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N6747BWS
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par Caroline Lantero, Maître de conférences en droit public, Université d'Auvergne
le 24 Février 2017
A - Rejet du recours dirigé contre le décret du 21 septembre 2015
Un nouveau chapitre du CESEDA (2) a été consacré aux "conditions d'accueil des demandeurs d'asile" et a donné un rôle central à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), chargé de centraliser l'organisation, la gestion et le contrôle du dispositif national d'accueil. Le décret d'application n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 (N° Lexbase : L9815KHY) (décret pris pour l'application de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015, relative à la réforme du droit d'asile N° Lexbase : L9673KCA) a fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat, qui a rejeté la requête en écartant tous les moyens dirigés contre le texte. Sur la mise en place d'un guichet unique à la préfecture, où est désormais présent un représentant de l'OFII qui doit proposer les prestations d'accueil et les allocations prévues par la Directive "Accueil" (Directive (UE) 2013/33 du 26 juin 2013, établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale N° Lexbase : L9264IXE) et doit, notamment, procéder à une évaluation des besoins des demandeurs ainsi que de leur vulnérabilité (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 744-6 N° Lexbase : L6611KD9), la parution de l'arrêté fixant le cadre du questionnaire dissipe quelques inquiétudes (3) quant aux effets d'un double scrutin de vulnérabilité tant il reste en surface (4). Les critiques émises à l'encontre de cet examen de vulnérabilité au motif qu'il instituait une procédure administrative ont été écartées par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 30 janvier 2017.
B - Annulation partielle et "en tant que ne pas" du décret du 21 octobre 2015 relatif à l'allocation pour demandeur d'asile
La loi du 29 juillet 2015 avait substitué l'allocation temporaire d'attente (ATA), versée par Pôle Emploi (5) par l'allocation pour demandeur d'asile (ADA), versée par l'OFII, et conditionnée à l'acceptation des conditions matérielles d'accueil proposées. Evaluée en fonction des ressources, de l'âge du demandeur et de son mode d'hébergement, son montant et le barème d'évaluation ont été fixés par le décret n° 2015-1329 du 21 octobre 2015, relatif à l'allocation pour demandeur d'asile (N° Lexbase : L7321KM4). Rappelons que l'allocation n'est accordée que si le demandeur accepte les conditions d'accueil et d'hébergement proposés par l'OFII. Dans un arrêt du 23 décembre 2016, le Conseil d'Etat a également validé de nombreuses dispositions dont l'exclusion des mineurs isolés du bénéfice de l'allocation en estimant "qu'il incombe au service de l'aide sociale à l'enfance des départements de prendre en charge l'hébergement et de pourvoir aux besoins des mineurs étrangers qui sollicitent l'asile et sont privés de la protection de leur famille" et que l'exclusion des mineurs ne méconnaît donc ni les objectifs de la Directive "accueil" du 26 juin 2013, ni l'article 3-1 de la Convention internationale du 20 novembre 1989, relative aux droits de l'enfant (N° Lexbase : L6807BHL).
En revanche, le Conseil d'Etat a partiellement censuré le décret s'agissant du montant de l'allocation additionnelle attribuée au demandeur lorsque, bien qu'il accepte les conditions fixées par l'OFII, se heurte à l'insuffisance du dispositif d'accueil et à l'absence d'hébergement disponible. Sur ce point, le décret avait fixé un montant journalier de 4,20 euros. Le Conseil d'Etat a estimé que "le montant additionnel de 4,20 euros prévu par le décret attaqué est manifestement insuffisant pour permettre à un demandeur d'asile de disposer d'un logement sur le marché privé de la location", et, par une annulation "en tant que ne pas", a annulé l'article du décret qui ne fixait pas un montant additionnel suffisant, enjoignant au Premier ministre de prendre les mesures réglementaires nécessaires dans un délai de deux mois.
II - Passage au contrôle de la qualification juridique par le juge de cassation sur les clauses d'exclusion
Dans un arrêt du 9 novembre 2016, le Conseil d'Etat élargit considérablement l'étendue de son contrôle sur les arrêts de la CNDA en estimant qu'il relève de l'office du juge de cassation d'exercer un contrôle de qualification juridique sur l'appréciation à laquelle la Cour nationale du droit d'asile se livre, en l'espèce, sur le fait qu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'un demandeur d'asile s'est rendu coupable d'un des agissements visés au F de l'article 1er de la Convention de Genève (clauses d'exclusion) (N° Lexbase : L6810BHP).
Classiquement, le juge de cassation se borne à contrôler l'erreur de droit ou la dénaturation des faits par les juges du fond, et s'interdit de se prononcer sur la qualification juridique en vertu, notamment, de ce que l'appréciation de la CNDA est souveraine. Le Conseil d'Etat ne cesse d'accroitre son contrôle et d'affiner l'office du juge de l'asile, certes, mais il en reste à l'erreur de droit et à la dénaturation. La première est sanctionnée en présence d'une utilisation erronée des critères pertinents de détermination du statut, par exemple et pour un contrôle déjà poussé, lorsque la Cour estime qu'un demandeur d'asile est complice d'un crime sans rechercher les conditions et circonstances (pressions extérieures, son jeune âge) dans lesquelles il a assisté à ce crime (CE 9° et 10° s-s-r., 7 avril 2010, n° 319840, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5670EUK). La seconde est censurée lorsque la Cour omet par exemple d'examiner des pièces du dossier ou en déforme la portée (CE, 16 octobre 2009, n° 311793 N° Lexbase : A2341EMN). Dans l'arrêt du 9 novembre 2016, le Conseil d'Etat critique l'appréciation (qui n'est donc plus véritablement souveraine) à laquelle s'est livrée la Cour en écartant les raisons sérieuses de penser que l'intéressé s'était rendu coupable d'agissements tombant sous le coup de l'article 1er A F de la Convention de Genève alors que les éléments du dossier et les éléments révélés à l'audience semblaient -pour le Conseil d'Etat- démontrer le contraire : "En jugeant, au vu de ces éléments, qu'il n'y avait pas de raisons sérieuses de penser que M. N. se serait rendu coupable, comme auteur ou complice, à titre personnel, d'un des agissements visés à l'article 1er F de la Convention de Genève de ces éléments, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique".
III - Sur le statut de réfugié
A - Le principe de l'unité familiale est toujours un critère d'éligibilité
Dans un arrêt du 11 mai 2016, le Conseil d'Etat rappelle que le statut du réfugié peut être accordé sur le fondement d'un principe général du droit applicable aux réfugiés, et que la CNDA doit en examiner au besoin d'office l'application.
En 1994, dans l'arrêt "Mme Agyepong" (6), le Conseil d'Etat consacrait pour la première fois le principe d'unité familiale en matière de statut des réfugiés. La Convention de Genève ne s'appliquant qu'à la seule personne du réfugié, l'administration avait jusqu'alors toujours statué séparément sur les demandes de chaque conjoint. Très fréquemment, au regard des circonstances, si l'un était admissible au statut, l'autre aussi. En revanche, le cas du conjoint d'un réfugié n'étant pas ou ne risquant pas d'être persécuté individuellement, n'est pas prévu par les textes. Le Conseil d'Etat, saisi par l'épouse d'un réfugié qui s'était vue refuser le statut réclamé au nom de l'unité de la famille, a dû se prononcer sur l'applicabilité d'un tel principe. Faisant appel aux "Principes Généraux du Droit" applicable aux réfugiés, c'est-à-dire à une source non écrite, mais inspirée de la Convention de Genève, le juge administratif a estimé qu'en vue de la pleine protection prévue en faveur du réfugié, cette qualité devait être également reconnue aux membres de sa famille proche. La décision du Conseil d'Etat "Mme Agyepong" fondait ainsi le principe général du droit selon lequel "la qualité de réfugié doit être reconnue à la personne de même nationalité qui était unie par le mariage à un réfugié à la date à laquelle celui-ci a demandé son admission au statut, ainsi qu'aux enfants mineurs de ce réfugié".
Dans l'arrêt du 11 mai 2016, le Conseil d'Etat rappelle l'existence de ce critère d'éligibilité à part entière et précise qu'il appartient à la CNDA de l'examiner d'office. La Cour avait reconnu le statut de réfugié à l'époux mais n'avait accordé à l'épouse que le bénéfice de la protection subsidiaire. En statuant ainsi, sans rechercher si la reconnaissance du statut à l'un devait conduire à reconnaître le statut à l'autre et en omettant d'examiner si le conjoint pouvait se voir reconnaître la qualité de réfugié sur le fondement du PGD, la Cour a commis une erreur de droit.
B - Retrait pour fraude
Si la jurisprudence française a consacré un critère d'éligibilité à part entière avec le PGD tiré du principe de l'unité familiale, elle a également isolé un critère de cessation que la Convention de Genève n'avait pas prévu, fondé sur la fraude et entraînant l'application du mécanisme de retrait des actes administratifs. Dans un arrêt du 28 novembre 2016, le Conseil d'Etat se prononce sur le retrait du statut pour fraude, dans le contexte d'un avis favorable du juge judiciaire pour procéder à l'extradition de l'intéressé, impliquant une articulation avec les clauses d'exclusion du statut.
Le retrait pour fraude est une pratique jurisprudentielle ancienne (7) désormais inscrite dans la loi à la suite de la réforme de juillet 2015 (8). La jurisprudence du Conseil d'Etat en avait toutefois déjà fixé des contours assez nets, refusant toute présomption de fraude et toute automaticité du retrait, et exigeant que la fraude eût une incidence déterminante sur la décision de reconnaissance du statut. Cette fraude peut résulter soit d'une action positive, comme la présentation de faux documents ou des déclarations mensongères, soit d'une omission portant sur une situation propre à remettre en cause l'admission au statut (comme un mariage, ou un séjour dans le pays d'origine). En l'espèce, le bénéficiaire du statut avait utilisé l'état civil et les éléments de biographie de son frère lors de sa demande de protection à laquelle l'OFPRA avait donné une suite favorable en 2012. L'Office, informé de ces éléments, avait pris une décision de retrait du statut en 2013, et la CNDA avait rétabli l'intéressé dans sa qualité de réfugié en 2015 estimant qu'en dépit de la fraude, l'intéressé devait encore être regardé comme pouvant conserver sa qualité de réfugié. Sur ce principe, le Conseil d'Etat confirme que l'appréciation de la CNDA est souveraine. De même, et alors que l'intéressé faisait l'objet d'un avis favorable du juge judiciaire quant à son extradition "sous réserve du retrait de sa qualité de réfugié" (faute de quoi, bien évidemment, on se heurterait frontalement à l'interdiction d'extrader un réfugié (9), la Cour pouvait, sans commettre d'erreur de droit puisqu'elle n'est pas liée par le juge judiciaire, considérer qu'il demeurait éligible à la protection. Mais, faisant application de la jurisprudence du 9 novembre 2016 (CE 9° et 10° ch.-r., 9 novembre 2016, n° 388830, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2510SG3), cf. supra) sur l'étendue du contrôle de cassation, le Conseil d'Etat sanctionne l'erreur de qualification juridique de la Cour et estime qu'en ne prenant pas la mesure "des critères de droit et de l'ensemble des pièces du dossier, notamment la concomitance du départ de M. B. de son pays d'origine avec l'engagement des poursuites criminelles à son encontre et les éléments rassemblés dans l'avis de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, la Cour nationale du droit d'asile n'a pas légalement justifié sa décision rétablissant M. B. dans sa qualité de réfugié". En l'espèce, ce n'est pas tant la fraude initiale que les poursuites diligentées par la Turquie à l'encontre de l'intéressé pour crime grave de droit commun (meurtre de sa belle-soeur) et fondant la demande d'extradition, qui font basculer l'intéressé dans les clauses d'exclusion du statut au sens des stipulations du b) du paragraphe F de l'article 1er de la Convention de Genève. Notons que la loi du 29 juillet 2015 a expressément prévu que l'autorité judiciaire communique désormais à l'OFPRA ou à la CNDA tout élément "de nature à faire suspecter" que la personne relève d'une clause d'exclusion (10) ou que sa demande d'asile ou de statut d'apatride revêt un caractère frauduleux (11).
IV - Compétence et office du juge de l'asile
A - Compétence de la CNDA pour toute décision relative à l'asile
La loi du 29 juillet 2015 a élargi la compétence de la CNDA, qui ne statuait jusqu'alors que sur les recours formés contre les décisions de l'OFPRA relatives à l'asile constitutionnel, à l'asile conventionnel et à la protection subsidiaire. Les nouvelles dispositions de l'article L. 731-2 (N° Lexbase : L9276K4C) lui donnent compétence pour statuer sur les décisions que l'OFPRA peut désormais prendre (décision d'irrecevabilité de la demande (12), demande de réexamen (13), refus ou retrait du statut (14)), et lui transfère la compétence pour statuer sur certaines décisions de l'OFPRA (refus d'enregistrement de la demande d'asile, rejet pour tardiveté) qui étaient jusqu'alors contestées devant le juge administratif de droit commun territorialement compétent (le tribunal administratif de Melun au regard du siège de l'OFPRA). Par trois arrêts du 23 décembre 2016, le Conseil d'Etat attribue le jugement à la CNDA.
La décision par laquelle l'OFPRA met fin au statut de réfugié relève désormais de la compétence de la CNDA.
La décision par laquelle l'OFPRA refuse d'enregistrer une demande d'asile au motif qu'elle a été introduite à la suite de manoeuvres frauduleuses relève de la compétence de la CNDA.
La décision par laquelle l'OFPRA rejette une demande d'asile pour tardiveté relève de la compétence de la CNDA.
B - Office du juge de l'asile et mesures provisoires CEDH
La décision par laquelle la cour européenne des droits de l'Homme ordonne, sur le fondement des mesures provisoires d'urgence, de ne pas renvoyer un demandeur d'asile est sans incidence sur l'office du juge de l'asile, mais son respect s'impose, même lorsque la demande d'asile est définitivement rejetée, tant que la CEDH n'a pas statué au fond.
Des ressortissants russes d'origine tchétchène ont introduit un pourvoi en cassation contre la décision de la CNDA rejetant leur demande d'asile dans le cadre d'une demande de réexamen. Destinataires d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'une assignation à résidence à la suite du rejet définitif de leur demande d'asile initiale, ils avaient saisi la CEDH d'une demande de mesures provisoires sur le fondement de l'article 39 du Règlement de la Cour (15), à laquelle le juge désigné avait donné une suite favorable et demandé au Gouvernement français de ne pas renvoyer les requérants vers la Fédération de Russie pendant la durée de la procédure devant la Cour. Devant le Conseil d'Etat, les requérants faisaient notamment grief à l'arrêt de la CNDA de n'avoir pas rouvert l'instruction suite aux mesures ordonnées par la CEDH. Le Conseil d'Etat a rapidement écarté ce moyen dès lors que la CNDA avait rejeté la requête en dépit desdites mesures provisoires et qu'elle en avait donc nécessairement tenu compte, ne méconnaissant ainsi pas le principe du caractère contradictoire de la procédure (moyen qui ne peut en tout état de cause pas être soulevé au bénéfice de l'adversaire (16)). Les requérants reprochaient également à la CNDA d'avoir méconnu les règles de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales relatives à un procès équitable (6 § 1) (N° Lexbase : L7558AIR), au droit à un recours effectif (article 13 N° Lexbase : L4746AQT) et à l'effectivité du droit au recours individuel devant la CEDH (article 34 N° Lexbase : L4769AQP). Le Conseil d'Etat a saisi l'occasion de rappeler (ce qu'il a rarement l'occasion de faire) que les moyens tirés de la méconnaissance de 6 § 1 de la Convention sont inopérants dès lors que le juge de l'asile ne statue "pas sur des contestations de caractère civil ni sur des accusations en matière pénale" (17). Il a ensuite écarté les moyens tirés de la violation des articles 13 et 34 de la Convention en précisant la portée des mesures provisoires adressées "au gouvernement" s'agissant de l'éloignement des étrangers. Il indique de manière très pédagogique qu'elle ne sont pas adressées à la CNDA et sont donc "sans incidence sur l'office du juge national statuant sur l'admission au bénéfice de la qualité de réfugié", mais bien adressées aux autorités préfectorales à qui il "incombe de s'abstenir de mettre à exécution les mesures décidées à ce titre" tant "que la Cour européenne des droits de l'Homme n'aura pas statué au fond sur le fondement de l'article 34 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ou mis fin aux mesures provisoires". La CEDH s'est depuis prononcée au fond et a rejeté la requête (18).
V - Garanties procédurales
A - De la confidentialité
Un principe de confidentialité gouverne la procédure d'asile et comporte notamment une obligation de non divulgation qui pesait déjà sur l'OFPRA et a été formellement étendue à la CNDA par la loi du 29 juillet 2015 (19), impliquant que la collecte d'information nécessaire à l'examen d'une demande ou d'un recours "ne doit pas avoir pour effet de divulguer aux auteurs présumés de persécutions ou d'atteintes graves l'existence de cette demande d'asile ou d'informations la concernant". Par deux arrêts de février et juillet 2016, relatifs à des décisions prises antérieurement à la réforme législative, le Conseil d'Etat a eu l'occasion de rappeler les principes gouvernant le respect de la confidentialité dans la procédure d'asile.
1 - Rupture de confidentialité justifiant un réexamen
Dans un arrêt rendu le 10 février 2016, le Conseil d'Etat a énoncé que la transmission aux autorités du pays d'origine, après qu'une demande d'asile a été définitivement rejetée, d'informations relatives à l'existence ou au contenu de cette demande constitue un fait nouveau justifiant un nouvel examen de la demande d'asile. Venant surtout rappeler le principe fondamental de la garantie de confidentialité due aux demandeurs d'asile, il indique également que la rupture de confidentialité sur l'existence de la demande d'asile est un fait nouveau justifiant un réexamen de cette demande. Dans cet arrêt commenté au sein de cette revue (20), le Conseil d'Etat rappelle la valeur constitutionnelle du principe de confidentialité et la garantie particulièrement essentielle qu'il représente lorsque des informations sur une personne qui dit craindre une persécution dans son pays d'origine sont précisément communiquées à son pays d'origine. Toutefois, en l'espèce, ce n'est pas le juge de l'asile ou l'OFPRA qui a brisé la confidentialité, mais la préfecture, qui n'est a priori pas soumise aux mêmes règles.
2- Excès de confidentialité résultant en une erreur de droit
Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat censure l'erreur de droit de la CNDA qui méconnait son office en refusant de demander la communication d'information relative à l'épouse d'un demandeur d'asile, alors même que l'OFPRA s'était appuyé "de manière déterminante" sur des éléments issus du dossier de ladite épouse pour prendre la décision attaquée. La Haute juridiction administrative précise que s'il "incombe à l'OFPRA de garantir la confidentialité des éléments d'information susceptibles de mettre en danger les personnes qui sollicitent l'asile ainsi que le respect de la vie privée ou du secret médical, aucune règle ni aucun principe ne font obstacle, de manière absolue, à ce qu'il se fonde, pour apprécier le bien-fondé d'une demande d'asile, sur des éléments issus du dossier d'un tiers".
B - Moyen d'ordre public et procédure d'asile
La CNDA s'était fondée, pour rejeter la demande d'asile des intéressés (de nationalité russe), sur le fait qu'ils bénéficiaient d'une seconde nationalité (arménienne) et qu'ils n'établissaient pas ne pas pouvoir se prévaloir de la protection de la République d'Arménie. Or, l'OFPRA n'a jamais étudié leur demande au regard de cette seconde nationalité. Ainsi, la Cour a soulevé un moyen d'office, ce qu'elle a parfaitement le droit de faire, à condition d'en informer préalablement les parties, à peine d'irrégularité de la procédure. Ce principe bien connu de la procédure contentieuse administrative (21), et régulièrement pratiqué par la CNDA (22), a intégré les textes régissant la procédure devant la cour en 2013 (23). Le Conseil d'Etat censure pour la première fois la méconnaissance de cette obligation préalable des parties "lorsque la formation de jugement est susceptible de fonder sa décision sur un moyen soulevé d'office".
(1) Nos obs., La "réforme" du droit d'asile in Lexbase, éd. pub., n° 384, 2015 (N° Lexbase : N8741BUB).
(2) Du titre IV : "Droit au séjour des demandeurs d'asile" du Livre VII du CESEDA rebaptisé "Accès à la procédure et conditions d'accueil des demandeurs d'asile".
(3) CFDA, Analyse du projet de loi relatif à la réforme du droit d'asile, avril 2015, 18 p..
(4) Arrêté du 23 octobre 2015, relatif au questionnaire de détection des vulnérabilités des demandeurs d'asile prévu à l'article L. 744-6 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L3589KPM).
(5) Qui ne disparait pas complètement et restera en vigueur "pour une durée déterminée" pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire et les apatrides.
(6) CE, Ass. 2 décembre 1994, n° 112842, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4039ASE), p. 523, concl. Denis-Linton, AJDA, 1994, p. 914 et p. 878, chron. Touvet et Stahl, RFDA, 1995, p. 86, concl. Denis-Linton.
(7) CE, 12 décembre 1986, n° 57214, 57789, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4850AML), p. 279.
(8) C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 711-4 (N° Lexbase : L2529KDZ) : "[...] L'office peut également mettre fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au statut de réfugié lorsque : [...] 2° La décision de reconnaissance de la qualité de réfugié a résulté d'une fraude [...]".
(9) CE, 1er avril 1988, n° 85234, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7654AP8), p. 135 ; principe étendu au bénéficiaire de la protection subsidiaire dans l'arrêt CE 2° et 7° ch.-r., 30 janvier 2017, n° 394172, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6988TA3).
(10) C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 713-5 (N° Lexbase : L2534KD9).
(11) C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 711-6 (N° Lexbase : L2531KD4).
(12) C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 723-11 (N° Lexbase : L2561KD9).
(13) C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 723-15 (N° Lexbase : L2555KDY) et L. 723-16 (N° Lexbase : L2556KDZ).
(14) Lorsqu'aux termes des dispositions de l'article L. 711-6 : "1° Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat ; 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société".
(15) Voir CEDH, fiche thématique, Les mesures provisoires, janvier 2017, 13 p..
(16) CE, 15 mars 2000, n° 185837 (N° Lexbase : A0659AUX), T. pp. 1047-1161-1184.
(17) CE 10° et 9° s-s-r, 10 janvier 2001, n° 207159 (N° Lexbase : A2220AI3) ; CE 9° et 10° s-s-r., 9 novembre 2005, n° 254882 (N° Lexbase : A4973DLR).
(18) CEDH, 12 juillet 2016, Req. 68264/14 (N° Lexbase : A9901RWM).
(19) C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 723-10 (N° Lexbase : L2547KDP) et L. 733-4 ([LXB=L6592KD]).
(20) Nos obs., Communication d'informations concernant un demandeur d'asile et accroissement du risque de persécution : un fait nouveau justifiant le réexamen de la demande, Lexbase, éd. pub., n° 408, 2016 (N° Lexbase : N1776BWP).
(21) CJA, art. R. 611-7 (N° Lexbase : L2017K9L).
(22) CNDA, 2 décembre 2009, "Omoruyi", n° 09006046.
(23) C. entr. séj. étrang. et asile, art. R. 733-16 (N° Lexbase : L9464IXS), issu du décret n° 2013-751 du 16 août 2013, relatif à la procédure applicable devant la Cour nationale du droit d'asile (N° Lexbase : L7246IXN).
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