La lettre juridique n°405 du 29 juillet 2010 : Baux commerciaux

[Textes] Bail commercial et "Grenelle 2"

Réf. : Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement (N° Lexbase : L7066IMN)

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N6984BPD

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par Julien Prigent, avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"

le 07 Octobre 2010


La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, dite "Grenelle 2", portant engagement national pour l'environnement (N° Lexbase : L7066IMN), s'inscrit dans le prolongement de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009, de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (N° Lexbase : L6063IEB), dite "Grenelle 1", qui a déterminé les objectifs de l'Etat dans le domaine environnemental. La loi du 12 juillet 2010 comporte six titres (bâtiments et urbanisme ; transports ; énergie et climat ; biodiversité ; risques, santé, déchets ; et gouvernance). Le titre I, qui tend à améliorer la performance énergétique des bâtiments, et le titre V, qui tend à garantir la santé et à mieux gérer les déchets, comportent des dispositions qui concernent les baux commerciaux.


I - Informations sur les performances énergétiques de l'immeuble mis en location

A - Sur le diagnostic de performance énergétique

L'article L. 134-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7433IMA) définit le diagnostic de performance énergétique :
"Le diagnostic de performance énergétique d'un bâtiment ou d'une partie de bâtiment est un document qui comprend la quantité d'énergie effectivement consommée ou estimée pour une utilisation standardisée du bâtiment ou de la partie de bâtiment et une classification en fonction de valeurs de référence afin que les consommateurs puissent comparer et évaluer sa performance énergétique. Il est accompagné de recommandations destinées à améliorer cette performance".

Cette définition n'a pas été modifiée par la loi du 12 juillet 2010. L'article 1, I, 6°, de cette loi a ajouté deux alinéas à cet article L. 134-1.

1° Les conditions de validité du diagnostic liées au diagnostiqueur

Le premier de ces deux alinéas dispose que le diagnostic de performance énergétique "est établi par une personne répondant aux conditions prévues à l'article L. 271-6 (N° Lexbase : L7436IMD)".

L'article R. 134-4 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L1965HSL) indiquait déjà que "pour réaliser le diagnostic de performance énergétique, il est fait appel à une personne répondant aux conditions de l'article L. 271-6 et de ses textes d'application". Ce texte réglementaire est issu du décret n° 2006-1147 du 14 septembre 2006, relatif au diagnostic de performance énergétique et à l'état de l'installation intérieure de gaz dans certains bâtiments (N° Lexbase : L3496HP8), dont l'article 3 précisait le champ d'application de cette exigence en disposant que "jusqu'au 1er novembre 2007 et par dérogation aux dispositions de l'article R. 134-4, le diagnostic de performance énergétique peut être réalisé par un technicien qualifié". Compte tenu du fait que cette exigence est désormais intégrée à l'article L. 134-1 du Code de la construction et de l'habitation, l'article R. 134-4 pourrait être modifié par le décret d'application de la loi du 12 juillet 2010 à paraître.

On rappellera que l'article L. 271-6 du Code de la construction et de l'habitation, non modifié sur ces points, si ce n'est pour préciser que les conditions qu'il édicte quant au diagnostiqueur sont également applicables pour les diagnostics visés à l'article L. 134-1 de ce code, dispose que le diagnostiqueur doit :
- présenter des garanties de compétence, certifiées par un organisme accrédité (CCH, art. R. 271-1 N° Lexbase : L3356ICB), et disposer d'une organisation et de moyens appropriés ;
- souscrire une assurance permettant de couvrir les conséquences d'un engagement de sa responsabilité en raison de ses interventions, la garantie ne pouvant être inférieure à 300 000 euros par sinistre et 500 000 euros par année d'assurance (CCH, art. R. 271-2 [LXB= L3482ICX]) ;
- n'avoir aucun lien de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance ni avec le propriétaire ou son mandataire qui fait appel à lui, ni avec une entreprise pouvant réaliser des travaux sur les ouvrages, installations ou équipements pour lesquels il lui est demandé d'établir un diagnostic ;
- remettre au propriétaire un document par lequel il atteste sur l'honneur qu'il est en situation régulière au regard des articles L. 271-6 et suivants et qu'il dispose des moyens en matériel et en personnel nécessaires à l'établissement des états, constats et diagnostics composant le dossier (CCH, art. R. 271-3 [LXB= L3401ICX]).

Les manquements à ces prescriptions sont pénalement sanctionnés (CCH, art. R. 271-4 N° Lexbase : L3364ICL).

2° La durée de validité du diagnostic

Le second alinéa ajouté à l'article L. 134-1 du Code de la construction et de l'habitation par la loi du 12 juillet 2010, dispose que la durée de validité du diagnostic de performance énergétique sera fixée par décret qui, à ce jour, n'a pas encore été publié.

Actuellement, l'article R. 271-5 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L3451ICS) fixe la durée de validité du diagnostic à 10 ans mais seulement pour celui exigé lors des actes ou promesses de vente.

3° Le champ d'application de l'obligation de fournir un diagnostic de performance énergétique

L'ancien article L. 134-3 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L4373HWU) disposait que "le diagnostic de performance énergétique est communiqué à l'acquéreur et au locataire dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 271-4 (N° Lexbase : L4381HW8) à L. 271-6 du présent code et à l'article 3-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 (N° Lexbase : L8461AGH)".

Le renvoi aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 pouvait être interprété comme limitant l'obligation de communiquer le diagnostic de performance énergétique aux locataires de locaux d'habitation. Toutefois, le renvoi à la loi du 6 juillet 1989 était limité aux conditions et modalités de transmission du diagnostic et l'article R. 134-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L9207IAA) précise que les dispositions relatives à ce diagnostic s'appliquent "à tout bâtiment ou partie de bâtiment clos et couvert", sans distinction, à l'exception "des bâtiments ou parties de bâtiments à usage agricole, artisanal ou industriel, autres que les locaux servant à l'habitation, dans lesquels le système de chauffage ou de refroidissement ou de production d'eau chaude pour l'occupation humaine produit une faible quantité d'énergie au regard de celle nécessaire aux activités économiques". Une réponse ministérielle avait précisé que l'obligation de communiquer le diagnostic de performance énergétique ne s'appliquait qu'aux seuls baux de locaux situés dans les bâtiments à usage principal d'habitation (QE n° 619 de M. Gérard Hamel, JOANQ 17 juillet 2007 p. 4893, réponse publ. 14 août 2007 p. 5293, 13ème législature N° Lexbase : L8480IMZ). La loi du 12 juillet 2010 a supprimé, à l'article L. 134-3, la référence à la loi du 6 juillet 1989, ainsi que la communication du diagnostic au locataire.

En revanche, et levant désormais toute ambiguïté, un nouvel article L. 134-3-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7441IMK) a été créé, aux termes duquel "en cas de location de tout ou partie d'un immeuble bâti, le diagnostic de performance énergétique prévu par l'article L. 134-1 est joint à des fins d'information au contrat de location lors de sa conclusion, sauf s'il s'agit d'un contrat de bail rural ou lorsque ce sont des contrats de location saisonnière".

Il doit être noté que l'obligation de communiquer le diagnostic n'est prévue que lors de la conclusion du bail. L'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989, qui n'a pas été modifié, impose cependant une communication du diagnostic lors de la signature du contrat mais également lors de son renouvellement. Il pourrait être soutenu que cette obligation de communiquer le diagnostic lors du renouvellement devrait être cantonnée aux baux soumis à la loi du 6 juillet 1989 et donc inapplicable lors du renouvellement d'un bail commercial.

Tout en constituant désormais le nouveau siège de l'obligation de communiquer le diagnostic de performance énergétique lors de la conclusion d'un bail, ce texte en précise le champ d'application en la rendant applicable aux baux portant sur tout ou partie d'un immeuble bâti, à l'exception des baux ruraux et des contrats de location saisonnière. Il doit être rappelé que les contrats de location saisonnière ne sont pas soumis au statut des baux commerciaux (C. com., art. L. 145-5 N° Lexbase : L2320IBK).

Le diagnostic de performance énergétique doit donc être, sans discussion possible, communiqué lors de la conclusion d'un bail commercial.

4° La sanction de l'absence de communication de diagnostic ou de la communication d'un diagnostic erroné

L'article 3-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, applicable aux baux d'habitation, dispose que "le locataire ne peut se prévaloir à l'encontre du bailleur des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique qui n'a qu'une valeur informative".

Le nouvel article L. 134-3-1 du Code de la construction et de l'habitation confère une portée générale à cette absence de sanction en précisant que "le locataire ne peut se prévaloir à l'encontre du bailleur des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique". Ces dispositions ne permettent pas d'exclure la mise en jeu de la responsabilité du bailleur si le locataire venait à subir un préjudice du fait de l'absence de communication de diagnostic (cf. Ph. Pelletier, S. Fraîche-Dupeyrat, Rev. Loyers, 878/2007, n° 547). Il doit être noté à cet égard que le nouvel article L. 134-3-1 ne précise pas que le diagnostic n'aurait qu'une valeur informative.

B - La mention du classement du bien au regard de sa performance énergétique dans les annonces de vente ou location

En amont de la signature du contrat de location, une nouvelle obligation d'information relative à la performance énergétique des immeubles a été créée en cas de mise en vente ou location.

La loi du 12 juillet 2010 a créé un nouvel article L. 134-5 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7439IMH) qui dispose que, "en cas de vente ou de location d'un bien immobilier, le classement du bien au regard de sa performance énergétique est mentionné dans les annonces relatives à la vente ou la location, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat". Cette obligation, toujours selon ce texte, ne prendra effet qu'à compter du 1er janvier 2011.

C - L'obligation pour les diagnostiqueurs de transmettre les diagnostics de performance énergétique à l'Agence de l'environnement et de maîtrise de l'énergie

La loi du 12 juillet 2010 a créé un nouvel article L. 134-4-3 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7439IMH) qui impose aux personnes qui ont établi des diagnostics de performance énergétique de les transmettre à l'Agence de l'environnement et de maîtrise de l'énergie aux fins d'études statistiques, d'évaluation et d'amélioration méthodologique.

Enfin, il doit être noté que la loi "Grenelle 2" a créé un nouvel article L. 134-4-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7442IML) qui impose la réalisation d'un diagnostic de performance énergétique pour les bâtiments équipés d'une installation collective de chauffage ou de refroidissement dans un délai de cinq ans à compter du 1er janvier 2012. Toutefois, toujours selon ce texte, pour les bâtiments à usage principal d'habitation en copropriété de cinquante lots ou plus, équipés d'une installation collective de chauffage ou de refroidissement, et dont la date de dépôt de la demande de permis de construire est antérieure au 1er juin 2001, seul un audit énergétique devra être réalisé, audit dont le contenu et les modalités de réalisation seront définis par décret en Conseil d'Etat. Il n'est pas prévu en l'état que ce diagnostic soit communiqué aux locataires de ces bâtiments.

II - L'état des risques naturels et technologiques

Aux termes de l'article L. 125-5, I, du Code de l'environnement, (N° Lexbase : L7437IME), non modifié sur ce point, les locataires de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, ou dans des zones de sismicité définies par décret en Conseil d'Etat, doivent être informés par le bailleur de l'existence des risques visés par ce plan ou ce décret. A cet effet, un état des risques naturels et technologiques est établi à partir des informations mises à disposition par le préfet.

Le point II de cet article ajoute que "en cas de mise en location de l'immeuble, l'état des risques naturels et technologiques est fourni au nouveau locataire dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article 3-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986".

L'obligation de fournir un état des risques ne semblait pas dépendre de l'usage, de la destination ou de l'affectation de l'immeuble mis en location, le visa des dispositions de la loi du 6 juillet 1989 ne concernant que les modalités selon lesquelles l'état est fourni. En pratique, et s'agissant des baux commerciaux, cet état était le plus souvent fourni.

A l'instar de ce qui a été prévu pour le diagnostic de performance énergétique, la loi du 12 juillet 2010 a modifié l'article L. 125-5 du Code de l'environnement en ajoutant un paragraphe précisant expressément que "l'état des risques naturels et technologiques, fourni par le bailleur, est joint aux baux commerciaux mentionnés aux articles L. 145-1 (N° Lexbase : L2327IBS) et L. 145-2 (N° Lexbase : L2371IBG) du Code de commerce", soit aux baux soumis au statut des baux commerciaux.

Il doit être noté qu'a contrario, il pourrait être soutenu que l'état des risques n'a pas à être annexé aux baux dérogatoires de l'article L. 145-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L2320IBK) ou aux baux professionnels. Toutefois, compte tenu de la généralité des autres dispositions de l'article L. 125-5 du Code de l'environnement et de la gravité des sanctions encourues en cas d'absence de communication de ce document (le locataire pouvant poursuivre la résolution du contrat ou demander au juge une diminution du prix), il est préférable pour le bailleur de l'annexer à toutes les catégories de baux.

La question pourra aussi se poser de savoir s'il est nécessaire de fournir cet état lors du renouvellement d'un bail commercial. Le renvoi à l'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989 semble l'imposer.

III - La nouvelle "annexe environnementale" pour les bureaux et commerce de plus de 2 000 mètres carrés

La loi du 12 juillet 2010 crée l'annexe environnementale qui s'inscrit dans la perspective du "bail vert" (sur le bail vert, voir A. Fourmon, Gaz. Pal., 26 et 27 mars 2010, p. 22).

Elle ajoute, en effet, un nouvel article au Code de l'environnement, l'article L. 125-9 (N° Lexbase : L7446IMQ) aux termes duquel "les baux conclus ou renouvelés portant sur des locaux de plus de 2 000 mètres carrés à usage de bureaux ou de commerces comportent une annexe environnementale".
Un décret à paraître précisera le contenu de cette annexe.

Toujours selon ce nouveau texte, le preneur et le bailleur communiquent mutuellement toutes informations utiles relatives aux consommations énergétiques des locaux loués. Le preneur permet au bailleur l'accès aux locaux loués pour la réalisation de travaux d'amélioration de la performance énergétique. Cette annexe environnementale peut prévoir les obligations qui s'imposent aux preneurs pour limiter la consommation énergétique des locaux concernés.

L'article L. 125-9 du Code de l'environnement prévoit que ces dispositions prendront effet le 1er janvier 2012 à l'égard des baux conclus ou renouvelés à partir de cette date. Elles ne prendront effet que trois ans après l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement pour les baux en cours.

IV - Nouvelle obligation d'information sur les risques de pollution des sols

La loi du 12 juillet 2010 a créé un nouvel article L. 125-6 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L7726IM4) qui impose à l'Etat de rendre publiques les informations dont il dispose sur les risques de pollution des sols, informations devant être prises en compte dans les documents d'urbanisme lors de leur élaboration et de leur révision.
Un nouvel article L. 125-7 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L7725IM3) dispose que lorsque les informations rendues publiques en application de l'article L. 125-6 font état d'un risque de pollution des sols affectant un terrain faisant l'objet d'une transaction, le bailleur du terrain est tenu d'en informer par écrit le locataire et communiquer les informations rendues publiques par l'Etat, en application du même article L. 125-6. L'acte de location doit attester de l'accomplissement de cette formalité.

A défaut et si une pollution constatée rend le terrain impropre à sa destination précisée dans le contrat, dans un délai de deux ans après la découverte de la pollution, le locataire a le choix de poursuivre la résolution du contrat ou d'obtenir une réduction du loyer.

Un décret en Conseil d'Etat définira les modalités d'application de ce nouvel article.

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