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N3675BM3
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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris
le 07 Octobre 2010
Un titre de société peut avoir, individuellement, une valeur substantiellement différente. Ainsi, en matière d'évaluation de titres de sociétés non cotées, un redevable ne peut prétendre invoquer une erreur d'évaluation en faisant uniquement état de la cession antérieure d'un paquet minoritaire alors que, au jour de la transmission, un associé avait engagé des négociations pour l'acquisition des titres à évaluer, acquisition qui lui permettait de devenir majoritaire. Par ailleurs, le juge tire, en matière de garanties des contribuables, toutes les conséquences de la poursuite du dialogue par l'administration, après une première confirmation des redressements
S'il est, en principe, possible d'invoquer une erreur d'évaluation lors de la transmission à titre gratuit de titres non cotés, encore faut-il démontrer cette erreur par la cession de mêmes titres dans des conditions similaires.
Tel n'est pas le cas d'un héritier qui, prétendant avoir commis une erreur lors de la transmission par décès d'une participation importante dans un groupe n° 1 dans la gestion des biens immobiliers. A cette fin, il invoquait la cession, six mois avant le décès, de 464 actions de la même société pour un prix très inférieur à l'évaluation faite dans la déclaration de succession.
Le juge a refusé de considérer l'erreur comme établie pour deux motifs. Le premier étant que la cession invoquée portait sur un volume très inférieur aux 6 494 actions transmises par décès. Le second résidait dans le fait que, juste avant le décès, un associé minoritaire avait mis en place une stratégie d'acquisition du groupe, dont les perspectives d'avenir étaient excellentes.
1. La possibilité de déposer une réclamation fondée sur une erreur d'évaluation
Le redevable qui prétend avoir commis une erreur d'évaluation lors de la transmission à titre gratuit (succession, donation) d'un bien ou pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est en droit de la démontrer (Cass. com., 21 mars 1995, n° 93-16.404, Mme Inge, Christel, dite Ingrid Pividori, épouse de M Eberhard Schulte c/ M. le directeur des services fiscaux du Bas-Rhin et autres N° Lexbase : A3267AYN). Toutefois, la réclamation contenant demande de restitution des droits versés en trop doit intervenir dans le délai prévu à l'article R. 196-1 du LPF (N° Lexbase : L6486AEX) : soit au plus tard le 31 décembre de la deuxième année qui suit le versement de l'impôt, ou, si la découverte de l'erreur résulte d'un évènement postérieur au versement, le 31 décembre de la deuxième année qui suit cet évènement.
2. La difficulté de prouver l'erreur
Pour démontrer l'erreur qu'il aurait commise, le redevable doit s'appuyer sur des éléments antérieurs au fait générateur de l'impôt, soit, en cas de succession, sur des cessions antérieures au décès. Ainsi, il ne peut invoquer un rapport d'expertise établi après le décès, dès lors qu'il n'est pas démontré que l'évaluation du bien avait été faite en se plaçant à la date du décès (Cass. com., 12 mars 2002, n° 99-19.559, F-D N° Lexbase : A2229AY9). S'agissant de l'évaluation de titres de sociétés non cotées, la valeur vénale est appréciée en tenant compte, en priorité, de transactions portant sur des titres de la même société. Au cas particulier, l'héritier invoquait bien une cession de titres intervenue six mois avant le décès. Cependant, un autre critère exigé par le juge pour retenir une cession antérieure n'était pas rempli, à savoir le fait que la transaction antérieure doit présenter des conditions équivalentes à la transmission pour laquelle l'erreur d'évaluation est invoquée. En effet, la transaction antérieure concernait 464 titres, soit 15 fois moins que la transmission par décès. Au contraire, le juge a retenu, pour valider l'évaluation faite par l'héritier, que quatre mois après le décès, ce dernier avait cédé les titres qui lui restait pour la même valeur que celle mentionnée dans la déclaration de succession. Pour justifier cette analyse, le juge relève que le prix auquel les actions avaient été cédées n'était que l'aboutissement de négociations engagées avant le décès, d'autant plus que l'acquéreur était déjà "monté" dans le capital de la société à la faveur d'acquisitions antérieures.
La Haute juridiction vient de confirmer que la prescription de l'action en déchéance du régime de faveur, prévu par l'article 1115 du CGI (N° Lexbase : L6784HW8), subordonné à une obligation de revendre, ne saurait courir avant l'échéance de cette obligation. La prescription longue est applicable quand bien même l'administration aurait refusé au marchand de biens une prorogation du délai pour construire.
Lorsqu'une condition suspensive suspend la perception des droits, ce n'est que l'accomplissement de la condition qui fait naître l'exigibilité des droits afférents à la convention. Par suite le délai de reprise, en principe la prescription longue, ne commence donc à courir qu'à compter du premier jour suivant l'expiration du délai imparti à l'acquéreur pour justifier du respect de l'engagement pris.
1. Point de départ du délai de prescription
L'enregistrement de la convention qui est affecté d'une condition suspensive, ce qui suspend l'exigibilité des droits, ne donne lieu qu'à paiement d'un seul droit fixe. Cet enregistrement ne peut faire courir ni la prescription courte, ni la prescription longue. En effet, les droits de mutation dus ne deviennent exigibles que s'il n'est pas justifié du respect de l'engagement pris. Tel est le cas des acquisitions de terrains à bâtir pour lesquelles les droits ne sont exigibles que s'il n'est pas régulièrement justifié d'une construction dans le délai légal (Cass. com., 3 décembre 2002, n° 01-02.822, Société civile immobilière (SCI) du Moulin c/ Direction des services fiscaux de la Seine-Maritime, F-D N° Lexbase : A1922A4X). De même, dans l'affaire examinée récemment par la Cour, la perception des droits est simplement différée en considération de l'engagement de revente pris par le marchand de biens. En conséquence, la prescription ne court qu'à compter de l'expiration du délai imparti pour tenir l'engagement de revente.
2. Nature de la prescription applicable
C'est, en principe, la prescription sexennale qui court à compter la date d'exigibilité de l'impôt. En effet, l'administration ne pouvant avoir connaissance de l'absence de réalisation de constructions, ou de revente, dans le délai sans effectuer de recherches, les conditions posées pour l'application de la prescription abrégée ne se trouvent pas réunies. Bien entendu, si un acte présenté à la formalité, ou tout autre document connu du service, révèle la réalisation de la condition, l'action en reprise de l'administration tombe sous le coup de la prescription dite "courte" (DA 13 L 1214, 1er juillet 2002, n° 34). Ainsi, jusqu'à présent, lorsqu'un refus a été opposé à une demande de prorogation formulée par l'acquéreur d'un terrain à bâtir, cette décision de refus constituait le point de départ de la prescription abrégée (Cass. com., 15 1992, n° 90-12.522, Balzli c/ M. le receveur principal des impôts de Paris 9ème N° Lexbase : A9625ATN). Cependant, dans son arrêt du 27 octobre 2009, la Cour précise qu'une proposition de rectification ne constitue pas un acte révélateur de l'exigibilité des droits au sens de l'article L. 180 du LPF (N° Lexbase : L8488AE4) faisant courir la prescription abrégée.
Si l'administration n'a pas l'obligation de répondre à de nouvelles observations présentées par le contribuable après une première réponse qui a donné lieu à un maintien des redressements, elle est dans l'obligation de mentionner la possibilité de saisir la commission de conciliation dans l'hypothèse où elle répond à ces secondes observations. Cette décision confirme le strict respect par le juge des garanties que la loi offre aux contribuables objet d'une procédure de rectification.
1. Le principe de la mention obligatoire de la possibilité de saisir la commission de conciliation...
Lorsque l'administration notifie un redressement dans les conditions prévues par l'article L. 57 du LPF (N° Lexbase : L5447H9M), elle invite le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans le délai de trente jours à compter de la réception de la proposition de rectification. Dans l'hypothèse où le service rejette les observations du contribuable, sa réponse doit être motivée. Si le contribuable persiste, ensuite, à contester la position de l'administration, il dispose, alors, d'un délai de 30 jours à compter de la réception de la réponse de l'administration pour demander que le litige soit soumis à l'avis, soit de la commission départementale des impôts, soit de la commission de conciliation (LPF, art. L. 59 N° Lexbase : L5471H9I).
2. ...s'applique lorsque le service répond à de nouvelles observations.
Après le rejet des observations présentées par le contribuable, ce dernier peut adresser au service émetteur des redressements un second courrier dans lequel il fait état de nouveaux arguments pour contester les rappels d'impôts. Aucune disposition légale, ni aucune jurisprudence n'imposent à l'administration de répondre au contribuable. Cependant, dans l'hypothèse où l'agent des impôts y répond et rejette ces nouveaux arguments, la question qui se pose est celle de l'obligation de mentionner la possibilité de saisir la commission compétente. De même, le service peut inviter le contribuable à présenter de nouvelles observations, auxquelles il est tenu, en principe, de souscrire puisqu'il les a sollicitées. Dans cette seconde hypothèse, la question concernant la saisine de la commission se pose également. Or, la Cour de cassation a confirmé la décision de la cour d'appel ayant jugé que, si l'administration n'a pas l'obligation de répondre aux nouvelles observations des contribuables, il lui incombe, si elle demande de nouvelles observations et si elle y répond, de leur rappeler la faculté dont ils disposent de saisir la commission compétente (Cass. com., 23 septembre 2008, n° 07-13.975, FS-P+B N° Lexbase : A4882EA3). Autrement dit, la poursuite facultative des échanges postérieurement à la confirmation des redressements rouvre le délai de saisine de la commission légalement expiré, après un premier rejet de ses observations. Par identité d'analyse, le juge considère que, lorsque le service répond, alors que rien ne l'y oblige, à de nouvelles observations, il doit mentionner la possibilité de saisir la commission compétente. On notera que cette décision peut permettre à un contribuable, qui a laissé passer le délai de saisine après le rejet de ses observations, de voir un nouveau délai s'ouvrir à son profit s'il présente de nouvelles observations et que l'administration y répond. Seul bémol, le Conseil d'Etat écarte cette solution reconnaissant au bénéfice du contribuable la réouverture du délai de saisine de la commission départementale des impôts, lorsque l'intéressé a négligé d'user de cette faculté dans le délai de trente jours suivant la confirmation des redressements (CE 3° et 8° s-s., 28 novembre 2003, n° 243329, SCI Les Louviers II N° Lexbase : A3954DAP). En tout état de cause, la solution retenue par la Cour de cassation, qui privilégie le dialogue et les explications du contribuable, même tardifs, satisfait davantage à l'amélioration des relations entre l'administration et le contribuable que celle qui bloque le dialogue et les garanties trente jours après la réception par le contribuable de l'unique réponse du service confirmant les redressements.
La Haute juridiction précise que le délai spécial de réclamation concernant le cas de redressements ne peut être invoqué lorsque l'administration a, après une procédure de redressement, consenti une remise.
L'article R. 196-3 du LPF (N° Lexbase : L5551G4D), dans le cas où le contribuable fait l'objet d'une procédure de rectification, précise que ce dernier dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter une réclamation. Autrement dit, si l'administration peut, dans le délai de trois ans plus l'année en cours procéder à un redressement, le contribuable qui subit ce rappel est en droit, lui, de déposer une réclamation contre l'avis de mise en recouvrement des rappels dans le même délai, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre de la troisième année qui suit.
1. Conditions de mise en oeuvre
Le contribuable ne peut raisonnablement introduire une réclamation dans le délai spécial de l'article R. 196-3 du LPF que s'il y a eu reprise ou redressement. Bien entendu, ce délai spécial ne trouve à s'appliquer qu'à l'égard des impôts et pour les mêmes années au titre desquels le service a engagé la procédure de rectification. En revanche, dès que cette condition est remplie, le délai prévu à l'article R. 196-3 du LPF autorise la contestation tant de l'imposition primitive que de l'imposition complémentaire. Enfin, le point de départ du délai spécial de réclamation a pour point de départ la notification des redressements.
2. Notion de procédure de reprise
La notion de reprise ou de redressement recouvre essentiellement la procédure de rectification contradictoire par laquelle l'administration a effectué un rappel d'impôt. Elle vise, également, les procédures d'imposition d'office, ainsi que les vérifications de comptabilité. Il a, également, été jugé que, lorsque l'administration procède à la réparation d'erreurs commises dans l'établissement des impositions, elle engage une procédure qui doit être regardée comme une procédure de reprise au sens de l'article R. 196-3 du LPF. En revanche, ce qui vient d'être jugé, une décision de dégrèvement, alors même qu'elle prendrait la forme d'une notification de redressements, n'ouvre pas, au bénéfice du contribuable, le délai spécial de réclamation prévu par l'article R. 196-3 du LPF. Au cas particulier, à l'issue de la vérification de comptabilité d'une exploitation viticole, intervenue en 1993, l'administration fiscale avait procédé, dans le cadre de la notification de redressements qui tirait les conséquences de la vérification, à un dégrèvement partiel de l'impôt sur le revenu de l'année 1990 au motif que l'exploitant avait déclaré des valeurs vénales excessives au titre de la taxation de la fraction des plus-values dégagées sur sa part indivise dans la communauté dissoute par le décès de son épouse.
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