Informé de l'existence d'une procédure pénale ouverte devant le TGI de Rouen à l'encontre de dirigeants d'entreprises pour participation à des ententes dans le secteur de la restauration des monuments historiques, le Conseil de la concurrence, auquel l'Autorité de la concurrence a succédé, s'est saisi d'office, en 2007, du volet concurrentiel du dossier. L'Autorité de la concurrence a rendu, le 26 janvier 2011, une décision par laquelle elle prononce des sanctions à hauteur de 10 millions d'euros à l'encontre de quatorze entreprises pour s'être réparties la quasi-totalité des marchés publics de restauration des monuments historiques dans trois régions : Basse-Normandie, Haute-Normandie et Picardie. Des ententes ponctuelles ont également été mises en place dans les régions Aquitaine, Bourgogne, Nord-Pas-de-Calais et Ile-de-France (Autorité de la concurrence, décision n° 11-D-02, 26 janvier 2011
N° Lexbase : X9511AHQ). Les éléments du dossier transmis par le juge pénal ont révélé l'existence de tables rondes, au cours desquelles les sociétés se répartissaient les chantiers régionaux après consultation de la programmation annuelle établie par la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC). Le principe consistait à répartir les chantiers de la région entre les entreprises locales, chacune faisant part de ses "souhaits" et obtenant une quote-part du montant annuel des marchés passés par la DRAC. Ce partage obéissait à un critère géographique, les entreprises privilégiant les chantiers géographiquement proches de leur lieu d'implantation afin de limiter les frais, et à un critère fondé sur l'historique de l'entreprise, chacune restant sur le monument sur lequel elle avait l'habitude de travailler. La répartition tenait aussi compte du niveau d'activité des entreprises, c'est-à-dire des chantiers déjà obtenus et des consultations futures. Avant le dépôt des offres, des échanges d'informations avaient lieu entre les entreprises pour "mettre en musique" les ententes et garantir ainsi l'attribution des marchés telle qu'elle avait été arrêtée. Des offres de couverture étaient aussi sollicitées auprès d'entreprises extérieures à la région, visant notamment à "faire nombre" et donner l'apparence d'un degré de concurrence élevé auprès du maître d'ouvrage. En "échange de ce service", ces dernières étaient à leur tour couvertes dans leur région d'intervention. En faussant le jeu de la concurrence sur la quasi-totalité des chantiers lancés dans ces régions, les entreprises ont affecté particulièrement les comptes publics, les maîtres d'ouvrage étant à titre principal l'Etat, parfois pour le compte de particuliers, et des collectivités territoriales les sanctions pécuniaires. Pour déterminer les sanctions pécuniaires, l'Autorité de la concurrence a tenu compte de la gravité des pratiques en cause, de l'importance du dommage causé à l'économie et de la situation individuelle de chaque société (notamment la durée de leur participation à l'entente).
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