La lettre juridique n°375 du 10 décembre 2009 : Urbanisme

[Questions à...] Les mesures du plan de relance concernant l'urbanisme : les nouveaux dispositifs issus de la loi du 17 février 2009 - Questions à... Maître Laurent Férignac, associé du cabinet AdDen

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[Questions à...] Les mesures du plan de relance concernant l'urbanisme : les nouveaux dispositifs issus de la loi du 17 février 2009 - Questions à... Maître Laurent Férignac, associé du cabinet AdDen. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3212216-questions-a-les-mesures-du-plan-de-relance-concernant-lurbanisme-les-nouveaux-dispositifs-issus-de-l
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

le 07 Octobre 2010

La crise économique et la crise du logement ont conduit à la promulgation de la loi n° 2009-179 du 17 février 2009, pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés (N° Lexbase : L9450ICY). Lexbase Hebdo - édition publique a rencontré Maître Laurent Férignac, associé du cabinet AdDen avocats, qui nous fait part de ses observations sur les nouveaux dispositifs issus de cette loi touchant les règles de modification des documents d'urbanisme. Lexbase : Pouvez-vous nous présenter le contexte économique et législatif dans lequel est intervenu ce nouveau texte, ainsi que son décret d'application du 18 juin 2009 ?

Laurent Férignac : La loi n° 2009-179 du 17 février 2009 est destinée à tenter de parer au risque de récession économique dans le domaine de la construction. Elle est, sur ce point, conforme aux objectifs affichés, dès le 4 décembre 2008, par le Président de la République, lors de son discours de présentation du plan de relance. Cette loi vient élargir le panel des procédures d'adaptation des documents d'urbanisme que les collectivités locales ont vocation à mettre en oeuvre, en y ajoutant deux types de modification simplifiée qui se distinguent par leur nature et leur durée d'application.

La première est temporaire, puisque sa mise en oeuvre s'achève le 31 décembre 2010, et ne concerne que les modifications visant à autoriser les constructions en limites séparatives. L'autre est pérenne, codifiée au Code de l'urbanisme, et vise des modifications concernant des erreurs matérielles, ou des éléments mineurs énumérés par le décret d'application du 18 juin 2009 (décret n° 2009-722 N° Lexbase : L4127IEL).

Cette loi intervient, par ailleurs, dans un contexte d'assouplissement général du droit de l'urbanisme. Ainsi, la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009, de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (N° Lexbase : L0743IDU), a pour but de permettre l'accroissement de l'offre de logement dans un contexte de crise en assouplissant les contraintes imposées par les PLU, et en instituant des dérogations temporaires à certaines de ses règles afin d'accélérer la réalisation de programmes de construction.

Lexbase : Dans quelle mesure les procédures d'adaptation des documents locaux d'urbanisme sont-elles assouplies par les nouveaux dispositifs ?

Laurent Férignac : En premier lieu, la procédure de modification temporaire instaurée par l'article 1er de la loi du 17 février 2009 est profondément liée aux mesures prises dans le cadre de la crise économique et de la crise du logement. Imaginée en même temps que le plan de relance, cette nouvelle procédure a vocation à accélérer temporairement les investissements dans le secteur du bâtiment, en limitant des contraintes considérées comme pesantes pour les constructeurs. Toutefois, son objet est assez restreint, puisqu'elle permet uniquement de procéder à une modification du PLU ou du POS sans enquête publique, afin d'autoriser l'implantation de constructions en limites séparatives dans une zone où le PLU impose un recul des constructions par rapport à ces limites.

En second lieu, l'article 2 de la loi du 17 février 2009, issu d'un amendement parlementaire, a permis la codification, à l'article L. 123-13 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L9506IC3), d'une procédure de modification simplifiée des documents d'urbanisme. A cet égard, l'on peut s'interroger, en l'absence de modification de l'article L. 123-19 du même code (N° Lexbase : L6086IE7), relatif aux procédures d'adaptation des POS aprouvés avant l'entrée en vigueur de la loi du 13 décembre 2000, dite loi "SRU" (loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains N° Lexbase : L9087ARY), sur l'applicabilité de la procédure de modification simplifiée aux POS, ou encore aux plans d'aménagement de zone (PAZ) encore en vigueur (C. urb., art. L. 311-7 N° Lexbase : L1931DKQ).

La procédure codifiée à l'article L. 123-13 du Code de l'urbanisme est, tout d'abord, applicable pour la rectification d'"erreurs matérielles". En l'absence de jurisprudence, l'on peut considérer que cette nouvelle procédure devrait s'appliquer aux seules erreurs de forme, et non aux erreurs de fond. Ensuite, la procédure de modification simplifiée est applicable aux rectifications portant sur des éléments mineurs, dont la liste a été établie par le décret n° 2009-722 du 18 juin 2009 précité, et codifiée à l'article R. 123-20-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L0266IGX).

C'est ainsi que cette procédure est utilisable pour :

- augmenter, dans la limite de 20 %, le coefficient d'emprise au sol, le coefficient d'occupation des sols ou la hauteur maximale des constructions, ainsi que les plafonds dans lesquels peut être autorisée l'extension limitée des constructions existantes ;

- diminuer les obligations de recul des constructions par rapport aux limites de leur terrain d'assiette ou par rapport aux autres constructions situées sur le même terrain ;

- diminuer, dans la limite de 20 %, la superficie minimale des terrains constructibles ;

- supprimer des règles qui auraient pour objet, ou pour effet, d'interdire l'installation de systèmes domestiques solaires thermiques ou photovoltaïques ou de tout autre dispositif individuel de production d'énergie renouvelable, l'utilisation en façade du bois ou de tout autre matériau renouvelable permettant d'éviter des émissions de gaz à effet de serre, ou la pose de toitures végétalisées ou retenant les eaux pluviales ;

- supprimer un ou plusieurs emplacements réservés ou réduire leur emprise ;

- supprimer des règles qui auraient pour seul objet ou pour seul effet d'interdire l'installation d'ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie solaire installés sur le sol d'une puissance crête inférieure, ou égale, à douze mégawatts, dans les parties des zones naturelles qui ne font pas l'objet d'une protection spécifique en raison de la qualité des sites, des milieux naturels et des paysages, et qui ne présentent ni un intérêt écologique particulier, ni un intérêt pour l'exploitation forestière.

En revanche, comme le précise cet article, ces modifications ne peuvent avoir pour objet, ou pour effet, de porter atteinte aux prescriptions édictées en application du 7° de l'article L. 123-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1254IDS).

S'agissant de la diminution des obligations de recul des constructions, le décret ne fixant pas de limite chiffrée. Il appartiendra donc au juge d'apprécier le caractère "mineur" de la modification envisagée, ce qu'il fait déjà s'agissant des "adaptations mineures" autorisées par l'article L. 123-1 précité.

Lexbase : Quelles sont les conséquences de la disparition de l'enquête publique, induite par ces nouveaux dispositifs ?

Laurent Férignac : Le premier apport attendu de ces procédures de modifications simplifiées est un gain de temps. La suppression de l'enquête publique devrait accélérer le processus de modification. Cependant, les nouvelles procédures n'apparaissent pas substantiellement simplifiées, dans la mesure où la suppression de l'enquête publique est compensée par de nouvelles formalités. En effet, le projet de modification devra être mis à la disposition du public pendant un mois précédant la convocation de l'assemblée délibérante. Le nouvel article R. 123-20-2 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L0267IGY) précise, à cet égard, qu'un avis devra être publié dans la presse locale, et affiché en mairie huit jours avant le début de la période d'un mois de mise à disposition du public. Par ailleurs, un "exposé des motifs" distinct du projet de modification devra y être joint. De même, la délibération d'approbation de la modification par l'organe délibérant de la mairie, ou de l'EPCI, devra être motivée. Or, à l'exception de la publication de l'avis dans la presse, ces dernières formalités innovent par rapport à la procédure de modification normale, ce qui est source d'interprétation par le juge, et donc d'insécurité.

Ainsi, ces deux procédures de modification simplifiée viennent s'ajouter aux procédures d'adaptation classique des documents locaux d'urbanisme que sont la révision normale, la révision simplifiée, et la modification. Dès lors, l'on peut s'interroger sur la justification d'une telle réforme au regard des risques de complexification du droit de l'urbanisme qu'elle implique.

En outre, l'on peut douter de la portée véritable de cette dernière. En effet, si les modifications permises par les nouveaux textes semblent pour certaines limitées, comme c'est le cas concernant la suppression d'un emplacement réservé ou des règles qui auraient pour seul objet, ou pour seul effet, d'interdire l'installation d'ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie solaire, ou l'installation de systèmes domestiques solaires thermiques ou photovoltaïques, il n'en va pas nécessairement de même en ce qui concerne la modification de 20 % du coefficient d'emprise au sol, du coefficient d'occupation des sols, ou de la hauteur maximale des constructions, ainsi que des plafonds dans lesquels peut être autorisée l'extension limitée des constructions existantes.

En effet, en l'absence de toute autre précision, ces modifications pourraient, si elles concernaient de très grandes zones d'une commune, ou si elle étaient réalisées en même temps, risquer de porter atteinte au parti d'aménagement de la commune, tel qu'il figure dans le projet d'aménagement et de développement durable, et, par conséquent, d'être annulées par le juge administratif.

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