Il appartient au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre des dispositions transitoires de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 (
N° Lexbase : L8392G9P) permettant d'étendre aux enfants nés avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance le nouveau délai de prescription de dix ans, ne porte pas, au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la CESDH, une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi. C'est en ce sens que s'est prononcée la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 9 novembre 2016 (Cass. civ. 1, 9 novembre 2016, n° 15-25.068, FS-P+B+I
N° Lexbase : A0609SGN). Le 12 novembre 2011, M. S., né le 26 septembre 1962, sans filiation paternelle établie, avait assigné M. T. en recherche de paternité. Il faisait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable comme prescrite. La Cour suprême relève que si l'impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la CESDH (
N° Lexbase : L4798AQR), la prescription des actions relatives à la filiation est prévue par la loi et poursuit un but légitime en ce qu'elle tend à protéger les droits des tiers et la sécurité juridique. Il s'en déduit que, s'agissant en particulier de l'action en recherche de paternité, l'ordonnance de 2005 a prévu des dispositions transitoires favorables, dérogeant à la règle selon laquelle la loi n'a pas, en principe, d'effet sur une prescription définitivement acquise, afin d'étendre aux enfants nés avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance le nouveau délai de prescription de dix ans. Ainsi, ces dispositions, qui ménagent un juste équilibre entre le droit à la connaissance et à l'établissement de son ascendance, d'une part, les droits des tiers et la sécurité juridique, d'autre part, ne méconnaissent pas les exigences résultant de l'article 8 précité. Il appartient toutefois au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre de ces dispositions ne porte pas, au droit au respect de la vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi. La cour d'appel, en l'espèce, avait relevé, que l'action de M. S., majeur depuis le 26 septembre 1980, n'avait été engagée que le 12 novembre 2011, de sorte qu'en application des textes susvisés, elle était prescrite ; elle avait retenu que cette action, qui tendait à remettre en cause une situation stable depuis 50 ans, portait atteinte à la sécurité juridique et à la stabilité des relations familiales, M. T. étant âgé de 84 ans, marié et père d'une fille. Selon la Cour suprême, elle avait pu en déduire que la prescription opposée à M. S. ne portait pas, au regard du but légitime poursuivi, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale (cf. l’Ouvrage "La filiation" N° Lexbase : E4362EY9).
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