La lettre juridique n°405 du 29 juillet 2010 : Avocats/Honoraires

[Chronique] Chronique d'actualité relative aux honoraires d'avocat - Juillet 2010

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par Samantha Gruosso, Avocat au Barreau de Paris

le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition professions vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité relative aux honoraires d'avocat, rédigée par Samantha Gruosso, Avocat au Barreau de Paris. Trois intéressantes décisions y sont mises en évidence. La première a trait à la compétence du Bâtonnier statuant sur les litiges relatifs aux honoraires des avocats et rappelle que cette compétence est liée par la qualité même d'honoraire des sommes en cause (CA Paris, Pôle 1, 4ème ch., 12 mars 2010, n° 09/22472). La deuxième porte sur la fixation des honoraires entre avocat plaidant et avocat postulant dans le cadre d'une requête d'envoi en possession (CA Douai, 12 janvier 2010, n° 09/02807). Enfin, la troisième décision revient sur l'honoraire de résultat et la caractérisation d'une décision irrévocable entraînant validation de la convention d'honoraire (Cass. civ. 2, 20 mai 2010, n° 09-11.862, FS-D).
  • La compétence du Bâtonnier statuant sur les litiges relatifs aux honoraires des avocats est liée par la qualité même d'honoraire des sommes en cause (CA Paris, Pôle 1, 4ème ch., 12 mars 2010, n° 09/22472 N° Lexbase : A0165EUN)

Normalement, toute action en recouvrement de créance, dès lors que celle-ci est de nature civile, est de la compétence du tribunal d'instance ou du tribunal de grande instance en fonction du montant de la créance et des taux de ressort.

Le recouvrement d'une créance d'honoraires que peut avoir un avocat sur son client, ce qui est une situation assez fréquente, n'obéit pas aux règles de procédure de droit commun.

En effet, le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 , pris en application de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L5730IM8), consacre dans le chapitre relatif aux règles professionnelles une section entière concernant les contestations en matière d'honoraires et débours.

La procédure spéciale prévue par le décret ne s'applique qu'au recouvrement des honoraires d'un avocat à l'encontre de son client et à l'exclusion de toute autre forme de recouvrement.

Lorsqu'un avocat détient une créance impayée par un confrère, la procédure prévue par les articles 174 et 179 du décret précité n'est pas applicable. Dans ce cas, la procédure est celle de droit commun ou éventuellement, si les parties sont d'accord, celle d'un arbitrage du Bâtonnier.

La spécificité de cette procédure de recouvrement des honoraires d'avocats exclut, également, toute possibilité de recourir à la procédure de référé provision.

L'instance en recouvrement ou en contestation d'honoraires ne peut non plus avoir pour objet une demande qui tendrait à obtenir une condamnation à des dommages et intérêts en réparation d'une faute professionnelle invoquée qui reste de la compétence des juridictions civiles de droit commun.

Ainsi, c'est la qualité même d'honoraires des sommes en cause qui détermine la compétence du Bâtonnier.

La jurisprudence est parfaitement établie en la matière.

A titre d'exemple le Bâtonnier est incompétent en matière de responsabilité professionnelle (Cass. civ. 2, 10 février 2005, n° 03-17.341, F-D N° Lexbase : A6292DG7), ou encore d'une demande de dommages et intérêts en réparation des sommes versées (TGI Paris, 20 décembre 2006, n° 2005/10350).

Aux termes de son arrêt rendu le 12 mars 2010, la cour d'appel de Paris vient, à nouveau, confirmer cette compétence exclusive.

Ainsi, le Bâtonnier est incompétent en matière de restitution d'une somme d'argent versée au titre d'une participation au capital d'une société de gestion de portefeuille dont le projet n'a pas abouti.

En l'espèce, le conseil d'un justiciable a interjeté appel d'une ordonnance rendue le 12 octobre 2009, par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Créteil, qui a rejeté l'exception d'incompétence soulevée au bénéfice du Bâtonnier.

Un justiciable avait remis, en date du 23 mai 2007, à son conseil, un chèque d'un montant de 50 000 euros.

N'ayant pu obtenir restitution de cette somme, le justiciable a assigné son conseil devant le tribunal de grande instance de Créteil afin d'en obtenir la restitution.

Son conseil s'est opposé à cette demande en soulevant devant le juge de la mise en état une exception d'incompétence au bénéfice du Bâtonnier au motif que cette somme correspondrait, en réalité, à une note d'honoraires pour des diligences effectuées à l'occasion du montage juridique de ladite société.

Or, la nature même de cette somme d'argent ne relève pas de la procédure spéciale prévue par le décret du 27 novembre 1991, et par là, de la compétence du Bâtonnier tirée de l'article 174 et suivants du décret organisant la profession d'avocat : "la procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret organisant la profession d'avocat ne s'applique qu'aux contestations relatives à la fixation et au recouvrement des honoraires d'avocats[...]" que le justiciable "ne formule pas une telle demande, mais sollicite la restitution d'une somme d'argent versée au titre d'une participation au capital d'une société dont le projet n'a pas abouti, le bâtonnier de l'Ordre des avocats n'est à l'évidence pas compétent pour statuer sur une telle demande".

  • Fixation des honoraires entre avocat plaidant et avocat postulant dans le cadre d'une requête d'envoi en possession (CA Douai, 12 janvier 2010, n° 09/02807 N° Lexbase : A5224EUZ)

Aux termes de son ordonnance rendue le 12 janvier 2010, le Premier président de la cour d'appel de Douai fait une stricte application de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 (loi n° 71-1130) qui opère une distinction entre la tarification de la postulation, des actes de procédure qui sont régis par les dispositions du Code de procédure civile et des honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie.

Plus précisément dans le cadre d'une procédure d'envoi en possession celle-ci est régie par les règles de procédure ordinaire des ordonnances sur requête prévue par l'article 1008 du Code civil (N° Lexbase : L7571AHU), et qui relève du domaine de la postulation par référence à la compétence antérieure des avoués de première instance.

Dans ces conditions, l'avocat qui diligente une procédure d'envoi en possession agit comme postulant et ne peut prétendre qu'à des honoraires fixés par la loi selon un barème qui distingue les débours et les émoluments et non par une convention d'honoraires.

L'origine de la tarification prévue à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 se trouve dans le tarif qui était celui des avoués de grande instance, officiers ministériels, aujourd'hui disparus, et qui avaient le monopole de la représentation des parties depuis le 2 avril 1960, même si les taux ont été modifiés modestement à plusieurs reprises.

La postulation est vigoureusement défendue par l'ensemble des avocats exerçant en province, alors que les avocats parisiens y sont moins attachés et, d'ailleurs, peu d'entre eux établissent régulièrement l'état de frais correspondant aux émoluments de la postulation.

Ce tarif prend pour assiette les demandes formées devant le tribunal. Il comprend un droit fixe, un droit variable et un droit proportionnel auxquels peuvent s'ajouter les déboursés (frais de papeterie, de correspondances, d'affranchissements, de photocopies et d'impressions).

Les émoluments sont répétibles sur la partie perdante, c'est-à-dire qu'ils peuvent être recouvrés sur la partie à la charge de laquelle la juridiction a mis les dépens du procès. Dans certains cas, le tribunal partage les dépens entre les différentes parties.

Une fois le jugement rendu, l'avocat postulant établit un état de frais comportant le montant des émoluments avec la distinction entre les différents droits et débours. Il ne peut, cependant, en obtenir le paiement, soit auprès de son client, soit auprès de la partie adverse qu'après avoir soumis son état de frais à vérification du secrétariat greffe du tribunal.

En l'espèce, Me C. a été mandaté par Me L., notaire, afin de diligenter une procédure d'envoi en possession devant le tribunal de grande instance de Lille dans une succession C..

En date du 9 septembre 2008, Me C. a saisi le Bâtonnier d'une demande de taxation à la suite du non paiement de ses honoraires.

Par ordonnance en date du 7 avril 2009, le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris a débouté Me C. de ses demandes. Celui-ci a interjeté appel de ladite ordonnance.

Pour prétendre au règlement d'honoraires, Me C. a fait valoir qu'une convention d'honoraires a été conclue entre les parties au moyen deux lettres des 17 novembre 2004 et 13 février 2007, constituant un accord relatif à la prestation d'avocat en matière d'envoi en possession et comportant divers niveaux de forfaits définis en fonction du montant de l'actif successoral.

Le Premier président de la cour d'Appel de Douai, pour débouter Me C. de l'intégralité de ses demandes, précise que les deux lettres précitées ne peuvent constituer une convention d'honoraires dans la mesure où elles ne sont pas spécialement relatives à la procédure d'envoi en possession et qu'elles ne définissent pas une rémunération pour une ou plusieurs missions précisément définies.

Le Premier président de la cour d'appel de Douai ajoute que l'application des deux lettres précitées aboutirait à un pacte de quota litis prohibé par l'alinéa 3 de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et qui dispose que "toute fixation d'honoraires, qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire, est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu".

De surcroît, le Premier président de la cour d'appel de Douai rappelle que la réforme opérée par la loi du 31 décembre 1971 n'a pas modifié le système de tarification applicable à la procédure d'envoi en possession, de sorte que la tarification fixée par la loi continue à s'appliquer avec la persistance du tarif légal.

Dans ces conditions, l'avocat qui diligente une telle procédure qui entrait précédemment dans le champ de compétence de l'avoué de première instance, n'agit que comme postulant.

Cette délimitation de compétence trouve son origine dans la définition juridique de la mission procédurale confiée à l'avocat, celle-ci ne saurait résulter de l'accomplissement des actes de cette procédure d'envoi en possession devant le tribunal de grande instance impliquant un prétendu cumul des deux qualités d'avocat postulant et d'avocat plaidant.

En effet, le cumul de ces deux qualités, avec les conséquences en matière de rémunération n'est possible que si la mission comporte l'exercice des deux, ce qui n'est pas le cas de la procédure d'envoi en possession qui correspond à une mission antérieurement dévolue à l'avoué de première instance à laquelle il convient d'appliquer la tarification de la postulation.

Enfin, la nature contentieuse de cette procédure ne saurait modifier les conséquences de la rémunération de la mission correspondant à l'accomplissement des actes de ladite procédure.

  • Honoraire de résultat et caractérisation d'une décision irrévocable entraînant validation de la convention d'honoraire (Cass. civ. 2, 20 mai 2010, n° 09-11.862, FS-D N° Lexbase : A7259EX7)

Les honoraires sont fixés par accord entre l'avocat et son client. Cet accord est dénommé "convention d'honoraire", et peut être verbal ou convenu par écrit.

Si la convention d'honoraires n'est pas obligatoire, elle apparaît, néanmoins, nécessaire et constitue pour les parties "un instrument de mesure" en cas de conflit.

La convention d'honoraires, sous réserve du contrôle déontologique du Bâtonnier et de celui de la Cour de cassation qui s'est arrogée, depuis un arrêt du 3 mars 1998 (Cass. civ. 1, 3 mars 1998, n° 95-21.387 N° Lexbase : A2039ACI, JCP éd. G, 1998, II, n° 10116), le pouvoir de "modérer" l'honoraire convenu entre l'avocat et son client, est libre et obéit au principe de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC).

S'agissant de l'honoraire de résultat, celui-ci doit faire l'objet d'une convention préalable écrite. Celle-ci ne peut être signée en cours de procédure, ni à l'issue du litige.

Il est nécessaire que la convention insère une définition précise du résultat envisagé, sous peine de non application de l'honoraire complémentaire de résultat (CA Paris, ord. du Premier président, 17 février 1999, Rec. jurispr., 1er septembre 2001, M. B.).

L'honoraire de résultat ne se comprend qu'après un résultat définitif (Cass. civ. 2, 28 juin 2007, n° 06-11.171, FS-P+B N° Lexbase : A9419DWR)

Ainsi, lorsqu'un avocat est dessaisi avant la fin de la procédure, l'accord devient caduc. Il conviendra, alors, d'appliquer les critères légaux issus de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et de l'article 11 du Règlement intérieur.

Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 20 mai 2010, soumettant la validation d'une convention d'honoraires prévoyant des honoraires de résultat à l'obtention d'une décision irrévocable.

En l'espèce, Madame G. avait confié la défense de ses intérêts à Me C. dans le cadre d'un contentieux de sécurité sociale afin de voir reconnaître le caractère professionnel de la maladie ayant causé le décès de son mari et conclu avec celui-ci une convention d'honoraires prévoyant un honoraire fixe de diligences et un honoraire de résultat égal à 10 % des sommes versées.

Le tribunal des affaires de sécurité sociale a condamné la caisse primaire d'assurances maladie du Vaucluse à verser à Madame G. une rente. Cependant, l'ancien employeur de l'époux défunt, a interjeté appel de la décision rendue par le tribunal des affaires de sécurité sociale. Néanmoins, la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse a exécuté spontanément la décision rendue en faveur de Madame G.. Entre temps Me C. s'est dessaisi du dossier et Madame G. a refusé de régler l'intégralité des honoraires demandés. C'est dans ces conditions que Me C. a saisi le Bâtonnier de son Ordre d'une demande de fixation de ses honoraires. Le Bâtonnier avait accueilli la demande de Me C. Alors, Madame G. a interjeté appel de la décision rendue par le Bâtonnier.

Par une ordonnance rendue le 9 mai 2007 le premier Président de la cour d'appel de Nîmes a infirmé la décision rendue par le Bâtonnier et réduit le montant des honoraires au motif qu'à la date du dessaisissement de l'avocat, aucune décision juridictionnelle n'était intervenue de sorte que la convention d'honoraires n'était pas applicable.

Me C s'est pourvu en cassation.

Au visa des articles 1134 et 1194 (N° Lexbase : L1296ABM) du Code civil et 10 de la loi du 31 décembre 1971, la deuxième chambre civile casse et annule l'arrêt rendu par le Premier président de la cour d'appel de Nîmes, au motif que "la caisse avait, avant son dessaisissement de Me C. et après appel de l'employeur, volontairement exécuté la condamnation mise à sa charge par le tribunal qui bénéficiait à la seul Madame G. et sans rechercher, comme il lui était demandé, si cette exécution ne rendait pas irrévocable la décision obtenue".

Ainsi, la deuxième chambre civile vient donner, dans cet arrêt, une précision complémentaire sur le caractère définitif de l'honoraire de résultat obtenu.

En effet, l'exécution spontanée et volontaire par le débiteur d'une condamnation judiciaire suffit à caractériser un résultat dit "définitif" entraînant l'application de la convention d'honoraires comprenant un honoraire de résultat.

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