Le Quotidien du 4 juillet 2018 : Procédure pénale

[Brèves] Géolocalisations, perquisitions, écoutes téléphoniques, communication d'expertises… : une information, deux arrêts, cinq nullités

Réf. : Cass. crim., 20 juin 2018, deux arrêts, n° 17-86.651, FS-P+B (N° Lexbase : A8516XTL) et n° 17-86.657, F-P+B (N° Lexbase : A8591XTD)

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par Marie Le Guerroué et June Perot

le 05 Juillet 2018

► Par deux arrêts du 20 juin 2018 (Cass. crim., 20 juin 2018, deux arrêts, n° 17-86.651, FS-P+B N° Lexbase : A8516XTL [arrêt n° 1] et n° 17-86.657, F-P+B N° Lexbase : A8591XTD [arrêt n°2]), la Chambre criminelle s’est prononcée sur des requêtes en nullités dans le cadre d’une information suivie, notamment, du chef d’infraction à la législation sur les stupéfiants.

 

Elle censure, par cinq fois, les décisions rendues par la chambre de l’instruction :

 

- sur l’invocation par le demandeur de la nullité d’un acte d'une procédure à laquelle il n’est pas partie ;

- sur la mise en place d’une mesure dérogatoire de géolocalisation ;

- sur la régularité des perquisitions effectuées ;

- sur les interceptions de lignes téléphoniques étrangères ;

- et sur la dérogation à l’obligation de communiquer copie de la décision ordonnant une expertise aux parties.

 

L’affaire concernait deux frères mis en examen dans le cadre d’une information judiciaire ouverte des chefs d’importation illicite de stupéfiants, infractions à la législation sur les stupéfiants, blanchiment, non justification de ressources et infractions à la législation sur les armes et association de malfaiteurs. Avaient, notamment, été découverts 60 000 cachets d'ecstasy, 12 kilogrammes de résine de cannabis, 4 pistolets automatiques et des munitions. Ils avaient, tout deux, déposé des requêtes en nullité des pièces de la procédure.

 

  • Sur l’invocation par le demandeur de la nullité d’un acte d'une procédure à laquelle il n’est pas partie (arrêt n°2)

 

La Chambre criminelle énonce que le demandeur à la nullité est recevable à proposer des moyens tirés de l'irrégularité d'actes accomplis dans une autre procédure à laquelle il n'était pas partie et qui ont été versés à la procédure suivie contre lui lorsqu'il fait valoir que les pièces versées sont susceptibles d'avoir été illégalement recueillies (v. déjà, concernant des écoutes téléphoniques : Cass. crim., 16 février 2011, n° 10-82.865, F-P+I N° Lexbase : A1803HD7 et J.-B. Perrier, Le contentieux des nullités en procédure pénale : aspects théoriques, in Lexbase Pén., 2018, n° 5 N° Lexbase : N3939BX8 ; cf. l’Ouvrage «Procédure pénale» N° Lexbase : E4363EU7).

 

  • Sur la mise en place d’une mesure dérogatoire de géolocalisation (arrêt n°2)


Sur ce point, la Haute juridiction retient qu’en application de l’article 230-35 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8965IZ3), l'officier de police judiciaire qui, en cas d'urgence, procède à l'installation d'un moyen technique destiné à la localisation en temps réel d'une personne, d'un véhicule, ou de tout autre objet, doit en informer immédiatement, par tout moyen, selon les cas, le procureur de la République ou le juge d'instruction. Le magistrat compétent dispose d'un délai de vingt-quatre heures pour prescrire, le cas échéant, la poursuite des opérations, par une décision écrite, qui comporte l'énoncé des circonstances de fait établissant l'existence d'un risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens.

L’imminence du déplacement de véhicules, les précautions prises par leurs utilisateurs rendant les filatures particulièrement difficiles, ainsi que la versatilité des décisions prises par les organisateurs du trafic de stupéfiants, n’établissent pas l’existence d’un risque imminent de dépérissement des preuves rendant nécessaire le recours à la procédure d’urgence de l’article 230-35 du Code de procédure pénale (v. Cass. crim., 10 avril 2018, n° 17-85.607, F-D N° Lexbase : A1466XLU) (cf. l’Ouvrage «Procédure pénale» N° Lexbase : E3111E4Y).
 

  • Sur la régularité des perquisitions effectuées (arrêt n°2)


Selon les articles 57 (N° Lexbase : L6470KU8) et 96 (N° Lexbase : L4948K8R) du Code de procédure pénale, la personne, autre que celle mise en examen, chez laquelle une perquisition est opérée doit être invitée à y assister ou, en cas d'impossibilité, à désigner un représentant de son choix. Tel est le principe énoncé par la Chambre criminelle dans l’arrêt n° 17-86.657 (Cass. crim., 20 juin 2018, n° 17-86.657, F-P+B).

 

La chambre de l’instruction, pour rejeter l’exception de nullité tirée de l’irrégularité de la perquisition effectuée dans le garage, avait retenu que les éléments du dossier ne permettaient pas d’établir que le premier des deux frères était le locataire ou le propriétaire des lieux en cause et que l’adresse déclarée en garde à vue et confirmée lors de son interrogatoire de première comparution était différente de celle où on lieu les perquisitions, de sorte que seule la présence de deux témoins était suffisante.

 

La Haute juridiction censure la chambre de l’instruction à cet égard. Elle retient que les enquêteurs avaient indiqué au cours de la procédure que le garage perquisitionné appartenait bien à l’un des deux frères et que celui-ci, qui avait revendiqué dans une conversation téléphonique antérieure, la propriété de l’appartement, s’était déclaré à plusieurs reprises domicilié à cette adresse.

 

  • Sur les interceptions de lignes téléphoniques étrangères (arrêts n°1 et n°2)

 

La Chambre criminelle rappelle, dans les deux arrêts, qu’il se déduit des articles 100 (N° Lexbase : L4943K8L) à 100-5 (N° Lexbase : L3498IGN) du Code de procédure pénale que les officiers de police judiciaire, agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction ou sur autorisation du juge des libertés et de la détention, ne peuvent faire procéder par des opérateurs de téléphonie français à l'interception de communications émises à partir de téléphones mobiles étrangers ou situés à l'étranger sans violer les règles de compétence territoriale et de souveraineté des Etats que si lesdites interceptions ne nécessitent pas l'assistance technique d'un autre Etat (v., déjà, Cass. crim., 28 mars 2017, n° 16-84.853, F-D N° Lexbase : A0950UTD).

Pour rejeter le moyen pris de la nullité de l'interception de lignes téléphoniques étrangères, l’arrêt de la chambre de l’instruction énonçait, qu’aucun élément ne permettait d'établir que le premier des frères se trouvait toujours à l'étranger au moment de l'interception des appels téléphoniques et qu'au surplus, les conversations ayant pu être obtenues par l'intermédiaire de l'opérateur "Orange", elles avaient nécessairement transité sur le réseau d'un opérateur de téléphonie français. Ils ajoutaient, s’agissant de la ligne téléphonique utilisée par le premier des frères que les enquêteurs, constatant que “les appels ne sortaient quasiment jamais d'Afrique du Nord", avaient procédé à des résumés pour le moins succincts de la teneur de ces conversations et qu’aucune déduction relative à une importation de stupéfiants n'en avait été et ne pouvait en être tirée de sorte que cette interception téléphonique n'avait pas pour effet de porter atteinte à leurs intérêts.

 

La Cour énonce la solution précitée et ajoute, en outre, qu'il résulte de l’article 593 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3977AZC) que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties et que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. Elle censure, par conséquent, les deux décisions contestées, estimant qu’en se déterminant ainsi, alors que les règles gouvernant la compétence territoriale des autorités judiciaires françaises sont d'ordre public, la chambre de l'instruction, à qui il incombait de rechercher comment les interceptions litigieuses avaient pu être opérées si les communications n'avaient pas transité par le territoire national, n'avait pas justifié sa décision (cf. l’Ouvrage «Procédure pénale» N° Lexbase : E6635ETW).

 

  • Sur la dérogation à l’obligation de communiquer copie de la décision ordonnant une expertise aux parties (arrêts n°1 et n°2)

 

La Haute juridiction énonce, enfin et dans les deux arrêts, qu’il se déduit de l’article 161-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5027K8P)que le juge d'instruction adresse sans délai copie de la décision ordonnant une expertise au procureur de la République et aux avocats des parties, qui disposent d'un délai de dix jours pour lui demander de modifier ou compléter les questions posées à l'expert ou d'adjoindre à l'expert ou aux experts déjà désignés un expert de leur choix. En application de l'alinéa 3 de ce même texte, il peut, toutefois être dérogé à cette obligation lorsque les opérations d'expertise doivent intervenir en urgence ou que la communication prévue au premier alinéa risque d'entraver l'accomplissement des investigations. Elle rappelle, également, les exigences précitées de l’article 593.

 

Pour rejeter la demande en nullité de cinq expertises, tirée de la violation de l'article 161-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3532AZT), l'arrêt attaqué relevait que l’urgence, mentionnée par le juge d’instruction, était caractérisée par les faits d'importation de 60 000 cachets d'ecstasy et que leur communication aux parties entraînait un risque réel et sérieux non seulement d'entrave à l'accomplissement des diligences requises mais aussi de collusion entre les organisateurs de ce trafic international de stupéfiants que seule leur confidentialité permettait d'éviter.

 

Elle estime donc, qu’en l’état de ces motifs, insuffisants pour établir, pour chacune des décisions ordonnant des expertises, que leur communication aux parties au moment où elles ont été prises, présentait un risque d'entrave à l'accomplissement des investigations futures, la chambre de l'instruction, qui, par ailleurs, n'a pas caractérisé l'urgence des opérations, n'a pas justifié sa décision (cf. l’Ouvrage «Procédure pénale» N° Lexbase : E4440EUY).

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