Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 21 octobre 2016, n° 380433, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6650R98)
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par Vincent Daumas, Rapporteur public au Conseil d'Etat
le 17 Novembre 2016
C'est dans ce cadre que M. B, adjoint technique des établissements d'enseignement, a été placé en détachement auprès de la région Auvergne à compter du 1er janvier 2009 pour continuer à exercer ses fonctions au sein d'un lycée de Clermont-Ferrand. Assez rapidement, des difficultés d'emploi sont apparues : le médecin de prévention l'a estimé physiquement inapte à tout poste technique ou d'entretien ; il l'a également estimé inapte à un poste d'accueil, sur lequel un essai avait été tenté ; le comité médical départemental a jugé son état de santé incompatible avec une activité professionnelle impliquant une station debout prolongée, le port de charges ou un travail en hauteur, en revanche il a jugé possible un travail de bureau.
Les divers échanges qui s'ensuivent entre l'agent, l'Etat et la région relèvent du dialogue de sourds : M. B. a demandé au recteur de l'académie la fin de son détachement auprès de la région et sa réintégration au sein des services de l'Etat ; la région a abondé en son sens, estimant être dans l'incapacité d'affecter l'intéressé sur un emploi compatible avec son état de santé ; à ces demandes, le recteur d'académie a répondu en mettant en doute l'inaptitude de M. B. à l'exercice de toutes fonctions correspondant aux missions transférées à la région et en indiquant qu'il ne disposait d'aucun poste vacant au sein des services de l'Etat sur lequel réintégrer l'intéressé. C'est un courrier du 22 novembre 2011 signé par le recteur, réitérant en substance cette position, qui cristallise le litige.
La région a porté le différend devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand en lui demandant à titre principal, d'une part, l'annulation de la décision de rejet contenue dans le courrier du recteur, d'autre part, le versement par l'Etat d'une indemnité correspondant aux rémunérations versées à M. B. à compter du 28 novembre 2011, date de réception de ce courrier -il s'agissait, autrement dit, de faire supporter à l'Etat les conséquences financières de son refus de reprendre M. B. à son service à compter de cette date-. Le tribunal administratif, puis la cour administrative d'appel de Lyon (CAA Lyon, 3ème ch., 18 mars 2014, n° 13LY00481 N° Lexbase : A1336MP8), ont successivement rejeté ces conclusions, après avoir interprété le courrier du recteur d'académie comme manifestant un refus de mettre fin au détachement de M. B.
Quelques dispositions spécifiques aux fonctionnaires placés en "détachement à durée indéterminée" -si vous nous permettez cette expression- en application de l'article 109 de la loi du 13 août 2004 sont contenues dans un décret du 30 décembre 2005 (2). En ce qui concerne la fin anticipée du détachement, le pouvoir réglementaire a fait le choix de l'alignement sur le droit commun puisque, selon les dispositions du II de l'article 3 de ce décret, il peut être mis fin à un tel détachement "dans les conditions prévues aux trois premiers alinéas de l'article 24 du décret du 16 septembre 1985" -il s'agit du décret régissant, pour les fonctionnaires de l'Etat, certaines de leurs positions statutaires particulières (décret dit "positions") (3), dont la position de détachement-.
A la lecture des dispositions de l'article 24 du décret "positions" applicable à la fonction publique de l'Etat, il apparaît clairement, en premier lieu, que l'initiative de la fin anticipée d'un détachement peut être le fait soit de l'administration d'origine, soit de l'administration d'accueil -hypothèses prévues par le premier alinéa-, soit encore de l'agent lui-même -hypothèse prévue par le troisième alinéa-. Il apparaît tout aussi clairement, en deuxième lieu, que lorsque l'initiative est prise par l'administration d'accueil et que l'administration d'origine ne peut immédiatement affecter son agent sur un emploi vacant, c'est l'administration d'accueil qui en supporte les conséquences financières en continuant, malgré la fin du détachement, à rémunérer l'agent -cela résulte expressément du deuxième alinéa-. Et il est encore parfaitement clair que, lorsque la fin du détachement est prononcée à l'initiative de l'agent et que son administration d'origine ne peut lui fournir immédiatement une affectation, les conséquences financières pèsent cette fois sur l'agent, qui est placé en disponibilité et cesse d'être rémunéré jusqu'à sa réintégration à l'une des trois premières vacances de poste -tout cela est prévu par le troisième alinéa-.
En revanche, la formule impersonnelle utilisée par les dispositions de l'article 24 du décret du 16 septembre 1985 ne permet pas d'identifier avec clarté l'autorité compétente pour prononcer la fin du détachement.
Pour statuer sur les conclusions de la région, la cour administrative d'appel s'est fondée sur un unique motif : elle a déduit des textes règlementaires que nous venons de citer que la région, administration d'accueil, avait le pouvoir de mettre elle-même fin au détachement de M. B., ce dont elle a déduit que ses conclusions à fin d'annulation étaient irrecevables -et elle a rejeté les conclusions indemnitaires par voie de conséquence-. La cour a fait application de votre jurisprudence ancienne et constante selon laquelle l'administration n'est pas recevable à demander au juge de prononcer une mesure qu'elle a le pouvoir de prendre (CE 30 mai 1913, Préfet de l'Eure, n° 49241, au Recueil p. 583).
Ce faisant, elle a pris position en ce sens que l'administration d'accueil a elle-même le pouvoir de mettre fin au détachement, ce que le pourvoi de la région, devenue entre-temps région Auvergne-Rhône-Alpes, critique notamment par un moyen d'erreur de droit.
La question ainsi soulevée par le pourvoi n'appelle pas de réponse évidente. L'ambiguïté des textes comme de votre jurisprudence a déjà été parfaitement mise en lumière par Aurélie Bretonneau, avec le style incisif et savoureux qu'on lui connaît, dans ses conclusions sur une décision du 11 mars 2015, dans laquelle vous n'avez pas eu finalement à trancher ladite question (CE, 11 mars 2015, n° 356390 N° Lexbase : A6894NDP, aux tables du Recueil, donc, sur un autre point). Nous reprenons à notre compte une bonne partie de ses analyses.
Votre jurisprudence ne laisse pas de doute sur le caractère "essentiellement révocable" du détachement : vous jugiez, avant même que les textes statutaires reprennent ce principe, "qu'en l'absence de texte contraire, il peut être mis fin au détachement d'un fonctionnaire à toute époque" (CE Sect., 24 juillet 1942, Sieur Casanova, n° 68320, au Recueil p. 232). Dans ce cas, c'est bien sûr l'administration d'origine qui est compétente pour procéder à la réintégration du fonctionnaire, c'est-à-dire pour lui donner une nouvelle affectation (CE Sect., 21 octobre 1960, n° 15355, au Recueil p. 552).
En revanche, en amont de la réintégration du fonctionnaire détaché, qui par la force des choses ne peut guère qu'incomber à son administration d'origine, votre jurisprudence est équivoque quant aux pouvoirs respectifs de l'administration d'origine et de l'administration d'accueil dans l'hypothèse d'une fin anticipée de détachement. S'agissant de l'administration d'accueil, vous vous référez le plus souvent au pouvoir "de remettre le fonctionnaire à la disposition de son administration d'origine". Mais sur le point de savoir si cette décision vaut par elle-même fin du détachement ou si au contraire la fin du détachement ne peut être prononcée que par l'administration d'origine, les rédactions employées par vos décisions hésitent. Certaines distinguent nettement la décision de remettre le fonctionnaire à la disposition de son administration d'origine de celle, prise par cette dernière, de prononcer la fin du détachement (CE, 9 octobre 1968, n° 70886 N° Lexbase : A6687B7S, aux tables du Recueil). D'autres au contraire paraissent assimiler la remise du fonctionnaire à la disposition de son administration d'origine à la fin du détachement (CE, 22 décembre 1965, n° 61441 et 62231 N° Lexbase : A5563B8K, au Recueil p. 707 ; CE, 24 mai 1968, n° 71577 N° Lexbase : A6671B8L, aux tables du Recueil ; plus récemment, CE, 7 juin 1985, n° 46091 N° Lexbase : A3518AMA, aux tables du Recueil ; CE, 25 octobre 1993, n° 131726 N° Lexbase : A0846ANN, inédite au Recueil).
Au sein de votre jurisprudence relativement récente, une décision mérite tout particulièrement d'être signalée (CE, 13 janvier 1995, n° 138990 N° Lexbase : A2093ANT, aux tables du Recueil). Vous avez jugé à propos d'un agent de la fonction publique hospitalière que la décision de mettre fin au détachement avant le terme fixé relevait exclusivement de la compétence de l'autorité investie du pouvoir de nomination, c'est-à-dire l'administration d'origine, l'administration d'accueil étant seulement compétente pour mettre fin aux fonctions occupées par le fonctionnaire détaché dans ses services. Et vous avez, en conséquence, prononcé l'annulation, pour incompétence, de la décision de l'administration d'accueil par laquelle celle-ci avait entendu formellement "mettre fin au détachement". Les conclusions de Serge Lasvignes sont instructives à deux titres. D'une part, il indiquait que la pratique suivie jusqu'alors consistait à mettre fin au détachement par deux décisions parallèles : l'une, de l'administration d'accueil, remettant le fonctionnaire à la disposition de l'administration d'origine ; l'autre, de cette dernière, prononçant la réintégration. D'autre part, votre commissaire du gouvernement estimait que cette pratique était désormais incompatible avec l'état des textes régissant la fonction publique hospitalière -c'est-à-dire la loi du 9 janvier 1986 (4) et le décret "positions" du 13 octobre 1988 (5)-. De fait, votre décision ne contient aucun considérant de principe et se fonde sur les dispositions de l'article 18 de ce décret, qui n'utilisent pas la formule impersonnelle employée par l'article 24 du décret "positions" applicable à la fonction publique de l'Etat et désignent au contraire clairement "l'autorité investie du pouvoir de nomination" comme celle compétente pour mettre fin au détachement.
Cette clarification en ce qui concerne la fonction publique hospitalière aurait pu en appeler d'autres s'agissant des deux autres fonctions publiques. Toutefois, peut-être gêné par les différences de rédaction entre les textes applicables, vous n'avez pas poussé plus avant l'exercice de clarification. Postérieurement à votre décision du 13 janvier 1995, vous avez continué de vous référer, de manière tout aussi ambiguë que précédemment, au pouvoir de l'administration d'accueil de remettre à tout moment le fonctionnaire détaché à la disposition de son corps d'origine (CE, 30 mai 2002, n° 220670 N° Lexbase : A6340AYH, inédite au Recueil), y compris tout récemment, et en insistant sur le "large pouvoir d'appréciation" dont dispose l'administration d'accueil pour ce faire (CE, 30 janvier 2015, n° 374772 N° Lexbase : A6918NAH, aux tables du Recueil précisément sur ce point). Nous avons également repéré, toujours postérieurement à votre décision du 13 janvier 1995, au moins deux décisions qui paraissent suggérer que l'administration d'accueil dispose du pouvoir de mettre fin au détachement (CE, 27 juillet 2001, n° 196998 et 203139 N° Lexbase : A4906AUA, inédite au Recueil ; CE 4° s-s., 9 avril 2010, n° 328541 N° Lexbase : A5715EU9, inédite au Recueil).
Pour résoudre la présente affaire, il nous semble que vous devrez sortir du bois.
A notre avis, les ambiguïtés des textes et de votre jurisprudence s'expliquent et se résolvent tout à la fois si l'on considère que l'administration d'origine, dès lors que l'administration d'accueil a remis à sa disposition le fonctionnaire détaché, est tenue de faire droit à ce qui doit être regardé comme une demande de l'administration d'accueil de mettre fin au détachement.
Cette situation de compétence liée -et nous pesons nos mots- nous paraît découler de l'essence même de la position de détachement ainsi que de l'économie des textes et valoir pour les trois fonctions publiques.
Le détachement d'un fonctionnaire ne peut intervenir que si se manifeste un triple concours de volonté : celle du fonctionnaire -puisqu'un détachement ne peut intervenir qu'à sa demande (6)-, celle de son administration d'origine -qui doit vérifier que l'intérêt du service ne s'oppose pas à ce qu'elle se sépare temporairement de son agent- et celle de l'administration d'accueil -qui doit vérifier que le détachement de ce dernier sur l'emploi qu'elle lui propose, de préférence à l'affectation d'un fonctionnaire d'un corps dont elle est le gestionnaire, obéit là aussi à l'intérêt du service-. Partant de l'idée que ce triple concours de volonté est nécessaire pour que le détachement advienne, il n'est pas déraisonnable de penser qu'il suffit que l'une de ces volontés fasse défaut pour que le détachement prenne fin. Il nous semble que votre jurisprudence et les textes ne disent finalement pas autre chose lorsqu'ils affirment, avec netteté et constance pour le coup, que le détachement présente un caractère "essentiellement révocable".
D'autant que l'économie générale des textes nous paraît bien en ce sens. Nous avons déjà cité les dispositions de l'article 24 du décret "positions" applicable à la fonction publique de l'Etat. En ce qui concerne la fin du détachement à la demande de l'administration d'accueil, elles reprennent en les précisant les dispositions du 6e alinéa de l'article 45 de la loi du 11 janvier 1984 (7), selon lesquelles "le fonctionnaire détaché remis à la disposition de son administration d'origine pour une cause autre qu'une faute commise dans l'exercice de ses fonctions, et qui ne peut être réintégré dans son corps d'origine faute d'emploi vacant, continue d'être rémunéré par l'organisme de détachement jusqu'à sa réintégration dans son administration d'origine". Vous remarquerez qu'on ne trouve nulle trace dans ces dispositions législatives d'un pouvoir d'appréciation de l'administration d'origine qui lui permettrait de refuser la remise à sa disposition du fonctionnaire. Dans une telle hypothèse, le rôle de l'administration d'origine nous paraît se borner à tirer les conséquences de la décision de l'administration d'accueil. Et à vrai dire, c'est le même sentiment qui se dégage à la lecture du 3e alinéa de l'article 24 du décret "positions" : elles énoncent les conséquences mécaniques, pour l'administration d'origine, de la demande du fonctionnaire tendant à ce qu'il soit mis fin à son détachement.
Cette absence de marge de manoeuvre de l'administration d'origine est-elle choquante ? Nullement nous semble-t-il. L'équilibre dessiné par les textes est de ce point de vue tout à fait satisfaisant : dès lors que l'administration d'origine sommée de réemployer son agent avant le terme normal du détachement se trouve dans l'impossibilité de le réintégrer, c'est la partie -pardon, le terme nous a échappé- c'est la partie à l'origine de la fin prématurée du détachement qui en supporte les conséquences financières. Il s'agit soit de l'agent qui est alors placé en position de disponibilité ; soit de l'administration d'accueil qui, alors même que le détachement doit prendre fin, est tenue de continuer à le rémunérer. Vous remarquerez que les textes n'explicitent pas cette question de la prise en charge financière de l'agent dans l'hypothèse où il est mis fin au détachement à l'initiative de l'administration d'origine. Cela s'explique aisément : une telle décision, qui ne peut être prise que dans l'intérêt du service, devrait toujours être motivée par la circonstance que l'administration d'origine cherche à nommer son agent sur un poste vacant qu'elle doit pourvoir ; dans cette hypothèse, il n'y a donc aucun décalage entre la fin du détachement du fonctionnaire et sa réintégration -dit autrement, les deux coïncident-.
Si vous doutiez encore de la solution que nous proposons, nous ferons observer que l'on trouve déjà dans votre jurisprudence quelques traces éparses de ce que l'administration d'origine est tenue de mettre fin au détachement à la demande, soit de l'administration d'accueil, soit du fonctionnaire détaché. Voyez en ce sens, à propos d'un fonctionnaire de l'Etat remis à la disposition de son administration d'origine, une décision de 2009 (CE 9ème s-s., 1er juillet 2009, n° 287776 N° Lexbase : A5588EIS, inédite au Recueil). Voyez également, à propos celle fois d'un fonctionnaire territorial demandant la fin de son détachement, une décision de 1995 (CE, 16 octobre 1995, n° 151998 N° Lexbase : A6217ANL, inédite au Recueil -dans cette dernière décision vous vous appuyez sur les dispositions de l'article 10 du décret "positions" applicable à la fonction publique territoriale (8), qui est rédigé dans les mêmes termes que l'article 24 du décret homologue applicable à la fonction publique de l'Etat-). Enfin nous relevons que, s'agissant non d'un détachement mais d'une mise à disposition d'un fonctionnaire de l'Etat, vous avez jugé on ne peut plus nettement que lorsque l'administration d'accueil demande à ce qu'il soit mis fin avant son terme normal à la mise à disposition, l'administration d'origine est en situation de compétence liée pour faire droit à cette demande (voyez CE, 1er mars 1996, n° 117481 N° Lexbase : A7993AND, aux tables du Recueil sur un autre point). Or, vous avez fondé cette solution sur les dispositions de l'article 7 du décret "positions" applicable à la fonction publique de l'Etat, qui sont tout à fait similaires à celles de son article 24.
Nous croyons donc très fermement que lorsque l'administration d'accueil ou le fonctionnaire détaché demande à ce qu'il soit mis fin au détachement avant le terme prévu, l'administration d'origine n'a d'autre choix que d'en tirer les conséquences en prononçant la fin du détachement.
Vous vous demanderez peut-être, alors, à quoi peut servir une décision formelle de l'administration d'origine de mettre fin au détachement, distincte de celle prise par l'administration d'accueil de remettre le fonctionnaire à la disposition de la première. A cela nous répondrons qu'une telle exigence nous semble de bonne administration, dans un domaine où il est important pour les différents acteurs que les choses soient claires : la décision formelle de l'administration d'origine de mettre fin au détachement joue le rôle d'une sorte "d'accusé de réception" de la remise à la disposition prononcée par l'administration d'accueil ; et elle constitue le point de départ de l'obligation pesant sur l'administration d'origine de réintégrer le fonctionnaire, dès la première vacance de poste. En outre, une telle décision formelle nous semble en tout état de cause requise lorsque le détachement doit prendre fin avant le terme prévu à la demande du fonctionnaire. Enfin, observons que cette exigence découle de votre jurisprudence du 13 janvier 1995. Cette solution était fondée, nous l'avons dit, sur une rédaction du décret "positions" applicable à la fonction publique hospitalière un peu différente de celle des dispositions équivalentes applicables aux deux autres fonctions publiques. Mais nous n'avons pas de doute, au terme de notre analyse des textes, qu'elle leur est tout à fait transposable. L'économie du détachement est fondamentalement la même dans les trois fonctions publiques -et c'est heureux, s'agissant du principal outil de mobilité qui existe entre elles-, par conséquent il y a lieu d'adopter, autant que possible, une interprétation unifiée des textes régissant cette position statutaire, propre à gommer les petites aspérités qui peuvent y apparaître.
Au vu de l'ensemble de ces considérations, nous vous proposons de faire droit au moyen du pourvoi tiré de ce que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en jugeant que la région avait elle-même le pouvoir de prononcer la fin du détachement de M. B.
Vous pourrez renvoyer l'affaire à la cour administrative d'appel -et il serait utile, si vous nous suivez, de préciser que l'administration d'origine, saisie d'une demande tendant à ce qu'il soit mis fin au détachement, soit à l'initiative de l'administration d'accueil, soit à l'initiative du fonctionnaire détaché, est tenue de faire droit à cette demande-. Indiquons, à ce propos, une dernière difficulté de cette affaire, qui tient à ce que les différents acteurs du litige ont soigneusement entretenu, chacun dans leur propre intérêt, une certaine ambiguïté quant à l'objet précis de leurs demandes et quant à la teneur exacte de leurs positions (9). Nous nous gardons bien de prendre partie sur cette question et laissons au juge du fond le soin de s'y pencher à nouveau.
Avant de conclure, permettez-nous un très bref retour au point de départ de ces conclusions : le litige qui vous est soumis concerne un fonctionnaire de l'Etat détaché sans limitation de durée auprès d'une région, en application de l'article 109 de la loi du 13 août 2004 -donc un cas bien particulier de détachement-. Un tel détachement "à durée indéterminée" n'a assurément pas été pensé dans la perspective d'un retour des fonctionnaires concernés dans le giron de la fonction publique de l'Etat. Le choix fait par le pouvoir réglementaire d'un renvoi aux dispositions de droit commun en ce qui concerne les conditions de la fin d'un tel détachement n'est pas pour autant déraisonnable. Nous vous le disions, l'économie de ces dispositions fait peser sur la partie qui demande de manière anticipée la fin du détachement les conséquences financières de l'absence de réintégration immédiate du fonctionnaire dans son administration d'origine. L'Etat ayant transféré la plupart des missions correspondant aux fonctions exercées par les fonctionnaires détachés sans limite de durée, il est vraisemblable qu'il ne dispose que d'un très faible nombre de postes à leur proposer en cas de retour... ce qui rend très fortement dissuasive, d'un point de vue financier, la fin anticipée du détachement à la demande de l'administration d'accueil ou du fonctionnaire. La simple application des dispositions de droit commun nous paraît permettre de réguler le système.
Par ces motifs nous concluons dans le sens qui suit :
1 - annulation de l'arrêt attaqué ;
2 - renvoi de l'affaire à la cour administrative d'appel ;
3 - mise à la charge de l'Etat, au profit de la région, d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3227AL4).
(1) Loi n° 2004-809 du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales (N° Lexbase : L0835GT4).
(2) Décret n° 2005-1785 du 30 décembre 2005, relatif au détachement sans limitation de durée de fonctionnaires de l'Etat en application de l'article 109 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales (N° Lexbase : L6469HEC).
(3) Décret n° 85-986 du 16 septembre 1985, relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de cessation définitive de fonctions (N° Lexbase : L1022G8D).
(4) Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière (N° Lexbase : L8100AG4).
(5) Décret n° 88-976 du 13 octobre 1988, relatif à certaines positions des fonctionnaires hospitaliers (N° Lexbase : L7758AI8).
(6) Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, relative à la fonction publique de l'Etat, art. 41 (N° Lexbase : L7077AG9), loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, relative à la fonction publique territoriale, art. 64 (N° Lexbase : L7448AGX), loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, relative à la fonction publique hospitalière, art. 51.
(7) Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. On trouve les mêmes dispositions à l'article 67 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, relative à la fonction publique territoriale, et à l'article 54 de la loi n° 86-36 du 9 janvier 1986, relative à la fonction publique hospitalière.
(8) Décret n° 86-68 du 13 janvier 1986, relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité et de congé parental des fonctionnaires territoriaux (N° Lexbase : L2809G8K).
(9) Il serait d'ailleurs peut-être sage, dans cette affaire, que la cour administrative d'appel mette en cause M. B.
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