Aux termes d'un arrêt rendu le 25 novembre 2010, la Cour de cassation censure une cour d'appel pour avoir évalué la perte de chance d'avoir gagné une affaire au regard de perspectives de recouvrement étrangères aux chances de succès de l'action envisagée (Cass. civ. 1, 25 novembre 2010, n° 09-69.191, FS-P+B+I (
N° Lexbase : A3358GLX). En l'espèce, une SCP d'architectes s'est vu confier des missions complètes de maîtrise d'oeuvre pour la construction de logements et de structures d'accueil par quatre maîtres d'ouvrage au rang desquels la société X, chargée d'un projet qui nécessitait l'instruction d'un dossier d'aménagement d'une ZAC sur le littoral méditerranéen. La société CDR Immobilier, substituée aux maîtres d'ouvrage, a résilié toutes les missions d'architecte et refusé à la SCP le paiement de ses honoraires. L'architecte, assisté d'une SCP d'avocats, a obtenu en référé la désignation d'un expert pour établir les comptes entre les parties, puis la condamnation des maîtres d'ouvrage à lui payer une provision sur sa rétribution. Saisi de l'action engagée sur le fond par la société X, le tribunal de grande instance de Nanterre, par jugement du 16 juin 1999, a prononcé la résolution du contrat de maîtrise d'oeuvre et réduit, sur le fondement d'un partage de responsabilité, le montant des honoraires dus à l'architecte à une somme inférieure à la provision fixée en référé. A l'issue d'une procédure distincte, les contrats de maîtrise d'oeuvre conclus avec les autres entreprises de maîtrise d'ouvrage ont, également, été résolus en exécution d'une décision, désormais, irrévocable qui a fixé la rémunération due à l'architecte en entérinant l'estimation proposée par l'expert judiciaire. La SCP d'architectes a, dans ces conditions, engagé une action en responsabilité contre la société d'avocats, lui reprochant de ne pas lui avoir conseillé d'interjeter appel du jugement de 1999 et de lui avoir ainsi fait perdre la chance d'obtenir une décision plus favorable. Pour évaluer la perte de chance sujette à réparation, l'arrêt attaqué (CA Paris, 1ère ch., sect. A, 26 mai 2009, n° 08/03790
N° Lexbase : A3833EIS), rendu sur renvoi après cassation (Cass. civ. 1, 31 janvier 2008, n° 06-20.996, F-D
N° Lexbase : A6028D4Z) retient, non seulement, que l'affaire en cause présentait des spécificités par rapport au litige ayant opposé l'architecte aux autres entreprises de maîtrise d'ouvrage, en raison d'un aléa particulier susceptible d'affecter l'issue d'un éventuel recours, tenant aux carences du maître d'oeuvre propres à ce dossier, mais énonce, également, que l'exécution d'une décision judiciaire plus favorable n'était pas garantie puisque la société X était notoirement insolvable. Pour la Haute juridiction en statuant ainsi au regard de perspectives de recouvrement étrangères aux chances de succès de l'action envisagée, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.
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