Réf. : Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C)
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Ency-clopédie "Droit de la protection sociale"
le 01 Septembre 2016
- formes individuelles (art. 95, transferts conventionnels de contrats de travail) ou collectives (art. 22, accords de préservation ou de développement de l'emploi) ;
- cadres juridiques ; contractuel, hors contrat de travail (art. 85, portage salarial) ;
- bénéficiaires/publics cibles : les jeunes (art. 46, parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie ; art. 47, aides en faveur des jeunes à la recherche de leur premier emploi ; art. 49 et 50, garantie jeunes) ; les handicapés (art. 52, emploi des travailleurs handicapés ; art. 121, obligation d'emploi des travailleurs handicapés) ; les apprentis (art. 72 à 77 : apprentissage) ; les travailleurs saisonniers (art. 86 et 87, emploi saisonnier) ; et enfin, entreprises (art. 97, revitalisation des bassins d'emploi ; art. 122, obligation pour l'entreprise de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées en cas de licenciement lié à un traitement discriminatoire ou à des faits de harcèlement ; art. 61, droit à l'information des employeurs des entreprises de moins de trois cents salariés) ;
- le traitement et la gestion des séquences dans la formation/exécution/rupture du contrat de travail. Continuité des trajectoires professionnelles (art. 39, 42, 43, 44 et 45, compte personnel d'activité ; art. 79, sécurisation des listes des formations éligibles au compte personnel de formation) ; licenciement (art. 67, motif économique du licenciement ; art. 94, PSE ; art. 123, versement d'une indemnité au moins égale à six mois en cas de licenciement lié à un traitement discriminatoire ou en raison de faits de harcèlement sexuel) ;
- position sur le marché du travail. Personnes exclues (art. 53, ateliers et chantiers d'insertion) ; chômeurs (art. 119, renforcement des sanctions en cas de versement indu de prestations d'assurance chômage) ;
- modalités de soutien et d'aides aux entreprises (art. 70, coopératives d'activité et d'emploi sous forme de société coopérative ; art. 80, harmonisation des seuils sociaux ; art. 88, modalités de calcul de l'effectif d'un groupement d'employeurs ; art. 90, constitution des groupements d'employeurs "mixtes" sous la forme de sociétés coopératives ; art. 91, apprenti recruté par un groupement d'employeurs.
Le projet de loi, en son temps, a suscité de nombreuses réactions politiques, syndicales, très médiatisées ; mais aussi doctrinales (1), notamment dans ces colonnes (2). La loi du 8 août 2016 n'est donc traitée qu'à l'aune des points, assez nombreux et nouveaux, tels qu'ils n'ont pas été envisagés initialement, quelques mois plus tôt.
I - L'emploi, une responsabilité de l'employeur seul
Dans le champ de l'emploi (titre IV, favoriser l'emploi), le législateur a conçu le rôle de l'employeur en ses trois dimensions, évoquées en trois temps : amélioration de l'accès au droit des entreprises et favoriser l'embauche (chap. Ier) ; développement de l'apprentissage comme voie de réussite et renforcer la formation professionnelle (chap. II) et enfin, préservation de l'emploi (chap. III) (3).
A - Améliorer l'accès au droit des entreprises et favoriser l'embauche
Ce chapitre de la loi regroupe assez confusément des dispositifs disparates poursuivant des objectifs distincts et parfois éloignés de l'emploi :
- qualité de la norme et amélioration des relations Etat/entreprises. A ce titre, le législateur a mis en place un droit à l'information des entreprises de moins de trois cents salariés (art. 61) (4) ; la possibilité pour l'employeur d'assurer par décision unilatérale la couverture complémentaire de certains salariés par le versement santé (art. 62) (5) ; la loi du 8 août 2016 a ratifié l'ordonnance relative aux garanties consistant en une prise de position formelle, opposable à l'administration, sur l'application d'une norme à la situation de fait ou au projet du demandeur (art. 69) ;
- lutte contre la complexité de la norme et faciliter leur appropriation/mise en oeuvre par les entreprises. A ce titre, la loi du 8 août 2016 a mis en place des accords-types de branche (art. 63) (6) ; a reformé le dialogue social dans les réseaux de franchise (art. 64) ainsi que le caractère libératoire du titre emploi-service entreprise (TESE, art. 66) (7). La loi du 8 août 2016 a également ratifié l'ordonnance relative aux garanties consistant en une prise de position formelle, opposable à l'administration, sur l'application d'une norme à la situation de fait ou au projet du demandeur (art. 69) (8). C'est dans ce cadre que le législateur a rénové profondément le droit du licenciement économique (art. 67).
1 - Motif économique
Le législateur a un peu modifié la nature et le périmètre de sa réforme du licenciement pour motif économique, entre mars 2016 (projet de loi) (9) et août 2016 (vote définitif, loi du 8 août 2016), dans des circonstances animées et très débattues (10). La trame est identique : désormais, à compter du 1er décembre 2016, en application de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (art. 67 ; C. trav., art. L. 1233-3 N° Lexbase : L8772IA7), constituera un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : à des difficultés économiques qui devront répondre à des critères déterminés par la loi ; à des mutations technologiques ; à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; à la cessation d'activité de l'entreprise. Les causes matérielles de licenciement ne changent donc pas.
La loi finalement votée, contrairement au projet de loi, précise ce que recouvrent les "difficultés économiques" (C. trav., art. L. 1233-3). Elles sont caractérisées, à compter du 1er décembre 2016, soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique (tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation), soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :
- un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
- deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
- trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
- quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus.
2 - Appréciation des difficultés économiques
Initialement, le projet de loi "El Khomri" (art. 30 ; C. trav., art. L. 1233-3) (11) prévoyait que la matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise. En revanche, l'appréciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la nécessité d'assurer la sauvegarde de sa compétitivité s'effectuait au niveau de l'entreprise si cette dernière n'appartient pas à un groupe ; à défaut, au niveau du secteur d'activité commun aux entreprises implantées sur le territoire national du groupe auquel elle appartient.
Ce point avait été très débattu, aussi bien par les deux chambres que par les syndicats et autres corps intermédiaires. Au final, la loi du 8 août 2016 a allégé considérablement le régime de l'appréciation des difficultés économiques, car désormais (à compter du 1er décembre 2016) la matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise (loi du 8 août 2016, art. 67 ; C. trav., art. L. 1233-3).
B - Préserver l'emploi
La préservation de l'emploi, au sens où le législateur l'entend, appelle des réformes dont le champ d'application s'annonce disparate, selon une logique et une cohérence qu'on aura peine à identifier. En effet, au nom de la préservation de l'emploi, le législateur a réformé le régime du portage salarial (art. 85), de l'emploi saisonnier (art. 86 et art. 87), du calcul de l'effectif d'un groupement d'employeurs (art. 88), des groupements d'employeurs (art. 89), de la constitution des groupements d'employeurs "mixtes" sous la forme de sociétés coopératives (art. 90), de la définition juridique du particulier employeur (art. 93).
Aussi, seules trois réformes méritent l'attention : le régime du PSE (art. 94), des transferts conventionnels de contrats de travail (art. 95), de la revitalisation des bassins d'emploi (art. 97, infra) et enfin du congé de reclassement (art. 96).
1 - Régime du PSE
La loi du 8 août 2016 (art. 94, II) introduit de sensibles nouveautés dans le droit des grands licenciements économiques associés à la mise en place du PSE, nouveautés applicables uniquement aux licenciements économiques engagés après la publication de la loi du 8 août 2016.
Contenu du PSE. Le projet de loi "El Khomri" (24 mars 2016, art. 41) (12) avait mis en place, pour les seules entreprises ou les établissements d'au moins mille salariés, la possibilité d'inclure dans le PSE, en vue d'éviter la fermeture d'un ou de plusieurs établissements, un transfert d'une ou plusieurs entités économiques, nécessaire à la sauvegarde d'une partie des emplois (art. 41 ; C. trav., art. L. 1233-61 N° Lexbase : L7375K9Z). Dans cette hypothèse précise, le droit commun des transferts (c'est-à-dire, C. trav., art. L. 1224-1 N° Lexbase : L0840H9Y) ne s'applique que dans la limite du nombre des emplois qui n'ont pas été supprimés, par suite des licenciements, à la date d'effet de ce transfert. La loi du 8 août 2016 reprend la solution, en apportant simplement une précision rédactionnelle : l'opération vise le transfert d'une ou de plusieurs entités économiques nécessaire à la sauvegarde d'une partie des emplois ; de plus (c'est la nouveauté) les entreprises visées sont celles qui ont souhaité accepter une offre de reprise dans les conditions mentionnées à l'article L. 1233-57-19 (N° Lexbase : L7373K9X) (13).
Accord majoritaire PSE : transfert d'entreprise. Le projet "El Khomri" (24 mars 2016, art. 41) (14) n'a pas, au final, été modifié au cours de la procédure législative (art. 94 ; C. trav., art. L. 1233-24-2, 1° N° Lexbase : L7374K9Y) (15).
Recherche d'un repreneur : consultation du CE. Là aussi, le projet de loi du 24 mars 2016 (art. 41) (16) n'a pas été modifié au cours de la procédure législative, entre mars et août 2016 (loi du 8 août 2016, art. 94 ; C. trav., art. L. 1233-57-19).
Contenu du PSE et transfert d/entreprise. Enfin, la loi du 8 août 2016 (art. 94 ; C. trav., art. L. 1233-62 N° Lexbase : L7372K9W) a conservé la solution avancée par le projet de loi du 24 mars 2016, art. 41) (17).
2 - Transferts conventionnels de contrats de travail
Un certain nombre de conventions collectives prévoient que l'entreprise qui remporte un nouveau contrat avec un client doit reprendre l'ensemble des salariés de l'entreprise évincée dès lors qu'ils travaillaient sur le site du client. Mais la Cour de cassation (18) applique strictement le principe d'égalité de traitement entre les salariés ; en cas de transfert conventionnel de contrats de travail entre deux entreprises prestataires, les autres salariés de l'entreprise nouvellement prestataire doivent également bénéficier des avantages des salariés nouvellement transférés. Le nouvel employeur doit donc étendre les avantages dont bénéficiaient les salariés du site transféré à l'ensemble de ses propres salariés qui travaillent sur d'autres sites pour d'autres clients.
Le législateur s'est opposé à cette jurisprudence (loi du 8 août 2016, art. 95 ; C. trav., art. L. 1224-3-2 N° Lexbase : L6777K9U) et préconise une solution exactement inverse : lorsque les contrats de travail sont, en application des dispositions d'un accord de branche étendu, poursuivis entre deux entreprises prestataires se succédant sur un même site, les salariés employés sur d'autres sites de l'entreprise nouvellement prestataire (et auprès de laquelle les contrats de travail sont poursuivis) ne peuvent invoquer les différences de rémunération résultant d'avantages obtenus avant cette poursuite avec les salariés dont les contrats de travail ont été poursuivis. Cette disposition ne figurait dans le projet de loi initial du 24 mars 2016 (19).
3 - Congé de reclassement
Le projet de loi initial "El Khomri" ne comprenait aucune disposition particulière. La loi du 8 août 2016 a seulement introduit une précision relative au champ d'application du congé de reclassement (art. 96 ; C. trav., art. L. 1233-71 N° Lexbase : L7376K93).
Les textes antérieurs visaient trois types d'entreprise :
- entreprises ou établissements occupant au moins mille salariés ;
- les entreprises visées à l'article L. 2331-1 (N° Lexbase : L9924H83), c'est-à-dire entreprises ou groupes d'entreprises de dimension communautaire qui emploient au moins mille salariés dans les Etats membres (...) ;
- les entreprises visées à l'article L. 2341-4 (N° Lexbase : L9969H8Q), c'est-à-dire entreprise appartenant à un groupe dont le siège social est situé en France, qui ont l'obligation de mettre en place un comité de groupe (...).
Désormais, la loi du 8 août 2016 (art. 96 ; C. trav., art. L. 1233-71 N° Lexbase : L7376K93) vise trois catégories d'entreprises :
- les entreprises ou établissements occupant au moins mille salariés ;
- les entreprises ou groupes d'entreprises de dimension communautaire qui emploient au moins 1 000 salariés dans les Etats membres (...) ;
- la loi supprime la catégorie des entreprises mentionnées à l'article L. 2341-4 (les entreprises appartenant à un groupe dont le siège social est situé en France, qui ont l'obligation de mettre en place un comité de groupe), remplacée par les entreprises visées à l'article L. 2341-1 (N° Lexbase : L6260ISN, entreprise qui emploie au moins mille salariés dans les Etats membres de la Communauté européenne et qui comporte au moins un établissement employant au moins cent cinquante salariés dans au moins deux de ces Etats) et l'article L. 2341-2 (N° Lexbase : L6270ISZ, groupe d'entreprises de dimension communautaire, le groupe, au sens de l'article L. 2331-1 N° Lexbase : L9924H83), satisfaisant aux conditions d'effectifs et d'activité mentionnées à l'article L. 2341-1 et comportant au moins une entreprise employant au moins cent cinquante salariés dans au moins deux des Etats).
II - L'emploi, responsabilité de l'employeur et des partenaires sociaux
Le législateur a créé un nouveau cadre juridique permettant aux entreprises de conclure des accords destinés à préserver ou à développer l'emploi, l'accord de préservation ou de développement de l'emploi (art. 22 ; C. trav., art. L. 2254-2 N° Lexbase : L6654K9C) (20).
A - Régime
1 - Objet
L'accord de préservation ou de développement de l'emploi comporte un préambule indiquant notamment les objectifs de l'accord en matière de préservation ou de développement de l'emploi. Par dérogation au second alinéa de l'article L. 2222-3-3 (N° Lexbase : L6698K9X), l'absence de préambule entraîne la nullité de l'accord (C. trav., art. L. 2254-2, I nouveau N° Lexbase : L6654K9C).
2 - Contenu
L'accord de préservation ou de développement de l'emploi précise (C. trav., art. L. 2254-2, III nouveau N° Lexbase : L6654K9C) : les modalités selon lesquelles est prise en compte la situation des salariés invoquant une atteinte disproportionnée à leur vie personnelle ou familiale ; les modalités d'information des salariés sur son application et son suivi pendant toute sa durée.
L'accord peut prévoir les conditions dans lesquelles fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux autres salariés : les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l'accord ; les mandataires sociaux et les actionnaires, dans le respect des compétences des organes d'administration et de surveillance. L'accord peut prévoir les conditions dans lesquelles les salariés bénéficient d'une amélioration de la situation économique de l'entreprise à l'issue de l'accord.
3 - Durée
Par dérogation au principe selon lequel la convention ou l'accord est conclu pour une durée déterminée ou indéterminée (C. trav., art. L. 2222-4 N° Lexbase : L7173K9K), l'accord est conclu pour une durée déterminée. A défaut de stipulation de l'accord sur sa durée, celle-ci est fixée à cinq ans (C. trav., art. L. 2254-2, III nouveau).
B - Effets sur le contrat de travail
Les effets de l'accord d'entreprise conclu en vue de la préservation ou du développement de l'emploi sont multiples (art. 22 ; C. trav., art. L. 2254-2 nouveau) (21).
1 - Effets sur le contrat de travail (maintenu)
Les stipulations de l'accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération et de durée du travail (C. trav., art. L. 2254-2, I nouveau). Mais l'accord de préservation ou du développement de l'emploi ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié (C. trav., art. L. 2254-2, I nouveau).
2 - Effets sur le contrat de travail refusés et rompu
Refus du salarié. Le salarié peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l'application de l'accord de préservation ou du développement de l'emploi. Ce refus doit être écrit (C. trav., art. L. 2254-2, II nouveau).
Procédure de licenciement. Si l'employeur engage une procédure de licenciement à l'encontre du salarié ayant refusé l'application de l'accord de préservation ou de développement de l'emploi, ce licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse et est soumis aux seules modalités et conditions définies aux articles L. 1233-11 (N° Lexbase : L1119H9C) à L. 1233-15 applicables au licenciement individuel pour motif économique ainsi qu'aux articles L. 1234-1 (N° Lexbase : L1300H9Z) à L. 1234-20. La lettre de licenciement comporte l'énoncé du motif spécifique sur lequel repose le licenciement (C. trav., art. L. 2254-2, II nouveau).
Dispositif d'accompagnement. L'employeur est tenu de proposer, lors de l'entretien préalable, le bénéfice du dispositif d'accompagnement (mentionné à l'article L. 2254-3 N° Lexbase : L6655K9D) à chaque salarié dont il envisage le licenciement (C. trav., art. L. 2254-2, II nouveau).
Lors de cet entretien, l'employeur informe le salarié par écrit du motif spécifique et sur lequel repose la rupture en cas d'acceptation par celui-ci du dispositif d'accompagnement. L'adhésion du salarié au parcours d'accompagnement personnalisé (mentionné à l'article L. 2254-3) emporte rupture du contrat de travail.
Cette rupture du contrat de travail, qui ne comporte ni préavis ni indemnité compensatrice de préavis, ouvre droit à l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9 (N° Lexbase : L8135IAK) et à toute indemnité conventionnelle qui aurait été due en cas de licenciement au terme du préavis ainsi que le solde de ce qu'aurait été l'indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement et après défalcation du versement de l'employeur (mentionné à l'article L. 2254-6 N° Lexbase : L6658K9H).
3 - Effets sur le contrat de travail : droit de la négociation collective
La consultation annuelle du comité d'entreprise porte également sur les conséquences pour les salariés de l'accord conclu en vue de la préservation ou du développement de l'emploi (mentionné à l'article L. 2254-2) (art. 22, III).
C - Négociation de l'accord
Information des syndicats. Lorsque l'employeur envisage d'engager des négociations relatives à la conclusion d'un accord, il transmet aux organisations syndicales de salariés toutes les informations nécessaires à l'établissement d'un diagnostic partagé entre l'employeur et les organisations syndicales de salariés (art. 22 ; C. trav., art. L. 2254-2, I nouveau).
Négociation par les représentants élus mandatés. Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, cet accord peut être négocié et conclu par des représentants élus mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives (dans les conditions prévues aux articles L. 2232-21 N° Lexbase : L7184K9X et L. 2232-21-1 N° Lexbase : L5441KGM) ou, à défaut, par un ou plusieurs salariés mandatés (mentionnés à l'article L. 2232-24 N° Lexbase : L7182K9U) (art. 22 ; C. trav., art. L. 2254-2, I nouveau).
Expert-comptable. Afin d'assister dans la négociation les délégués syndicaux (ou, à défaut, les élus ou les salariés mandatés), un expert-comptable peut être mandaté (C. trav., art. L. 2254-2, III nouveau) par le comité d'entreprise (dans les conditions prévues à l'article L. 2325-35 N° Lexbase : L7214K93) ; dans les entreprises ne disposant pas d'un comité d'entreprise : par les délégués syndicaux ; à défaut, par les représentants élus mandatés ou les salariés mandatés. Le coût de l'expertise est pris en charge par l'employeur.
III - L'emploi, responsabilité de l'employeur et de l'Etat
Depuis 2013 (loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi N° Lexbase : L0394IXU), l'emploi est devenu une responsabilité partagée, associant employeurs et Etat (collectivités territoriales). Les manifestations, multiples, de cette responsabilisation de l'Etat sont connues : intervention de la DIRECCTE à toutes les étapes de la mise en place du PSE ; financement par l'Etat d'un certain nombre de mesures figurant dans le PSE ; conventions de revitalisation des bassins d'emploi, etc.. S'inspirant des travaux institutionnels menés sur le dispositif de revitalisation des bassins d'emploi (22), le projet de loi "El Khomri" a introduit quelques nouveautés, centrées uniquement sur la revitalisation des bassins d'emploi. La loi votée, quelques mois plus tard, a peu évolué par rapport au projet initial (23).
A - Obligation de revitalisation affectant trois bassins d'emploi
Objectif. En application de la circulaire DGEFP/DGCIS/DATAR n° 2012-14 du 12 juillet 2012, la convention de revitalisation peut être négociée au niveau national lorsque les licenciements économiques affectent un nombre importants de territoires. L'objectif est d'éviter que la mise en oeuvre de l'obligation de revitalisation de l'entreprise conduise à la négociation d'une multitude de conventions locales de revitalisation. Or, en raison de la hausse du nombre de conventions nationales, le législateur (art. 97) a entendu sécuriser juridiquement le principe et les modalités de mise en oeuvre en consacrant leur existence dans le code du travail.
Contenu. En application de la loi du 8 août 2016, une convention-cadre nationale de revitalisation est conclue entre le ministre chargé de l'Emploi et l'entreprise lorsque les suppressions d'emplois concernent au moins trois départements (art. 97 ; C. trav., art. L. 1233-90-1 nouveau N° Lexbase : L7377K94).
Il est tenu compte, pour la détermination du montant de la contribution, du nombre total des emplois supprimés.
La convention-cadre est signée dans un délai de six mois à compter de la notification du projet de licenciement (mentionnée à l'article L. 1233-46 N° Lexbase : L0717IXT). Elle donne lieu, dans un délai de quatre mois à compter de sa signature, à une ou plusieurs conventions locales conclues entre le représentant de l'Etat et l'entreprise. Ces conventions se conforment au contenu de la convention-cadre nationale.
B - Mise en oeuvre par convention avec l'Etat ou accord collectif
1 - Délais
Dans un délai de six mois à compter de la notification du projet de licenciement collectif d'au moins dix salariés à l'autorité administrative, une convention doit être conclue entre l'entreprise et le représentant de l'Etat (C. trav., art. L. 1233-85 N° Lexbase : L7378K97). Elle détermine la nature et les modalités de mise en oeuvre des actions.
Au cours du processus de négociation, en application de l'article L. 1233-88 (N° Lexbase : L1291H9P), le préfet doit consulter, avec l'entreprise, les collectivités locales intéressées, les organismes consulaires (chambre de commerce et d'industrie, chambre d'agriculture, chambre des métiers) et les partenaires sociaux membres de la COPIRE, sur les actions que pourrait contenir la convention (Circ. DGEFP/DGCIS/DATAR n° 2012-14, 12 juillet 2012, Fiche n° 2).
Initialement, le projet de loi "El Khomri" (art. 42 ; C. trav., art. L. 1233-85) prévoyait que :
- le délai de négociation de la convention soit porté à huit mois à compter de la notification du projet de licenciement (prévu à l'article L. 1233-46 N° Lexbase : L0717IXT). En effet, les parties éprouvent également des difficultés à parvenir à la conclusion de conventions de revitalisation dans les six mois suivant la notification du PSE à l'administration ;
- un délai de conclusion de la convention de revitalisation dans les huit mois à compter de la notification des licenciements pour les entreprises de plus ou moins cinquante salariés qui licencient moins de dix salariés (C. trav., art. L. 1233-19 N° Lexbase : L1141H97), et les entreprises de moins de cinquante salariés qui licencient de plus de dix salariés (C. trav., art. L. 1233-46). Au final, la loi telle que votée et publiée au Journal officiel n'a pas repris ces modifications (24).
2 - Contenu
Cette convention tient compte :
- des actions de même nature éventuellement prévues dans le cadre du PSE établi par l'entreprise et désormais dans le cadre d'un accord de GPEC. Cette dernière mesure est destinée à inciter les partenaires sociaux à inscrire des mesures préventives de développement d'activités dans les bassins d'emplois concernés ;
- des actions de même nature prévues dans le cadre d'une démarche volontaire de l'entreprise faisant l'objet d'un document-cadre conclu entre l'Etat et l'entreprise. La loi du 8 août 2016 n'apporte pas plus de précisions (C. trav., art. L. 1233-85 nouveau). Le contenu et les modalités d'adoption de ce document sont définis par décret. Cette nouveauté, introduite par la loi du 8 août 2016 (art. 96) tient à la situation qui prévalait jusqu'à présent. Les démarches volontaires de même nature, mises en place par les entreprises au titre de leur responsabilité sociale et territoriale, n'étaient pas prises en compte alors qu'elles contribuent à la création effective d'emplois sur le territoire.
(1) JCP éd. E, 31 mars 2016, act. 284 ; LSQ, n° 17047, 24 mars 2016 ; Numéro spécial, SSL, n° 1714, 14 mars 2016 : F. Champeaux, Les grands axes de la future loi "Travail" ; G. Bélier, Le référendum : halte au feu !, SSL, n° 1712, 29 février 2016, ; F. Morel, En finir avec le principe général d'égalité de traitement, SSL, n° 1714, 14 mars 2016 ; F. Favennec-Héry, Réforme de la durée du travail : bouleversement, adaptation ou rupture ?, SSL, n° 1714, 14 mars 2016 ; P. Bailly, Le PSE avant transfert d'entreprise dans l'avant-projet de loi - Une dérogation aux effets du transfert d'entreprise, SSL, n° 1714, 14 mars 2016. V. aussi, Les voies d'une vraie réforme selon A. Supiot , SSL, n° 1714, 14 mars 2016.
(2) Numéro spécial, Lexbase, éd. soc., n° 650, 2016 : Ch. Radé, Lexbase, éd. soc., n° 650, 2016 (N° Lexbase : N2111BW4) ; S. Tournaux, éd. soc., n° 650, 2016 (N° Lexbase : N2116BWB) ; G. Auzero, éd. soc., n° 650, 2016 (N° Lexbase : N2119BWE) ; nos obs., éd. soc., n° 650, 2016 (N° Lexbase : N2133BWW) ; P. Lokiec, éd. soc., n° 650, 2016 (N° Lexbase : N2131BWT) ; B. Chaumet, éd. soc., n° 650, 2016 (N° Lexbase : N2199BWD).
(3) De ces trois points, seul le premier et le troisième sont traits dans cette chronique, la thématique de l'apprentissage apparaissant comme trop éloignée de la problématique retenue.
(4) Not., Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3675, 7 avril 2016, p. 595-606 ; J.-M. Gabouty, J.-B. Lemoyne et M. Forissier, Sénat, Rapport n° 661 (2015-2016), Tome I, 1er juin 2016, p. 321 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3909, 30 juin 2016, p. 217-221.
(5) Not., J.-M. Gabouty, J.-B. Lemoyne et M. Forissier, Sénat, Rapport n° 661 (2015-2016), Tome I, 1er juin 2016, préc., p. 332 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3909, 30 juin 2016, préc., p. 222-225.
(6) Not., Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3675, 7 avril 2016, préc., p. 612-618.
(7) Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3909, 30 juin 2016, préc., p. 239-240.
(8) Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3909, 30 juin 2016, préc., p. 251-252.
(9) P. Lokiec, éd. soc., n° 650, 2016, préc. ; Y. Blein, Assemblée nationale, Avis n° 3626, 5 avril 2016, p. 34 et s. et p. 118-126 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3675, 7 avril 2016, préc., p. 623-656.
(10) J.-M. Gabouty, J.-B. Lemoyne et M. Forissier, Sénat, Rapport n° 661 (2015-2016), Tome I, 1er juin 2016, préc., p. 347-353 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3889 et J.-B. Lemoyne, Sénat, Rapport n° 726 (2015-2016), 28 juin 2016 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3909, préc., 30 juin 2016, p. 240-247 ; J.-M. Gabouty, J.-B. Lemoyne et M. Forissier, Sénat, Rapport n° 790 (2015-2016), 13 juillet 2016, p. 49.
(11) P. Lokiec, éd. soc., n° 650, 2016, préc..
(12) P. Lokiec, éd. soc., n° 650, 2016, préc..
(13) C. trav., art. L. 1233-57-19 (N° Lexbase : L7373K9X), selon lequel l'employeur consulte le comité d'entreprise sur toute offre de reprise à laquelle il souhaite donner suite et indique les raisons qui le conduisent à accepter cette offre, notamment au regard de la capacité de l'auteur de l'offre à garantir la pérennité de l'activité et de l'emploi de l'établissement. Le comité d'entreprise émet un avis sur cette offre dans un délai fixé en application de l'article L. 2323-3 (N° Lexbase : L6985K9L).
Lorsque la procédure est aménagée en application de l'article L. 1233-24-2 (N° Lexbase : L7374K9Y) pour favoriser un projet de transfert d'une ou de plusieurs entités économiques mentionné à l'article L. 1233-61 (N° Lexbase : L7375K9Z), l'employeur consulte le comité d'entreprise sur l'offre de reprise dans le délai fixé par l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-2.
(14) P. Lokiec, éd. soc., n° 650, 2016, préc..
(15) J.-M. Gabouty, J.-B. Lemoyne et M. Forissier, Sénat, Rapport n° 661 (2015-2016), Tome I, 1er juin 2016, p. 433-437.
(16) P. Lokiec, éd. soc., n° 650, 2016, préc..
(17) P. Lokiec, éd. soc., n° 650, 2016, préc..
(18) Cass. soc., 15 janvier 2014, n° 12-25.402, FS-P+B (N° Lexbase : A7786KTK), Bull. civ. V, n° 23 ; Cass. soc., 16 septembre 2015, n° 13-26.788, FS-P+B (N° Lexbase : A3801NPH).
(19) Y. Blein, Assemblée nationale, Avis n° 3626, 5 avril 2016, préc., p. 42 s. et p. 136 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3675, 7 avril 2016, préc., p. 703-710 ; J.-M. Gabouty, J.-B. Lemoyne et M. Forissier, Sénat, Rapport n° 661 (2015-2016), Tome I, 1er juin 2016, p. 437-439 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3909, 30 juin 2016, préc., p. 298-299.
(20) Y. Blein, Assemblée nationale, Avis n° 3626, 5 avril 2016, préc., p. 93 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3675, 7 avril 2016, préc., p. 410 ; J.-M. Gabouty, J.-B. Lemoyne et M. Forissier, Sénat, Rapport n° 661 (2015-2016), Tome I, 1er juin 2016, préc., p. 203-211 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3909, 30 juin 2016, préc., p. 121-134.
(21) Le Conseil d'Etat (CE, avis du 17 mars 2016, n° 391197 N° Lexbase : A1701RBM) a validé la qualification donnée par le projet d'article L. 2254-2 du Code du travail, à la rupture du contrat de travail du salarié qui refuse la modification de son contrat résultant de l'entrée en vigueur d'un accord d'entreprise conclu en vue de la préservation ou du développement de l'emploi, dès lors que le salarié bénéficie d'une garantie de sa rémunération mensuelle strictement définie.
Il n'a pas relevé de risque d'incompétence négative du législateur, dès lors que celui-ci définit de façon précise l'objet de l'accord dérogatoire (la préservation ou le développement de l'emploi) ainsi que les conditions de fond (la garantie donnée au salarié du maintien de sa rémunération mensuelle et, en cas de refus de celui-ci, les garanties liées à la procédure de licenciement) et de forme de cet accord (qui doit être un accord collectif d'entreprise assorti de la consultation des organisations syndicales signataires et des institutions représentatives du personnel sur ses conséquences pour les salariés). Cette disposition ne méconnaît pas, enfin, les stipulations de la convention OIT n° 158 (spéc. art. 4, subordonnant la rupture du contrat de travail et le licenciement à un "motif valable" lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise ou de l'établissement).
(22) Rapport, Inspection générale des finances, du contrôle général économique et financier, de l'inspection générale de l'administration et de l'IGAS, Les dispositifs de revitalisation territoriale, contrats de site, conventions de revitalisation, 2006 ; Rapport, Groupe de travail, ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, Les outils en matière de revitalisation et d'accompagnement territorial des mutations économiques, 2008 ; Rapport de l'IGAS sur l'anticipation des restructurations, l'accompagnement et la gestion des plans de sauvegarde de l'emploi, la mise en oeuvre des conventions de revitalisation, 2009 ; Rapport du Conseil d'orientation pour l'emploi sur les dispositifs de revitalisation territoriale, contrats de site, conventions de revitalisation, 2010 ; Rapport IRES, L'obligation de revitalisation des bassins d'emplois de la loi du 18 janvier 2005, 2011 ; Cour des comptes, Bilan des conventions de revitalisation - Communication à la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale, décembre 2015.
(23) Y. Blein, Assemblée nationale, Avis n° 3626, 5 avril 2016, préc., p. 42 s. et p. 136 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3675, 7 avril 2016, préc., p. 712-717 ; J.-M. Gabouty, J.-B. Lemoyne et M. Forissier, Sénat, Rapport n° 661 (2015-2016), Tome I, 1er juin 2016, préc., p. 440-442.
(24) La Cour des comptes (Communication, décembre 2015, préc., p. 33) a analysé les délais de négociation des conventions retenues. Il en ressort une certaine difficulté des parties intéressées à parvenir à la conclusion de conventions dans les six mois suivants la notification du PSE à l'autorité administrative, ainsi que le prévoit le Code du travail. C'est pourquoi la Cour a proposé que le démarrage du délai de négociation de six mois soit fixé à partir de la date de la notification de l'assujettissement et non à partir de l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi.
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