Réf. : Loi n° 2008-776 du 4 août 2008, art. 18 (N° Lexbase : L7358IAR) ; ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 (N° Lexbase : L2227ICT) ; ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009, portant diverses mesures relatives à la fiducie (N° Lexbase : L6939ICY)
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par Alexandre Bordenave, Avocat au Barreau de Paris, Chargé d'enseignement à l'Ecole Normale Supérieure de Cachan
le 07 Octobre 2010
C'est ainsi que, deux ans après la "loi inaugurale", le droit français de la fiducie vient d'être profondément remodelé par une trilogie de textes :
- la "LME", et plus précisément son article 18 ;
- l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, portant réforme du droit des entreprises en difficulté ;
- et l'ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009, portant diverses mesures relatives à la fiducie.
Ces dispositions nouvelles présentent l'avantage de la cohérence, puisqu'elles trouvent dans la "LME" des racines communes ; il est donc possible d'en dresser un bilan afin de mesurer si la fiducie est, enfin, devenue un instrument pertinent et moderne (10) du droit français.
Assurément, la fiducie "2.0" de 2009 est plus vaste (I) et plus claire (II) que l'édition de 2007 ; quant à savoir si elle correspond enfin aux attentes qu'elle a suscitées, il y a vraie matière à débat.
I - Une fiducie plus vaste
Les nouvelles dispositions relatives à la fiducie ont directement élargi le champ des possibles en matière de participants à l'opération (A) et indirectement celui des financements dans lesquels il peut être utile de recourir à une fiducie-sûreté (B).
A - Les nouveaux participants à l'opération de fiducie
1 - Les nouveaux constituants
L'article 18 de la "LME" a purement et simplement abrogé l'article 2014 du Code civil (N° Lexbase : L6510HWZ). Conséquence immédiate : toute personne peut, désormais, constituer une fiducie, et non plus uniquement les personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés. Le faux argument fiscal qui avait conduit à cette restriction n'a donc pas tenu dans le temps (11).
Premiers bénéficiaires : les personnes physiques. C'est ainsi que les entrepreneurs individuels (12) pourront recourir à la fiducie pour sécuriser les financements dont ils bénéficient au titre de leur activité (13). Mais, bien au-delà des personnes physiques, une immense variété de nouvelles personnes morales est, désormais, en mesure de constituer une fiducie :
- tout d'abord, c'est le cas des personnes morales de droit français qui ne sont pas soumises à l'impôt sur les sociétés (14) ;
- ensuite, c'est vrai pour les personnes morales de droit étrangers non imposées en France au titre de l'impôt sur les sociétés. Avant la "LME", tout portait à croire que ces dernières ne pouvaient valablement constituer une fiducie ; ce qui était un appel à se précipiter vers un droit plus accueillant : celui du trust ou du treuhand, par exemple.
La "LME" a, ainsi, mis fin à une discrimination ridiculement mal-fondée et anti-économique, et contribue donc à l'attractivité du droit français en proposant aux personnes physiques, comme aux personnes morales, un instrument universel.
2 - Les avocats, nouveaux fiduciaires
A l'origine, l'article 2015 du Code civil (N° Lexbase : L2309IB7) réservait la qualité de fiduciaire aux seuls établissements de crédit et autres établissements réglementés du secteur financier (15). Au moment de la proposition de loi du sénateur Marini, les organes représentatifs de la profession d'avocat avaient témoigné de leur intérêt pour la qualité de fiduciaire : ils ont fini par être entendus puisque un alinéa 2 de l'article précité dispose dorénavant que "les membres de la profession d'avocat peuvent également avoir la qualité de fiduciaire". L'avocat français se trouve ainsi, sur ce sujet, rehaussé au niveau de certains de ces confrères étrangers ayant (parfois, depuis déjà longtemps) développé des activités de trustee (16).
L'ordonnance du 30 janvier 2009 est venue apporter des précisions aux règles applicables à l'avocat-fiduciaire. De son articulation avec la "LME", il résulte, notamment, que :
- le contrat de fiducie dont un avocat est fiduciaire prend fin en cas d'interdiction temporaire, de radiation ou d'omission du tableau de l'avocat concerné (loi n° 2008-776 du 4 août 2008, art. 18, I-7°; C. civ., art. 2029, al. 2 N° Lexbase : L2340IBB) ;
- l'avocat-fiduciaire devra être en mesure de justifier d'une police d'assurance responsabilité civile dédiée à cette activité (loi n° 2008-776 du 4 août 2008, art. 18, II ) ;
- les éléments de patrimoine remis en fiducie à un avocat ne pourront transiter par le compte CARPA de ce dernier (ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009, art. 8) ;
- enfin, l'avocat-fiduciaire est soumis (comme tout autre fiduciaire) aux obligations déclaratives et aux contrôles sur pièce et place dont disposent les lois relatives à la lutte contre le blanchiment et l'évasion fiscale (17) (ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009, art. 9).
C'est ainsi que l'avocat-fiduciaire dispose, désormais, d'un véritable statut dérogatoire au droit commun des règles de sa profession. Par ailleurs, c'est la seule personne physique qui, en droit français, peut être fiduciaire ; il est étonnant que l'hypothèse du notaire-fiduciaire n'ait pas été envisagée par le législateur, quand on connaît l'expertise des membres de cette profession en matière de gestion patrimoniale.
B - Les nouvelles perspectives de recours à la fiducie
1 - La sécurisation de financements plus longs
En 2007, le législateur avait retenu un terme maximal de trente-trois ans pour les contrats de fiducie (18). La "LME" a étendu très sensiblement cette durée en fixant la nouvelle limite à quatre-vingt dix-neuf ans. S'ouvre ainsi une perspective sérieuse de pouvoir utiliser la fiducie afin de sécuriser des financements à très long terme ; on peut, notamment, penser aux financements d'infrastructures. On pourrait, également, se dire que pouvoir constituer des fiducies sur une durée accrue est cohérent avec l'hypothèse de la "fiducie rechargeable" expressément prévue aux articles 2372-5 (N° Lexbase : L6949ICD) (pour les meubles) et 2488-5 (N° Lexbase : L7027ICA) (pour les immeubles) du Code civil... Dommage que ces derniers articles fassent partie de deux sections dont le législateur a cru bon devoir préciser qu'elles n'étaient pas applicables aux personnes morales (C. civ., art. 2372-6 N° Lexbase : L6951ICG et art. 2488-6 N° Lexbase : L7039ICP), sans doute pas dirimant, mais dommage.
Dans le même esprit, on retient que les parties peuvent, à présent, prévoir les conditions de remplacement du fiduciaire et ne sont plus tenues de s'en remettre au juge en la matière (C. civ., art. 2027 N° Lexbase : L2369IBD). Cela ouvre la possibilité d'insérer dans les contrats de fiducie des clauses stipulant que la mission du fiduciaire prend fin à la suite de la réalisation de certains événements défavorables au constituant ou, plus encore, au bénéficiaire (19). Dans la mesure où il a été précisé, à l'article 2027 du Code civil, qu'en pareille situation le patrimoine fiduciaire est automatiquement transféré au nouveau fiduciaire, cela devrait favoriser le recours à la fiducie, notamment (encore une fois) pour sécuriser des financements à long terme, puisque le "risque de contrepartie" de la fiducie s'en trouve un peu plus maîtrisable.
2 - La "fiducie sans dépossession"
C'est à la fois un poncif et un paradoxe des sûretés réelles : le constituant est parfaitement disposé à remettre certains de ses actifs en garantie... pour autant qu'il n'en perde pas le bénéfice économique ! C'est une réalité que le législateur a bien à l'esprit, comme en témoigne l'article 2336 du Code civil (N° Lexbase : L1163HIW) qui, depuis l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés (N° Lexbase : L8127HHH), n'érige plus la dépossession comme condition de validité du contrat de gage.
En matière de fiducie, rien n'a jamais empêché les parties de convenir que le bien remis en fiducie peut continuer à être exploité économiquement par le constituant. Ainsi, on peut imaginer le cas d'une entreprise commerciale qui remettrait en fiducie à un établissement de crédit lui ayant accordé un financement ses machines-outils dont elle garderait par ailleurs l'utilisation (contre paiement d'un loyer, par exemple). En insérant dans le Code civil un article 2018-1 (N° Lexbase : L2264IBH) consacré à ce schéma, la "LME" a un double mérite.
Dans un premier temps, elle vient conforter la validité de principe du montage. De prime abord, en effet, rien n'indiquait avec certitude que mettre à disposition -éventuellement contre paiement d'une somme d'argent- du constituant les biens remis en fiducie était possible.
Dans un second temps, et plus encore, en excluant expressément la convention de mise à disposition (que nous venons de décrire) du champ d'application des articles du Code de commerce relatifs à la location-gérance et au bail commercial (20), elle assure les parties de ne pas tomber sous le coup de règles contraignantes et nuisibles à l'opération envisagée (21). Partant, le législateur laisse entrevoir la perspective d'une véritable "fiducie sans dépossession", que l'on peut estimer économiquement fondée pour le constituant et juridiquement efficace pour le bénéficiaire : en effet, le constituant n'est alors qu'un simple détenteur des actifs remis en fiducie et, à ce titre, il ne saurait, exciper utilement du principe selon lequel "en fait de meubles, la possession vaut titre" (22).
Ainsi élargie, le travers pour la fiducie aurait été devenir un abîme de risque juridique que ce soit pour le constituant ou le bénéficiaire. On peut estimer que le législateur a évité ce biais en faisant de la fiducie "nouvelle" une institution plus sûre que sa première occurrence.
II - Une fiducie plus claire
Les trois textes relatifs à la fiducie auxquels nous nous intéressons ici ont un mérite, sans doute imparfait, mais qu'il est honnête de souligner : ils font de la fiducie à la française un outil juridique plus sûr (A) et mieux articulé avec le droit des entreprises en difficulté (B). Pour la fiducie, le salut ne devrait donc plus être loin.
A - Un régime plus sûr
1 - A propos des personnes physiques (23)
L'inclusion des personnes physiques parmi les constituants d'une fiducie imposait des précautions de la part du législateur ; le moins que l'on puisse dire est qu'il ne s'en est pas privé !
Pour faire son oeuvre, le législateur semble avoir (assez justement, d'ailleurs) raisonné comme suit. Toute personne physique étant mortelle, a été organisé le sort de la fiducie en cas de décès du constituant. Dans un tel cas, la fiducie prend fin et le patrimoine fiduciaire retourne dans la succession (C. civ., art. 2029 N° Lexbase : L2340IBB et art. 2030 N° Lexbase : L2256IB8). Cela reste le cas même si la dette garantie n'est pas remboursée. Etrange.
Toute personne physique étant plus facile à détrousser qu'une personne morale, elle mérite une protection particulière. Aussi, elle ne peut renoncer au tiers de confiance de l'article 2017 du Code civil (N° Lexbase : L6970IC7) (24). Pour les mêmes raisons, en matière de fiducie-sûreté, toute personne physique voit son contrat enrichi de nombreuses mentions obligatoires (sur la dette garantie, la valeur estimée par expert du bien remis en fiducie... : C. civ., art. 2372-2 N° Lexbase : L7035ICK) et encadré par un régime strict de réalisation visant à empêcher un enrichissement indu du créancier (C. civ., art. 2372-3 N° Lexbase : L6962ICT et art. 2372-4 N° Lexbase : L7012ICP).
A titre plus particulier, existent aussi des dispositions relatives :
- aux majeurs incapables. Ainsi, le fiduciaire est tenu de rendre compte au moins annuellement au tuteur ou au curateur (C. civ., art. 2022 N° Lexbase : L2241IBM) et il ne serait être tuteur ou curateur du constituant (C. civ., art. 408-1 N° Lexbase : L2280IB3) ;
- aux majeurs mariés. Il est prévu que les époux ne peuvent "l'un sans l'autre transférer un bien de la communauté dans un patrimoine fiduciaire" (C. civ., art. 1424 N° Lexbase : L2300IBS) et, en tout état de cause, le faire en une forme autre que celle des actes authentiques, à peine de nullité (C. civ., art. 2012 N° Lexbase : L6996IC4).
Le corpus de dispositions particulières dont nous venons de tracer les grandes lignes est assurément propice à un futur succès de la fiducie auprès des personnes physiques, qui ont matière à se rassurer sur les vertus équilibrées du mécanisme.
2 - A propos des remises en fiducie de créances
En 2007, rien n'avait été dit sur l'opposabilité d'une remise en fiducie de créances. Assurément, ce n'était pas à mettre à l'actif de la fiducie (25) : d'une part, les créances représentent souvent un élément important du patrimoine de nombre d'agents économiques (26) et, d'autre part, l'opposabilité de leur transfert est traditionnellement une question délicate (27).
L'article 18 de la "LME" a corrigé le tir en enrichissant le Code civil d'un article 2018-2 ((LXB=L2335IB4]) disposant que "la cession de créances réalisée dans le cadre d'une fiducie est opposable aux tiers à la date du contrat de fiducie ou de l'avenant qui la constate. Elle ne devient opposable au débiteur de la créance cédée que par la notification qui lui en est faite par le cédant ou le fiduciaire".
Bilan de cette disposition nouvelle :
- sur l'opposabilité aux tiers, elle a le mérite de la clarté et de la continuité, puisqu'elle reprend le principe simple retenu en matière de cession Dailly ;
- s'agissant de l'opposabilité au débiteur cédé, elle laisse la possibilité au constituant de continuer à procéder au recouvrement des créances transférées au patrimoine fiduciaire (comme cela pourrait être prévu dans la convention de gestion à laquelle fait référence le nouvel article 2018-1 du Code civil N° Lexbase : L2264IBH). Là encore, une forme de continuité est assurée puisque les dispositions relatives à la titrisation vont dans la même direction (C. mon. fin., art. L. 214-46, al. 1er N° Lexbase : L7121IAY) ;
- toutefois, on peut être déçus du fait que certaines des précisions figurant à l'article L. 313-27 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L6399DIT) n'y soient pas reprises. Par exemple, rien n'est dit sur l'opposabilité aux tiers d'une remise en fiducie de créances futures (ce que permet pourtant l'article 2011 du Code civil N° Lexbase : L6507HWW) ;
- et quid de son utilité véritable ? Certes, la précision est appréciable mais, pratiquement, elle ne fait que permettre la reproduction de ce que la cession Dailly offre déjà. A l'évidence, il n'est pas illégitime de penser aux cas où il est impossible de recourir au bordereau Dailly, parce que le cessionnaire envisagé n'est pas un établissement de crédit, par exemple. Reste que, en matière de financement, ce sont des cas résiduels...
Non ! ce qui aurait fait sens, de manière plus évidente, aurait été de prévoir une opposabilité aux tiers par la simple remise en fiducie (28) quelle que soit la nature des biens transférés. Même si le gain en sécurité juridique généré par le nouvel article 2018-2 du Code civil (N° Lexbase : L2335IB4) n'est pas à négliger, il faut reconnaître que toute marge de progression législative n'a pas été épuisée sur ce terrain.
B - Un régime mieux articulé avec les procédures collectives
1 - Une logique restaurée
"Si les sûretés sont traquées, le crédit est détraqué". Tel était l'un des précieux enseignements de Guyon (29). Frileux et méfiant, le législateur de 2007 avait choisi de traquer la fiducie-sûreté, détraquant considérablement son attractivité pour les créanciers.
C'est ainsi que, jusqu'au 15 février 2009 (30), l'article L. 632-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6589HWX) classait "tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire en application des articles 2011 et suivants du Code civil" parmi les nullités obligatoires de la période suspecte. Il y avait de quoi décourager les créanciers mêmes les plus téméraires ! Ce classement était infondé et rompait toute cohérence avec le régime des sûretés réelles qui, selon les termes du même article, ne sont annulables de plein droit que lorsqu'elles garantissent des "dettes antérieurement contractées" (C. com., art. L. 632-1 6°). Heureusement, l'article 88 de l'ordonnance du 18 décembre 2008 est venu doter la disposition d'un minimum de bon sens en prévoyant qu'il n'y a pas nullité de plein droit en matière de fiducie-sûreté pour "dette concomitamment contractée" (C. com., art. L. 632-1 9°, nouv. N° Lexbase : L3497ICI) (31). Remarquons, toutefois, que le principe n'a pas été inversé : il ne s'est doté que d'une simple exception, laissant penser que le législateur fait encore preuve d'une forme de suspicion à l'égard de la fiducie-sûreté.
Par ailleurs, le livre 6 du Code de commerce était resté vierge de précision quant aux pouvoirs dont dispose l'administrateur (ou le liquidateur) pour résilier une fiducie constituée par l'entreprise en difficulté dont il a la charge. En tel état du droit, prise était laissée aux dispositions des articles L. 622-13 (N° Lexbase : L3352IC7) et L. 641-11 (N° Lexbase : L3446ICM) du Code de commerce : la fiducie pouvait être qualifiée de contrat en cours et, à ce titre, aurait pu être résiliée par l'administrateur ou le liquidateur. Les articles 27 et 104 de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ont la mis la fiducie à l'abri de cette prérogative. En matière de redressement judiciaire uniquement, il en va différemment de la convention de gestion des biens transférés au patrimoine fiduciaire. Rien à redire à cela : autant est-il logique que la fiducie elle-même ne soit pas laissée à la merci de l'administrateur (sa nature de contrat en cours n'étant que secondaire lorsqu'elle joue le rôle d'une sûreté), autant il est normal que la convention de gestion, qui peut porter en elle un déséquilibre à la défaveur du constituant, puisse être mise en péril pour les besoins de la procédure.
C'est donc un peu de logique que l'ordonnance du 18 décembre 2008 a réintroduit dans le Code de commerce : la place de la fiducie paraît plus juste, moins passionnée.
2 - Un équilibre trouvé ?
Au surplus, l'ordonnance semble s'approcher d'un équilibre dans le destin qu'elle réserve à la fiducie face aux difficultés du constituant.
Si aucune perspective de retour à meilleure fortune de ce dernier ne se fait jour, si une procédure de liquidation est entamée, le créancier-bénéficiaire devrait pouvoir s'approprier les biens du patrimoine fiduciaire conformément aux stipulations de la convention de la fiducie (qu'il n'aura pas manqué de négocier âprement). Cela est permis par les règles selon lesquelles le patrimoine fiduciaire est hors de portée des créanciers du constituant (C. civ., art. 2024 N° Lexbase : L6520HWE) et les biens transférés n'ont pas à être laissés à la disposition du repreneur puisque la désormais célèbre convention de gestion ne lui est cessible qu'avec l'accord du bénéficiaire (C. com., art. L. 642-7 N° Lexbase : L3435IC9) ;
A l'opposé, en matière de redressement judiciaire, l'ordonnance de 2008 a choisi de distinguer selon que les actifs, objets de la fiducie, aient été laissés, ou non, à la disposition du débiteur-constituant. Si ce n'est pas le cas, on peut raisonnablement estimer que lesdits actifs ne sont pas indispensables à l'exploitation : en conséquence de quoi, la sûreté doit pouvoir faire effet. Dans le cas contraire, la solution inverse prévaut (C. com., art. L. 622-23-1 N° Lexbase : L3438ICC).
Ici, également, il convient donc de saluer le régime pragmatique et bien adapté que le législateur a finalement choisi de réserver à la fiducie, lorsqu'elle s'entremêle de considérations propres au droit des entreprises en difficulté.
Toute multi-séculaire qu'elle soit, la fiducie importée par le système juridique français n'a rien d'un daguerréotype figé pour l'éternité. Aussitôt adoptée, aussitôt modifiée, est-on tenté de dire. Si, dans son principe, il n'y a que peu à redire à ce recours à la méthode des petits pas, on peut tout de même regretter qu'il ait donné lieu à quelques allers-retours malheureux. D'autant que d'autres zones d'ombre mériteraient encore d'être levées. Pas sérieux le législateur de la fiducie ? Il est vrai qu'en n'ayant toujours pas publié le décret en conseil d'Etat créant le registre national des fiducies (C. civ., art. 2020), il ne crédibilise pas son oeuvre. On peut toujours parler d'une Arlésienne aux utilisateurs du droit français, cela ne fait pas nécessairement d'eux des Tartarins de Tarascon.
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