Un contrôle d'identité fondé sur des caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable, est discriminatoire : il s'agit d'une faute lourde qui engage la responsabilité de l'Etat. Concernant la charge de la preuve, d'abord, la personne qui a fait l'objet d'un contrôle d'identité et qui saisit le tribunal doit apporter au juge des éléments qui laissent présumer l'existence d'une discrimination ; c'est ensuite à l'administration de démontrer, soit l'absence de discrimination, soit une différence de traitement justifiée par des éléments objectifs et, enfin, le juge exerce son contrôle. Telle est la solution retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation dans quatre arrêts rendus le 9 novembre 2016 (Cass. civ. 1, 9 novembre 2016, quatre arrêts, n° 15-24.212
N° Lexbase : A0608SGM, n° 15-25.873
N° Lexbase : A0611SGQ, n° 15-24.210
N° Lexbase : A0607SGL, n° 15-25.872
N° Lexbase : A0610SGP). En l'espèce, aux termes des différents pourvois, treize personnes estimaient avoir fait l'objet d'un contrôle d'identité fondé uniquement sur leur apparence physique : une origine africaine ou nord-africaine réelle ou supposée (couleur de peau, traits, tenue vestimentaire). Elles avaient alors assigné l'Agent judiciaire de l'Etat en réparation de leur préjudice moral. Le 24 mars 2015, la cour d'appel de Paris avait rendu treize arrêts : dans cinq cas, l'Etat a été condamné à verser des dommages-intérêts à la personne contrôlée ; dans les huit autres, la responsabilité de l'Etat n'a pas été retenue. Des pourvois ont été formés contre ces treize arrêts, soit par l'Agent judiciaire de l'Etat, soit par les personnes contrôlées. La Cour constate que la cour d'appel a correctement appliqué cette méthode : l'Etat a été condamné lorsqu'il n'a pas démontré que la différence de traitement était justifiée par des éléments objectifs ; l'Etat n'a pas été condamné lorsque la différence de traitement était justifiée par des éléments objectifs, la personne contrôlée correspondant au signalement d'un suspect recherché ; l'Etat n'a pas été condamné lorsque la personne contrôlée n'a pas apporté les éléments de fait qui traduisaient une différence de traitement et laissaient présumer l'existence d'une discrimination, l'invocation de statistiques qui attestent de la fréquence de contrôles effectués sur une même catégorie de population appartenant aux "minorités visibles" ne constituant pas, à elle seule, une preuve suffisante, tout comme les témoignages apportés. En conséquence, onze des pourvois formés contre les arrêts de la cour d'appel sont donc rejetés. Dans deux affaires, cependant, l'arrêt est cassé : dans un cas, pour non-respect d'une règle de procédure civile indépendante de la question des contrôles d'identité ; dans l'autre, parce que la cour d'appel n'a pas recherché si la différence de traitement n'était pas justifiée par des éléments objectifs apportés par l'administration.
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