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par Anne Lebescond, Journaliste juridique
le 07 Octobre 2010
Pascal Eydoux : Le regroupement des CARPA répond à des impératifs de pragmatisme, surtout d'un point de vue économique. La gestion de l'aide juridictionnelle confiée aux CARPA a imposé à celles-ci un certain nombre de contraintes : en particulier, elle doit être assurée par l'intermédiaire d'un logiciel agréé par la Chancellerie et elle doit être contrôlée par un commissaire aux comptes. Le regroupement aboutit à une réduction de ces frais, qui, pour les petites et moyennes caisses, ne sont pas entièrement couverts par les intérêts retirés de la dotation. Le regroupement permet de réaliser des économies certaines, par la mise en commun du matériel, du personnel et des locaux, par exemple.
Sur le sujet de l'aide juridictionnelle, Roland du Luart avait publié, en octobre 2007, un rapport intitulé L'aide juridictionnelle : réformer un système à bout de souffle (rapport d'information n° 23-2007/2008), qui a donné lieu, courant 2008, à une enquête de la part de la Cour des comptes et à la publication, le 21 juillet 2009, d'un nouveau rapport de la Commission des finances du Sénat, intitulé Vers un regroupement des caisses de règlements pécuniaires des avocats ? (rapport d'information n° 63-2008/2009). La préoccupation était de déterminer si la gestion des fonds de l'aide juridictionnelle par les CARPA entraînait des coûts importants pour l'Etat. Les conclusions étaient rassurantes sur ce point : les coûts étaient maîtrisés du point de vue du budget national. Elles ne l'étaient, cependant, pas pour les caisses : si la gestion de l'aide juridictionnelle entraînait des coûts, c'était bien à leur charge. Dès lors, le regroupement des CARPA a été avancé comme un moyen permettant une réduction significative de ces frais.
Le regroupement des caisses présente, aussi, cet autre avantage non négligeable de créer une masse financière plus solide, ce qui améliore nettement les discussions avec les différents interlocuteurs financiers communs, dont les banquiers. Enfin, les circuits d'information mis en oeuvre par les CARPA sont améliorés dans le cadre du regroupement des caisses, permettant à chacun de remplir au mieux sa mission.
Lexbase : Quel pourrait être le schéma de regroupement ?
Pascal Eydoux : La règle, aujourd'hui, est une caisse par ordre des avocats. La réflexion s'oriente sur une CARPA par cour d'appel. Ce schéma de principe n'est pas choquant. Pour autant, il doit, nécessairement, être adapté, afin de tenir compte des spécificités de chaque cour. Les cours d'appel recouvrent, en effet, des réalités très différentes, notamment, d'un point de vue économique et démographique. L'approche en la matière se doit d'être pragmatique et au cas par cas.
Lexbase : Le mouvement de rapprochement des CARPA est-il amorcé ?
Pascal Eydoux : Aujourd'hui, nous comptons 152 CARPA pour 181 barreaux. Ce mouvement de regroupement des CARPA est amorcé depuis déjà quelques années, même s'il a démarré difficilement, en raison de certaines craintes de nature politique et pratique.
Il se fonde, à l'origine, sur l'article 53-9 de la loi du 31 décembre 1971 (loi n° 71-1130, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ), qui envisage la possibilité pour les barreaux de créer des caisses communes, et sur les dispositions des articles 236 et suivants du décret du 27 novembre 1991 (décret n° 91-1197, organisant la profession d'avocat N° Lexbase : L8168AID), qui précisent, notamment, que, la CARPA, lorsqu'elle est commune à plusieurs barreaux, est créée par une délibération conjointe des conseils de l'ordre des barreaux intéressés.
L'impulsion a, surtout, été donnée par le décret du 5 novembre 1996 (décret n° 96-610 N° Lexbase : L9050IEW, modifiant le décret n° 91-1197 du 27 novembre 199), dont l'article 5 prévoit que la caisse "doit justifier auprès de la commission prévue à l'article 240-3 de moyens en matériel et en personnel nécessaires à son fonctionnement [...] à défaut, la caisse doit, après délibération des conseils de l'ordre concernés, se regrouper avec une ou plusieurs autres caisses en une caisse commune satisfaisant à cette obligation".
Si ce mouvement de rapprochement est, aujourd'hui, significatif, il n'est, cependant, pas universel, en raison de certaines réticences (proximité des CARPA, crainte d'une perte d'autonomie de la part de certains barreaux, etc.). Le rôle de la Conférence des Bâtonniers est de convaincre de la nécessité de se regrouper et de fédérer la profession, tout en rassurant chacun sur les modalités de tels rapprochements. Nous communiquons beaucoup sur ce sujet, qui doit, notamment, faire l'objet de discussions lors de notre prochaine assemblée générale du 27 novembre 2009.
Lexbase : Quelles formes peut revêtir le regroupement des CARPA ?
Pascal Eydoux : Outre le regroupement simple des services de l'aide juridictionnelle, le regroupement des CARPA peut revêtir trois formes :
- la fusion-absorption -à savoir, la transmission du patrimoine d'une ou plusieurs caisses à une autre caisse déjà existante- ;
- la fusion-création -la transmission du patrimoine d'une ou plusieurs caisses se fera au profit d'une caisse nouvelle constituée par délibération commune des conseils de l'ordre- ;
- et, enfin, le regroupement volontaire des avocats de plusieurs barreaux auprès d'une caisse nouvelle ou déjà existante, après dissolution et liquidation des caisses anciennes, ceci, sans aucune transmission du patrimoine.
Comme nous le soulignons dans notre rapport sur le regroupement des CARPA (Le regroupement des CARPA, rapport de madame le Bâtonnier Martine Gout, présenté à l'assemblée générale du 28 novembre 2008), "le choix d'une de ces modalités dépend de la réponse d'ordre politique' apportée par chacun des barreaux concernés par le regroupement à la question de répartition du patrimoine de leur CARPA, la répartition des pouvoirs et la répartition des produits".
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