La lettre juridique n°405 du 29 juillet 2010 : Bancaire

[Textes] Haro sur le crédit renouvelable ! Lecture thématique et prismatique de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, portant réforme du crédit à la consommation

Réf. : Loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, portant réforme du crédit à la consommation (N° Lexbase : L6505IMU)

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N6988BPI

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[Textes] Haro sur le crédit renouvelable ! Lecture thématique et prismatique de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, portant réforme du crédit à la consommation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3211089-textes-haro-sur-le-credit-renouvelable-lecture-thematique-et-prismatique-de-la-loi-n-2010737-du-1er-
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par Alexandre Bordenave, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, chargé d'enseignement à l'ENS Cachan

le 07 Octobre 2010

Clôturant plusieurs mois de travail gouvernemental et parlementaire, transposant avec un léger retard la Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs (N° Lexbase : L8978H3W) (1) -on l'oublierait presque tant le texte français prend ses aises avec la Directive (2)-, l'adoption de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation inaugure l'énième entrée dans une ère juridique nouvelle se voulant placée sous le sceau de la commercialisation responsable du crédit à la consommation et d'une meilleure prévention du surendettement (3).
L'oeuvre est vaste, bigarrée : des concepts nouveaux sont introduits, tel celui de l'intermédiaire de crédit afin de moraliser l'activité des courtiers, le champ des règles applicables au crédit à la consommation est étendu aux crédits ayant une valeur inférieure ou égale à 75 000 euros (loi n° 2010-737, art. 3 ; C. consom., futur art. L. 311-3 N° Lexbase : L6636IMQ), des dispositions n'entretenant qu'un lien étroit avec le crédit à la consommation sont introduites -extension du micro-crédit (loi n° 2010-737, art. 23), renforcement du libre choix de l'emprunteur en matière d'assurance de crédit immobilier (loi n° 2010-737, art. 21), etc.-... Toute virevoltante qu'elle soit, la loi est emplie d'une évidente sagesse et ne se veut pas un "Grand Soir", irréaliste et brutal (4) : l'essentiel de ses mesures voit son entrée en vigueur repoussée à mai 2011 (5).
Tout particulièrement, une discipline d'atermoiement complexe est organisée par la loi s'agissant des règles relatives aux crédits renouvelables : en particulier, un renvoi est fait à un décret destiné à organiser l'application progressive de la loi nouvelle aux crédits renouvelables en cours (loi n° 2010-737, art. 61, II). Ne serait-ce qu'en matière d'application dans le temps, le crédit renouvelable tient ainsi une place particulière au sein du texte (alors qu'ils sont ignorés par la Directive !) ; et, c'est sans doute le moindre aspect de ce particularisme. L'alinéa premier de l'article L. 311-9 du Code la consommation (N° Lexbase : L9650G8W, destiné à devenir l'article L. 311-16 N° Lexbase : L8202IMQ), dans une rédaction antérieure à la promulgation de la loi du 1er juillet 2010, définit le crédit renouvelable comme "une ouverture de crédit qui, assortie ou non de l'usage d'une carte de crédit, offre à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée, aux dates de son choix, du montant du crédit consenti". Dit plus simplement, le crédit renouvelable consiste à mettre à la disposition de l'emprunteur une réserve d'argent plafonnée dans laquelle il peut puiser à tout moment (ladite opération consistant alors à emprunter effectivement) ; chaque remboursement d'un "tirage" donné venant, par suite, reconstituer le plafond disponible.

Sans que l'on éprouve un irrésistible et impérieux besoin de démontrer pourquoi et dans quelle mesure c'est le cas, le crédit renouvelable -sous ses divers avatars : crédit revolving, réserve permanente, facilité de crédit, etc. (qui nommément disparaîtront, la loi imposant une véritable "appellation bancaire contrôlée" (6))- est une institution devenue incontournable (voire indispensable) des circuits de grande distribution (7). Faisant en apparence fi des difficultés de pouvoir d'achat dont résonne le quotidien, rendant hommage à l'hédonisme béat de l'époque, le crédit renouvelable se propose de satisfaire à tout crin l'extrême préférence pour le présent des agents économiques : pourquoi se priver si l'argent est disponible aisément ? Aisément, certes : mais pas à moindre coût.

Cette question du coût, souvent assez élevé en matière de crédit renouvelable, associée au caractère quasi-indolore de ce crédit, pseudo corne d'abondance des temps modernes représentant 21 % de l'encours des crédits français à la consommation et à laquelle recourent 9 % des ménages français (8), est susceptible d'expliquer pour une large part la place qu'ils occupent au sein de la loi. Sans qu'elle n'y soit exclusivement consacrée, cette dernière ne rate que peu d'occasions de lui faire un sort propre, l'improvisant mécaniquement comme un véritable prisme facilitant la compréhension téléologique des dispositions de juillet 2010.

C'est cette grille de lecture thématique de la loi n° 2010-737 que nous nous proposons de suivre en s'attelant successivement à réfléchir à la manière dont le crédit renouvelable est relégué au rang de mode exceptionnel de financement (I) puis à étudier les conditions de son encadrement (II).

I - Le crédit renouvelable à la consommation, crédit d'exception

Nous l'avons esquissé : le crédit renouvelable à la consommation est un crédit animé par une certaine malice (9). Souvent proposé à des emprunteurs fragiles, il se révèle redoutable de par les coûts importants qu'il génère et sa permanence de fait. Conscient des excès avérés en la matière, le législateur a souhaité que l'encours de crédits renouvelables à la consommation se tarisse au profit des autres crédits, dits "amortissables". Il en résulte des dispositions laissant une place de faveur aux alternatives au crédit renouvelable (A) et à son arrêt (B).

A - La faveur donnée aux alternatives au crédit renouvelable

La diffusion d'une information plus complète et plus précise en direction de l'emprunteur (10) est l'un des leitmotiv de la loi : le crédit renouvelable n'y échappe nullement. Pour ce qui le concerne, une information particulière est due : elle porte sur la possibilité qu'a l'emprunteur de recourir à une forme autre de crédit, que le crédit soit associé (1°) ou non (2°) à une carte.

1° Le choix en matière de crédit renouvelable associé à une carte

En pratique, il est extrêmement fréquent qu'une carte de paiement ou de fidélité tienne lieu de support à un crédit renouvelable (11). La ressemblance d'une telle carte avec une carte de paiement "classique" et le flou du vocabulaire populaire qui parle plus volontiers de "carte de crédit" que de carte de paiement (12) en fait un instrument redoutable pour un consommateur mal éclairé, s'endettant sans trop s'en apercevoir.

Pour prémunir cet effet pervers, la loi impose que :
- les cartes auxquelles est associé un crédit renouvelable comportent une fonction permettant d'opter pour un paiement comptant plutôt que pour un paiement à crédit (loi n° 2010-737, art. 7, II, F ; C. consom., futur art. L. 311-17, al. 1er N° Lexbase : L8203IMR) ;
- le paiement à crédit devra nécessairement résulter d'un "opt in" de l'emprunteur si un compte de dépôt est attaché à la carte et au crédit renouvelable (loi n° 2010-737, art. 7, II, G ; C. consom., futur art. L. 311-17-1, al. 1er) ;
- afin que le porteur d'une telle carte ait conscience des droits qui sont les siens, toute publicité vantant les avantages de ladite carte doit présenter au consommateur le choix lui appartenant entre crédit renouvelable et crédit amortissable (loi n° 2010-737, art. 7, II, F ; C. conso., futur art. L. 311-17, al. 2). Obligatoire en phase pré-contractuelle, cette information doit aussi être fournie en période contractuelle (loi n° 2010-737, art. 7, II, F ; C. consom., futur art. L. 311-17, al.1er).

La méconnaissance de ces règles expose le contrevenant à une amende de cinquième classe (C. consom., futur art. L. 311-49). Clairement, l'objectif est d'endiguer le recours systématique au crédit renouvelable. Lorsque l'on y ajoute la future interdiction de verser aux vendeurs de crédit une commission calculée sur le type de crédits vendus, on comprend bien que rien n'est fait pour favoriser la commercialisation intensive des crédits renouvelables.

2° Le choix en matière de crédit renouvelable non-associé à une carte

S'agissant des crédits renouvelables sans carte (dont on peut raisonnablement estimer qu'ils sont moins dangereux pour l'emprunteur), la loi prévoit simplement que, lorsque le crédit est proposé à un consommateur sur le lieu même de vente ou par un moyen de communication à distance, le consommateur doit être informé du choix dont il dispose entre un crédit renouvelable et un crédit classique (loi n° 2010-737, art. 6, II, B ; C. conso., futur art. L. 311-8-1 N° Lexbase : L8195IMH) dès lors que ce crédit dépasse un seuil (13). Une fois encore, il s'agit de faire prendre conscience au consommateur que le crédit renouvelable n'a rien ni d'un automatisme, ni d'une panacée.

B - La faveur donnée à l'arrêt du crédit renouvelable

Une fois contracté, l'un des dangers du crédit renouvelable régulièrement mis en avant tient à sa virtuelle infinité : dans la mesure où il consiste fondamentalement en une réserve d'argent disponible à tout moment dans la limite du plafond convenu diminué de l'encours des tirages, il n'invite qu'à une faible discipline de l'emprunteur et est donc susceptible de perdurer sur des laps de temps élevés, accroissant d'autant son coût. Pour palier cette source de problèmes, la loi du 1er juillet 2010 inaugure des facultés élargies de sortie pour l'emprunteur (1°) et incite à la responsabilisation des prêteurs au moment charnière que constitue chaque reconduction d'un crédit renouvelable (2°).

1° L'élargissement des facultés de sortie de l'emprunteur

Grâce à la loi, le législateur entend faire en sorte qu'il soit le plus aisé possible pour tout emprunteur de mettre fin à un crédit renouvelable. Deux mesures poursuivent manifestement cette fin.

D'abord, les emprunteurs au titre d'un crédit renouvelable bénéficieront de la mesure générale portant à quatorze jours calendaires (au lieu de sept) le délai de rétraction en matière de crédit à la consommation. Ce doublement, imposé par la Directive (14), est d'autant plus salutaire pour ce qui est des crédits renouvelables, se nourrissant plus que d'autres de l'impulsivité des consommateurs.

Ensuite, la loi dispose d'un principe nouveau, peu favorable à l'emprunteur à la consommation : le remboursement anticipé doit donner lieu à une indemnité variant entre 1 % du montant remboursé par anticipation si le crédit avait une durée supérieure à un an et 0,5 % du même montant dans le cas contraire (loi n° 2010-737, art. 12 ; C. consom., futur art. L. 311-22 N° Lexbase : L8209IMY). Dans les deux cas, le montant de l'indemnité de remboursement anticipé ne pourra dépasser le montant total des intérêts que l'emprunteur aurait payé si le prêt était allé jusqu'à son terme (loi n° 2010-737, art. 12 ; C. consom., futur art. L. 311-22). Fort heureusement, une faveur légale trouvera à s'appliquer aux crédits renouvelables à la consommation (15) puisque aucune indemnité ne pourra être due si un tel crédit devait être remboursée de manière anticipée. C'est plutôt logique, compte tenu de la potentielle récurrence des tirages sur les crédits renouvelables, imposant mécaniquement au prêteur une gestion de sa trésorerie dynamique. Dans la mesure où une obligation d'information mensuelle sur un "état actualisé de l'exécution du contrat de crédit" pèsera bientôt sur les prêteurs (loi n° 2010-737, art. 11, H, 1 ; C. consom., futur art. L. 311-26 N° Lexbase : L8213IM7), les emprunteurs devraient être en position d'apprécier en toute conscience l'intérêt pour eux de rembourser leur crédit renouvelable par anticipation.

Ces règles nouvelles permettront certainement de réduire le nombre de crédits renouvelables et leur durée, pour autant que les emprunteurs aient de quoi procéder à leur remboursement anticipé, ce qui semble passablement antithétique avec le fait de contracter un tel crédit !

2° Un pas vers la responsabilité des prêteurs

"Loi sur le crédit responsable" (16) est un sobriquet dont on pourrait volontiers affubler la loi du 1er juillet 2010. Une disposition particulière applicable aux crédits renouvelables le reflète bien.

L'article L. 311-16 du Code de la consommation impose une durée maximale d'un an pour tout crédit renouvelable à la consommation. Evidemment, cette durée maximale est susceptible d'être prorogée. Précisément, c'est au moment du renouvellement annuel du crédit renouvelable que la loi contraindra les prêteurs à une consultation de la situation de l'emprunteur au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (loi n° 2010-737, art. 7, II, E ; C. consom., futur art. L. 311-16). Si la relation de crédit devait perdurer au-delà de trois ans, la loi impose même un réexamen complet de la solvabilité de l'emprunteur (loi n° 2010-737, art. 7, II, E ; C. consom., futur art. L. 311-16) (17).

A l'évidence, l'idée est de faire sous-peser à intervalle régulier le profil de risque de crédit présenté par tout emprunteur au titre d'un crédit renouvelable. L'intention nous paraît louable, mais quelque peu angélique : l'obligation, souvent déjà suivie spontanément par les emprunteurs, n'est pas accompagnée de sanction en cas de non-respect.

Dans la même veine, notons que sera ramené à deux ans le délai au-delà duquel le prêteur d'un crédit renouvelable non-utilisé est tenu de s'assurer que l'emprunteur souhaite maintenir le crédit (loi n° 2010-737, art. 7, II, E ; C. consom., futur art. L. 311-16).

Ainsi, parce qu'elle s'efforce de rediriger les demandes de crédit vers des crédits amortissables, voire de faire avorter les crédits renouvelables, la loi du 1er juillet 2010 donne à ces derniers un air d'exception. Au-delà de cette volonté politique à peine voilée, le crédit renouvelable est soumis à un encadrement sévère. En ce sens, il suit une évolution similaire à celle des autres crédits à la consommation mais avec des inflexions plus marquées.

II - Le crédit renouvelable à la consommation, crédit sévèrement réglementé

Il faut se faire une raison : l'économie ne pourrait que difficilement se passer des crédits renouvelables à la consommation. Les limiter est une chose utile, souhaitable ; les éliminer ou les interdire, une idéologie aussi nuisible que ces crédits peuvent l'être. Aussi, pour ceux en passe d'être accordés ou qui le sont, la loi met en place un corpus normatif contraignant organisant la protection de l'emprunteur au titre d'un crédit renouvelable au moment tant de sa conclusion (A) que de son exécution (B).

A - La protection de l'emprunteur au moment de la conclusion du crédit renouvelable

En phase précontractuelle et de signature, la plupart des règles applicables au crédit renouvelable sont identiques à celles prévalant pour les autres formes de crédit à la consommation. Les principales de ces règles portent sur la publicité dont peut faire l'objet un crédit renouvelable (1°) et sur l'information due à l'emprunteur (2°).

1° Les règles nouvelles relatives à la publicité portant sur un crédit renouvelable

Comme pour tout crédit à la consommation, la publicité portant sur un crédit renouvelable est fortement encadrée. Dans les grandes lignes, la loi contribue à la clarification de l'information délivrée à l'emprunteur consommateur.

Ainsi, un "exemple représentatif" du coût du crédit devra être indiqué de manière "claire, précise et visible" dans toute publicité portant sur un crédit à la consommation (loi n° 2010-737, art. 4 ; C. consom., futur article L. 311-4 N° Lexbase : L6642IMX). Cela vaudra également pour les crédits renouvelables, mais les modalités et le contenu de l'exemple représentatif restent à préciser par décret. Il est clair qu'il sera plus difficile de fournir au prospect emprunteur une information précise en la matière, compte tenu des subtilités de structure des crédits renouvelables.

Par ailleurs, le taux annuel effectif global (appellation se substituant, pour les crédits à la consommation, au sacro-saint taux effectif global (18)) doit être mentionné dans une taille de caractère plus importante que celle utilisée pour les autres caractéristiques du financement (loi n° 2010-737, art. 4 ; C. consom., futur art. L. 311-5 N° Lexbase : L6641IMW). Cette disposition est applicable aux crédits renouvelables : le taux plus élevé sera donc présenté avec des chiffres et lettres plus grands. Belle cohérence.

La loi renforce également la lutte contre les incitations au recours au crédit à la consommation : est ainsi prohibée toute publicité proposant des lots promotionnels en échange d'une acceptation de l'offre de contrat de crédit (19) (C. consom., futur art. L. 311-5, al. 5). La portée de cette règle en matière de crédits renouvelables ne saurait être négligée : ceux-ci sont fréquemment conclus sur le lieu de vente, propice à toutes sortes d'opérations de promotion.

2° Les règles nouvelles relatives à l'information due à l'emprunteur au titre d'un crédit renouvelable

Cédant à une maniaquerie moderne, le législateur a introduit dans la loi le principe d'une fiche d'information, distincte de l'offre de contrat de crédit (20), devant être remise à l'emprunteur potentiel afin de lui permettre "d'appréhender clairement l'étendue de son engagement" (loi n° 2010-737, art. 5 ; C. consom., futur art. L. 311-6 N° Lexbase : L8192IMD). Plus généralement, à partir de cette fiche, le prêteur (21) doit fournir à l'emprunteur des explications susceptibles de lui permettre d'évaluer la pertinence pour lui du crédit proposé et des conséquences que le crédit pourrait avoir sur sa situation financière, le tout in concreto (loi n° 2010-737, art. 6, A ; C. consom., futur art. L. 311-8 N° Lexbase : L8194IMG).

Plus encore, comme nous l'avons évoqué précédemment, il revient au prêteur de se montrer responsable en procédant à un examen de la solvabilité du prospect sur la base du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers et des informations requises (et reçues) de son éventuel client (loi n° 2010-737, art. 6, C ; C. consom., futur art. L. 311-9 N° Lexbase : L8196IMI).

Cerise sur le gâteau, parce qu'il est difficile d'apprécier à brûle-pourpoint sur le lieu de vente ou à distance la solvabilité d'un consommateur, une seconde fiche doit être remplie pour collecter des informations sur les ressources et les charges de l'emprunteur, tout comme son état d'endettement (loi n° 2010-737, art. 6, D ; C. consom., futur art. L. 311-10 N° Lexbase : L6645IM3).

En matière de crédit renouvelable à la consommation, pour chacune de ces règles, sans doute y aura-t-il encore plus fort à faire : ne perdons pas de vue qu'il s'agit d'un crédit qui se veut immédiat et souple. Il est nécessaire de le brider un peu, mais pour conserver une approche réaliste en termes commerciaux, on peut craindre que les vendeurs de crédits renouvelables ne transforment la collecte d'informations et l'étude de solvabilité qui viennent d'être décrites ne deviennent vite que de simples formalités privées de sens.

B - La protection de l'emprunteur au moment de l'exécution du crédit renouvelable

Une fois conclu ce financement grave que serait le crédit renouvelable à la consommation, l'exigence de protection de l'emprunteur ne s'évanouit pas. La loi prend pleinement en compte ce poncif et, pour cette raison, ordonne un principe de composition des annuités de remboursement de tout crédit renouvelable (1°) et organise le traitement de la défaillance de leur emprunteur (2°).

1° Le principe nouveau de composition des annuités de remboursement d'un crédit renouvelable

Le remboursement d'un crédit à la consommation procède généralement par annuités constantes (22) : en conséquence, chaque annuité contient normalement une part d'intérêts (calculée sur le capital restant dû) et une part d'amortissement du capital. De sorte à ce que l'annuité demeure constante, la logique voudrait que les proportions d'intérêts et de capital connaissent une évolution "en ciseau" tout au long de la durée du prêt : au fur et à mesure que le crédit est remboursé, il devrait y avoir de plus en plus de capital "amorti" et de moins en moins d'intérêts payés. Ce principe logique ne prévaut pas toujours en matière de crédit renouvelable. Aussi, la loi restaure-t-elle sa primauté en disposant que "le contrat de crédit [renouvelable] prévoit que chaque échéance comprend un remboursement minimal du capital emprunté, qui varie selon le montant total du crédit". Cela devrait assurer une diminution du coût global des crédits renouvelables.

Par ailleurs, pour écarter (si besoin était) tout doute en la matière, le futur article L. 311-16 du Code de la consommation dispose expressément que les règles de droit commun relatives à l'anatocisme sont applicables aux crédits renouvelables.

2° Les principes nouveaux relatifs à la défaillance de l'emprunteur au titre d'un crédit renouvelable

Le premier mérite de la loi sur la question de la défaillance de l'emprunteur à la consommation est de définir plus précisément sa défaillance (23). S'agissant des crédits à la consommation, cette défaillance est constituée par trois événements, alternativement (loi n° 2010-737, art. 19, II, 1 ; C. consom., futur art. L. 311-52) :
- le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du crédit renouvelable ou de son terme ;
- le premier incident de paiement non régularisé ;
- ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti.

Pour prévenir une telle défaillance, des pouvoirs contractuels exorbitants sont conférés au prêteur, lui permettant, à tout moment s'il estime que la solvabilité de l'emprunteur a diminué, de réduire le montant total du crédit ou de suspendre le droit d'utilisation (loi n° 2010-737, art. 7, II, E, 5 ; C. consom., futur art. L. 311-16). Seule est exigée une information de l'emprunteur. Pour ne pas le précipiter vers l'abysse, notons que les pouvoirs de l'emprunteur ne vont pas jusqu'à l'autoriser à prononcer directement la déchéance du terme du crédit renouvelable. Néanmoins, la suspension du droit à utilisation contraignant au remboursement de l'encours utilisé du prêt, pendant la période de suspension, ce droit devra être manié avec précaution par les prêteurs. Par ailleurs, si l'emprunteur revient à meilleure fortune, les conditions initiales du crédit peuvent être restaurées en tout ou partie.

Enfin, parce que tout crédit renouvelable à la consommation constitue une dette non professionnelle, la défaillance de son emprunteur est susceptible d'être traitée à l'occasion d'une procédure de surendettement (C. consom., art. L. 330-1 N° Lexbase : L2360IBZ et s.). A cette occasion, tout emprunteur au titre d'un crédit à la consommation pourra bénéficier de l'extension notable provoquée par la loi des pouvoirs des commissions de surendettement, leur permettant notamment d'imposer la suspension de l'exigibilité d'une créance non alimentaire pendant une durée maximum de deux ans (loi n° 2010-737, art. 42, d ; C. consom., futur art. L. 331-6 N° Lexbase : L6602IMH). Voilà qui devrait assurer un traitement plus efficace du surendettement des particuliers, dont l'expérience prouve qu'il avait souvent à voir avec un recours excessif au crédit renouvelable.

Faut-il crier au détournement de transposition ? En considérant à quel point la loi du 1er juillet 2010 ignore la Directive qu'elle prétend implanter en droit français, on aurait raison de le faire. L'objectif d'harmonisation maximale promu par intermittence au niveau de la Commission (24) est loin d'être atteint ! Fondamentalement, le véritable cri qui mérite d'être poussé pour accompagner le choeur législatif, c'est une clameur de haro sur le crédit renouvelable. Cette mise en coupe réglée révèle efficacement les postures prises par le droit français dans la loi en matière de crédit à la consommation, entre informations pléthoriques fournies à l'emprunteur et responsabilisation timide du prêteur : à défaut d'être novateur, il faut y reconnaître une forme de redondance pédagogique. Le crédit renouvelable soulève les mêmes problèmes en les décuplant : à titre d'exemple final, les difficultés particulières qu'il génèrerait si était créé un fichier "positif" des crédits (comme l'évoque l'article 49 de la loi n° 2010-737) en sont révélatrices. En revanche, le prisme du crédit renouvelable laisse songeur si l'on cherche à juger de la cohérence de cette petite diatribe juridique avec l'enthousiasme affiché il y a peu lors de l'introduction de l'hypothèque rechargeable ou du crédit viager hypothécaire, cousins issus de germain du crédit renouvelable. En fait de droit de la consommation, on ne verrait pas toujours d'un mauvais oeil que la main du législateur tremble plus, ou mieux.


(1) L'article 27 de la Directive imposait une transposition pour le 12 mai 2010. Avec moins de retard, la France fait preuve d'une volonté que, longtemps, on lui a peu connue...
(2) Directive 2008/48, art. 22 ; cf. A. Gourio, La réforme du crédit à la consommation, JCP éd. E, 2010, 1675.
(3) Cf. compte-rendu du Conseil des ministres du 22 avril 2009.
(4) Tout particulièrement en matière de crédits, où l'informatique tient une place considérable et où, par conséquent, tout changement normatif doit s'accompagner d'une modification technique.
(5) Loi n° 2010-737, art. 61. Pour un aperçu général des dates d'entrée en vigueur des dispositions de la loi, voir A. Astaix, Publication et entrée en vigueur de la loi portant réforme du crédit à la consommation, D., 5 juillet 2010.
(6) Loi n° 2010-737, art. 7, II, E, 2 ; C. consom., futur art. L. 311-16 (N° Lexbase : L8202IMQ).
(7) La pratique du crédit renouvelable n'est pas limitée au crédit à la consommation : on la retrouve très régulièrement en matière de financement des entreprises à l'occasion de financements de projets, par exemple.
(8) Cf. rapport n° 447 de M. Philippe Dominati, fait au nom de la commission spéciale du Sénat, déposé le 2 juin 2009, p. 197.
(9) Id., p. 198.
(10) Quitte à buter (tristement) sur ses limites cognitives.
(11) Qui ignore l'existence de la carte COFINODIS ?
(12) La loi entend mettre un ordre certain en la matière en imposant la mention "carte de crédit" sur celles qui le sont effectivement dans le cadre d'un crédit renouvelable : loi n° 2010-737, art. 7, II, E, 2 ; C. consom., futur art. L. 311-16.
(13) Dont la détermination est laissée au pouvoir réglementaire.
(14) Même si la loi s'en désintéresse largement (cf. supra.), il faut tout de même bien la transposer, notamment son article 14.
(15) Mais pas exclusivement à ces derniers : sont aussi concernées, entre autres, les autorisations de découvert.
(16) V. Valette-Ercole, Vers un crédit responsable ? - A propos de la loi du 1er juillet 2010, JCP éd. G, 2010, 779.
(17) Au moment de l'ouverture initiale du crédit, le futur article L. 311-9 du Code de la consommation (N° Lexbase : L8196IMI) contraindra à la même démarche.
(18) Loi n° 2010-737, art. 12 ; C. consom., futur art. L. 313-1 (N° Lexbase : L6649IM9).
(19) De nouveau, il s'agit du vocabulaire introduit par la Loi (les textes font aujourd'hui référence à l'offre préalable de crédit : cf., p. ex., C. consom., art. L. 311-4 (N° Lexbase : L6497ABA).
(20) Un décret devra déterminer précisément les autres caractéristiques et le contenu de cette fiche.
(21) Ou l'intermédiaire de crédit.
(22) La méthode aurait pour vertu principale de diminuer le risque pris par le prêteur.
(23) Ce qui permet, notamment, de mieux fixer le point de départ du délai de forclusion dont dispose l'article L. 311-37 du Code de la consommation.
(24) Sur la question de l'harmonisation maximale du droit de la consommation, nous donnons d'ores et déjà rendez-vous à nos lecteurs en novembre prochain : Lexbase Hebdo - édition privée générale publiera les actes de la deuxième conférence d'AENSD1 qui s'est tenue le 9 juin 2010 au Palais du Luxembourg et qui était consacrée au sujet.

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