux, seulement si leurs coûts d'exploitation sont inférieurs ou identiques à ceux des équipements traditionnels. Aujourd'hui, à peine 40 % des entreprises ont pour le moment investi dans des équipements à faibles émissions de GES, et seulement 38 % ont adopté une véritable stratégie d'entreprise dans le domaine environnemental.
En France, l'étude montre que près de 59 % des entreprises contrôlent leurs émissions d'énergie et que plus de 54 % ont défini une stratégie environnementale. Les coûts d'exploitation semblent être dénoncés par presque la moitié des entreprises, qui déclarent ne souhaiter investir dans des équipements à faibles impacts environnementaux, seulement si ces derniers sont moins ou aussi coûteux à faire fonctionner que les équipements traditionnels. De plus, pas moins de 77 % des entreprises affirment que, si le Gouvernement proposait des avantages fiscaux pour les équipements moins consommateurs d'énergie ou à faible émission de GES, leurs investissements se feraient beaucoup plus rapidement. Ceci est d'autant plus vrai pour les PME qui ont plus de difficultés à choisir des éco-équipements, compte tenu des coûts.
Il semblerait que, si les Gouvernements veulent atteindre leurs objectifs de réduction d'émissions, il faille encourager le changement en mettant en place de réelles incitations financières. Ce qui vient d'être exposé reste, en effet, insuffisant, les équipements à faible empreinte carbone étant disponibles à des prix encore trop élevés. Des incitations fiscales aideraient donc considérablement au développement des Green IT. Cela devient, d'ailleurs, de plus en plus urgent alors que la France est poursuivie par la Commission européenne devant la CJUE, pour ne pas avoir respecté les valeurs limites de qualité de l'air concernant les particules en suspension, telles que prévues par la Directive (CE) 2008/50 du 21 mai 2008, concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe (N° Lexbase : L9078H3M).
Lexbase : Les TIC auront-elles un rôle important à jouer pour relever les défis environnementaux qui nous attendent ?
Patricia Savin et Yvon Martinet : En raison de la place majeure qu'occupent les TIC, les défis environnementaux à relever par les Green IT sont majeurs. Comme cela a pu être démontré précédemment, les TIC, contrairement à ce qu'elles peuvent laisser penser, ont un impact majeur sur l'environnement, notamment à travers leur rejet de CO2 dans l'atmosphère. En raison de cette croissance inévitable des TIC, il devient donc urgent que les préoccupations environnementales traduites à travers les Green IT, soient mises en application le plus rapidement possible, d'où le retour à la question des incitations financières.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:425893