L'article L. 3171-2 du Code du travail (
N° Lexbase : L0777H9N), qui autorise les délégués du personnel à consulter les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, n'interdit pas à un syndicat de produire ces documents en justice ; le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit nécessaire à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi. Telles sont les solutions dégagées par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 9 novembre 2016 (Cass. soc., 9 novembre, n° 15-10.203, FS-P+B+R+I
N° Lexbase : A2511SG4 ; voir également Cass. soc., 19 décembre 2012, n° 10-20.526, FS-P+B
N° Lexbase : A1590IZW).
Une décision de justice ayant interdit à une société de faire travailler ses salariés le dimanche, un syndicat, pour faire constater le fait que la société ne respectait pas cette interdiction, saisit le tribunal de grande instance. Il présente comme preuves des photographies de documents qu'un délégué du personnel a le droit de consulter : décomptes du temps de travail des salariés, plannings horaires, contrats de travail et bulletins de paie.
La cour d'appel (CA Versailles, 6 novembre 2014, n° 13/05803
N° Lexbase : A8056MZE) écarte ces éléments de preuve. Elle retient que le droit de consultation prévu par l'article L. 3171-2 du Code du travail est exclusif de toute appropriation, notamment par copie ou par photographie, et que la photographie de documents contenant des données personnelles sur les salariés, sans qu'il soit justifié de l'accord des intéressés, n'était pas un moyen de preuve légalement admissible. Le syndicat se pourvoit en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel au visa des articles L. 3171-2 du Code du travail, des articles 6 (
N° Lexbase : L7558AIR) et 8 (
N° Lexbase : L4798AQR) de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de l'article 9 du Code de procédure civile (
N° Lexbase : L1123H4D). En statuant comme elle l'a fait, alors, d'une part, que la copie de documents que les délégués du personnel ont pu consulter en application des dispositions de l'article L. 3171-2 du Code du travail constitue un moyen de preuve licite, d'autre part, qu'elle avait constaté qu'un délégué du personnel avait recueilli les documents litigieux dans l'exercice de ses fonctions de représentation afin de vérifier si la société respectait la règle du repos dominical et se conformait aux dispositions de l'ordonnance de référé, ce dont il résulte que la production de ces documents ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie personnelle des salariés concernés au regard du but poursuivi, la cour d'appel a violé les textes susvisés (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3802ETY).
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