En vertu de l'article 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 (
N° Lexbase : L4959CAW), pour constituer une diffamation, l'allégation ou l'imputation qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime doit se présenter sous la forme d'une articulation précise de faits de nature à être, sans difficulté, l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire. Tel est le principe rappelé par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 13 avril 2010 (Cass. crim., 13 avril 2010, n° 09-82.389, F-P+F
N° Lexbase : A1806EX8). En l'espèce, M. R., magistrat, a fait citer directement devant le tribunal correctionnel, du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public, M. X, directeur de publication de l'hebdomadaire Le Point, en raison de la publication d'un article intitulé "
Les juges qui agacent l'Elysée", faisant état de décisions de juges d'instruction perçues comme des provocations, et incriminé du fait du passage suivant : "
Patrick R. [...]
a lancé des mandats d'arrêt contre cinq personnalités marocaines dans l'affaire Ben Barka juste avant le voyage officiel de Nicolas Sarkozy à Rabat. Le premier président de la cour d'appel de Paris, Jean-Claude M. (photo ci-contre) a qualifié 'd'irresponsable' cette deuxième initiative". Les juges du premier degré ont déclaré le prévenu coupable du délit poursuivi mais toutes les parties ont relevé appel de cette décision. Dans un arrêt confirmatif du 11 mars 2009, la cour d'appel de Versailles a relevé que l'emploi du terme "irresponsabilité", prêté au supérieur hiérarchique du magistrat, était de nature à porter atteinte à la considération de ce dernier en lui imputant des intentions dépassant le cadre légal de ses investigations en sa qualité de juge d'instruction pour interférer dans la politique étrangère de la France. Toutefois, en se prononçant ainsi, alors que le terme d'irresponsable, attribué au premier président de la cour d'appel de Paris, pour qualifier une initiative procédurale d'un juge d'instruction, s'il caractérisait l'expression d'une opinion injurieuse, ne contenait pas l'imputation d'un fait précis, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. En conséquence, son arrêt est cassé et annulé.
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